Chez Kering, en 2021, toutes les marques ont vu leurs ventes dépasser les niveaux de 2019. Une satisfaction pour François-Henri Pinault, PDG du groupe français propriétaire de Gucci, Saint-Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, Alexander McQueen et Boucheron (…), exprimée lors de la présentation des résultats annuels et à l’occasion d’une conférence de presse IRL (dans le monde réel) jeudi au siège du groupe, au 40, rue de Sèvres, à Paris.
Jean-Marc Duplaix, directeur financier du géant du luxe, a présenté les progressions des actifs du groupe, comme le triplement entre 2019 et 2021 des ventes en ligne, qui pèsent désormais plus de deux milliards d’euros sur les 17,6 milliards de revenus, la progression de 32% en deux ans à plus d’1,5 milliard d’euros de Bottega Veneta, ou la “croissance rentable et pérenne” du pôle “Autres marques” (Balenciaga, Alexander McQueen, Qeelin…) qui a compte un milliard de ventes supplémentaires par rapport à 2020 et dépasse à présent 3,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La direction a aussi laissé entendre qu’elle disposait des capacités d’investissement nécessaires pour procéder à des acquisitions si les opportunités se présentaient. François-Henri Pinault a de son côté précisé sa vision sur différents points pour 2022 et au-delà. Extraits.
Augmentation des prix
François-Henri Pinault est revenu sur la question de l’augmentation des prix en discernant la hausse des coûts et la stratégie du groupe concernant le positionnement de ses marques.
“Pour chaque maison, nous revoyons régulièrement toutes les matrices de prix dans toutes les catégories. Depuis quelque temps, il y a une inflation gigantesque sur le transport et un peu sur les matières, et les écarts de change peuvent créer des disproportions selon les régions. Nous sommes très vigilants pour maintenir des prix cohérents sur les différents marchés. Chaque saison, nous alignons les prix en ce sens. Ce sont les évènements structurels”, a détaillé le PDG qui n’a pas souhaité préciser les augmentations de prix moyennes de son groupe, précisant qu’elles sont du même ordre que celles des autres acteurs du secteur.
“L’avantage des maisons de luxe, c’est que chaque saison nous travaillons l’exclusivité et la désirabilité. La façon de faire cela, c’est de travailler la sophistication des produits. Le danger dans le luxe, c’est la banalisation des produits. Nous mettons sur le marché un produit de plus en plus luxueux. L’emphase que nous mettons sur le haut des catégories a pour conséquence de faire augmenter le prix moyen. Cela concerne toutes les catégories de produits.”
Et de poursuivre: “Nous avons fait un élargissement structurel de l’offre chez Gucci. La nouvelle collection Aria est par exemple à un prix très très supérieur. C’est vrai aussi chez Saint Laurent et chez Balenciaga que vous avez vu défiler en haute couture et créer un évènement avec les Simpsons. Les maisons ont cette capacité à jouer avec les deux composantes: la créativité et l’authenticité. Toutes les maisons du groupe sont de plus en plus désirables et ont la capacité d’aller chercher de nouvelles clientèles, en particulier dans des segments plus hauts”.
Création de valeur de marque
“Cette clientèle très haut de gamme, il faut être légitime pour aller la capter. Il ne suffit pas de dire que l’on veut toucher ces clients attirés par une offre très sophistiquée. Cela se fait progressivement et nous avons atteint cette capacité à monter en gamme de façon significative”, a avancé François-Henri Pinault, qui a mis en exergue le fait que le groupe affiche une croissance annuelle moyenne de 18% depuis cinq ans. “Même dans une période atypique, nous avons une croissance très soutenue, très au-dessus du marché. C’est très satisfaisant.”
“Le luxe est une équation économique entre le volume vendu et la valeur des produits. Nous choisissons de restreindre les volumes sur certaines catégories et de compenser par la montée en valeur. Nous ne nous laissons jamais aller à accroître une montée en volume de 20%. Si demain nous baissons les prix et augmentons les volumes, vous allez avoir une explosion du chiffre d’affaires par le volume, mais le risque est très grand de casser la marque. C’est cet équilibre qui est pertinent à long terme et c’est compatible avec un développement durable de la marque.”
“Dans le modèle du groupe développé depuis 2012-13, mettant l’emphase sur la créativité dans le prêt-à-porter, nous avons capté une clientèle assez jeune et, je pense, aidé l’industrie du luxe à s’étendre sur des générations qui étaient moins intéressées par les produits de luxe auparavant.”
“Nous avons une partie des millennials qui se sont intéressés au luxe il y a entre cinq et sept ans qui continuent à acheter et dont la consommation se transforme un peu. C’est porteur pour un groupe comme le nôtre, dont les marques sont présentes et légitimes sur le segment jeune. Si nous arrivons à faire un travail intelligent pour conserver ces clients au fur et à mesure qu’ils arrivent à maturité, nous aurons une assise sur ce segment de clientèle dans les cinq à dix ans à venir qui sera vraiment exceptionnelle”.
L’homme comme opportunité de croissance
Sans donner de volume d’affaires pour les collections homme au sein des marques du groupe, le PDG de Kering a détaillé ses ambitions en matière d’offre masculine.”En valeur absolue, l’homme reste très important dans nos marques mais le marché a beaucoup grossi depuis quelques années. Nous pensons que chez Gucci, mais aussi chez Saint Laurent, il existe un potentiel très important sur l’homme en termes d’élargissement de l’offre.”
