Laurent Leclerc est jaloux de son indépendance et il ne s’en cache pas. Mieux, le cofondateur et directeur général de la start-up Smappen, la revendique, à l’instar de cette catégorie de plus en plus vase d’entrepreneurs, les bootstrappers . Leur credo est simple : mieux vaut se débrouiller avec ses propres ressources, même maigres, que de lever des fonds.
« Des investisseurs, même s’ils ne sont pas les décideurs finaux, ont forcément du poids dans les choix que les fondateurs vont devoir faire. Personne n’a envie de se fâcher avec un interlocuteur qui détient un quart ou un tiers du capital de sa boite », affirme celui qui a cofondé Smappen à Toulouse avec Dan Faudemer fin 2018.
Voici ses cinq conseils pour se développer sans un sou vaillant ou presque.
Les entrepreneurs qui lancent leur boîte ne se paient pas. En tout cas pas tout de suite, et parfois pendant longtemps. « Il faut donc avoir un matelas ou un financement comme l’Acre », souligne l’entrepreneur. Smappen a été créée en 2018. Et il aura fallu une bonne année aux deux cofondateurs pour affiner le concept et déterminer leur cible. Ce sera le geomarketing à destination des réseaux de franchise.
Le chiffre d’affaires progresse lentement. Début 2020, la jeune pousse engrange à peine 5.000 euros par mois, de quoi financer les serveurs, pas beaucoup plus. Les recrutements arriveront plus tard quand les rentrées d’argent finiront par se stabiliser au-dessus des 10.000 euros mensuels.
Faute de commerciaux, les entrepreneurs se retroussent les manches. Pour attirer les visiteurs sur leur site, ils tablent sur un bon référencement naturel (SEO). « Nous avons misé sur le SEO et les stratégies d’inbound marketing . C’était principalement un investissement en temps. Nous avons rédigé beaucoup de contenu », témoigne Laurent Leclerc.
A en croire l’entrepreneur, être bien référencé sur Google permet un coût d’acquisition très faible, dix fois inférieur à celui d’un client décroché en outbound. Le choix d’un modèle freemium, mix entre fonctionnalités gratuites et payantes, attire rapidement des abonnés. Début 2021, le chiffre d’affaires mensuel récurrent atteint les 25.000 euros. Smappen clôture l’année avec un chiffre d’affaires de 378.000 euros.
« Sous la contrainte budgétaire, l’ensemble de l’équipe est poussée à être plus créative et innovante, à chercher des solutions smart et efficientes », affirme Laurent Leclerc. Et pour cela, il faut mettre le client au coeur de la réflexion, et le retour sur investissement. « Nous évaluons systématiquement l’impact qu’une nouvelle fonctionnalité peut avoir sur les revenus générés ». Chaque décision chez Smappen est ainsi mise en regard avec indicateur clé, comme le revenu mensuel récurrent. « Notre logiciel de CRM [ Customer revenue Management, ndlr ] nous permet de sortir beaucoup d’indicateurs et prendre les bonnes décisions ».
Smappen revendique une logique d’expérimentation : test, mesure de l’impact puis renforcement s’il est positif ou, retour en arrière et modification s’il est négatif. « Par exemple, quand on veut déployer une nouvelle grosse fonctionnalité, on sort une version bêta simplifiée et si elle est appréciée, on approfondit, poursuit Laurent Leclerc. Nous ne sommes pas en mode projet mais nous progressons au fur et à mesure de manière incrémentale ».
La démarche de « test and learn » est aussi appliquée à la croissance à l’international. « Avant d’attaquer un nouveau pays et de recruter, nous faisons une campagne d’emailing sur une cible fine et nous traduisons quelques page du site web pour voir si cela génère du trafic ». Aujourd’hui, 25% des clients de Smappen sont l’étranger. « Nous allons dépasser cette année le million d’euros de chiffre d’affaires. Mais nous gardons la même rigueur ».
Tous droits réservés – Les Echos 2020

source