“Nous avions plus mis l’emphase sur la femme dans les étapes de maturité des différentes maisons. C’était notre priorité et cela s’est extrêmement bien passé. Au regard de ce qu’est devenu le marché de l’homme, nous pensons que nous avons un potentiel très important à aller chercher. Balenciaga a bénéficié de ce marché ces dernières années. Nous disposons aussi de cette expérience dans le groupe. Je crois que chez Gucci et Saint Laurent, nous pouvons rééquilibrer sensiblement l’homme et la femme.”
Avenir du wholesale
Les ventes en direct représentent aujourd’hui 81% des ventes du groupe, et même 91% chez Gucci. La part des ventes en gros se restreint année après année. Les ventes via ce canal sont d’ailleurs en recul de 3% par rapport à 2019.
François-Henri Pinault a affirmé les intentions du groupe en la matière. “Nous prenons des mesures qui parfois font mal à court terme, mais qui sont nécessaires dans une vision à long terme de marques de luxe modernes. Nous l’avons fait chez Gucci et nous avons engagé cette réduction du wholesale chez Saint Laurent, Bottega Veneta et Balenciaga. Tout cela vise à assurer l’exclusivité et la désirabilité des maisons sur le long terme. Cela crée des phénomènes de frustration, mais c’est nécessaire et les fruits arriveront dès cette année chez Gucci et un peu plus tard chez les autres marques. Nous n’hésiterons pas à fermer les multimarques n’offrant pas la représentation nécessaire aux marques.”
Le groupe prévoit de développer ses réseaux de magasins en direct dans de nouvelles zones, notamment dans des villes moyennes aux Etats-Unis. “Dans le wholesale, vous avez les grands magasins, les multimarques et les franchises. Le e-commerce a bouleversé notre approche. Par le passé, les zones de chalandise qui n’étaient pas assez importantes pour ouvrir des magasins étaient gérées par le wholesale, parfois avec un niveau qui n’était pas satisfaisant. Nous avons arrêté cela. Nous traitons ces zones avec nos propres magasins si elles ont assez grossi, ou avec l’e-commerce. Il y a un élément très particulier qui était le wholesale en ligne. Le problème que nous avons tous en ligne est que nous n’arrivons pas à contrôler les produits. En Europe, nous sommes en relation avec la distribution sélective mais ce n’est pas possible aux Etats-Unis. La règle que nous avons décidée est d’arrêter le wholesale en ligne pour contrôler les prix. Nous ne conservons que les partenaires qui nous apportent une clientèle complémentaire à celle que nous pouvons toucher par nos propres sites et magasins. Et ensuite nous passons en concession pour contrôler la perception de la marque, les prix et les stocks”.
Web3 et métavers
Alors que les marques de luxe testent quasiment toutes des initiatives dans les métavers et les créations de produits digitaux uniques avec les NFT, le PDG de Kering a partagé sa vision sur les développements digitaux. “Sur le Web3 et le métavers, nous voulons être très réactifs. Nous avons un dispositif innovation dans le groupe. Nous venons de créer une équipe dédiée qui fait partie du pôle de Gregory Boutté et dirigée par Amélie Lemoine. Nous avons aussi une équipe innovation chez Gucci, avec une équipe dédiée sur le Web3-métavers, et nous venons d’en créer une chez Balenciaga. Tout cela travaille en réseau. Rien n’est fait sur ces sujets… cela va peut-être faire ‘pschitt’. Mais la philosophie du groupe est: plutôt que d’être dans le wait&see, qui est souvent la posture dans l’industrie du luxe, il faut être dans le test&learn”.
“Nous allons très vite sur les tendances émergentes. Sur le métavers, il y a plusieurs étapes. Aujourd’hui nous sommes dans la communication d’une marque dans un espace virtuel. Mais il y a un développement plus en rupture qui est la partie e-commerce. Une des conséquences du Web3, c’est que les données appartiendraient aux utilisateurs et plus aux opérateurs. Cela va bouleverser tout le CRM et donc tout l’e-commerce. Les technologies de réalité augmentée vont transformer les conceptions de site. A plus court terme, doit-on accepter le paiement en cryptomonnaies sur nos sites? Nous avons embauché un spécialiste car ce sont des considérations juridiques et fiscales importantes.”
Si le cadre reste donc encore à préciser pour les développements techniques, le dirigeant envisage trois grands axes de développements autour du Web3 et des NFT. “Le premier étage est une extension de ce qu’on fait dans le monde physique, avec des NFT attachés aux produits physiques. Ensuite, il y a la dimension de nouveaux produits qui ne sont que virtuels, avec derrière des concepts de rareté et de propriété. Est-ce que ce sera du vêtement, de la chaussure? Peut-être, mais cela peut être totalement autre chose. Et le troisième niveau, ce sont les smart contracts. Ce sont des services qui vont se créer et offrir de nouveaux champs. Par exemple, la notion de rente à vie sur un produit virtuel est une notion nouvelle. Demain, la marque pourra toucher un pourcentage à la revente d’un produit virtuel. Cela crée une équation économique radicalement différente.”
“Nous explorons tout cela. Il est trop tôt pour dire si cela se concrétisera. Dans les pays plus avancés comme les États-Unis, nous sommes déjà à 23% de ventes en digital, à plus de 26% en Europe, mais à moins de 10% en Chine. Cela va beaucoup bouger dans ces régions-là. Globalement nous pourrons aller à 30-35% du marché qui se fera en ligne. Et cela pourrait être beaucoup plus avec le Web3 si se développent des produits et des services virtuels.”
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