Le nom Webedia ne vous dit sans doute rien… Normal, ce groupe internet commence tout juste à se mettre réellement en avant, après être resté discret pendant plusieurs années… Une chose est sûre, vous seriez surpris du nombre de sites internet que cette entité recouvre : jeuxvideo.com, Allociné, PurePeople, 750grammes, Terrafemina, Millenium… Bref, uniquement des poids lourds du web francophone !
Webedia est tout simplement le premier média internet français… Les chiffres donnent le tournis : 21,2 millions de visiteurs uniques par mois pour 45,6% de couvertures sur les internautes, selon le site du groupe. Un internaute lambda ne se doute de rien, mais ce phénomène de concentration, typique des marchés en recherche d’un nouveau business model, n’est pas récent en France. Nos explications.
La publicité est en perte de vitesse sur tous les supports médias, que ce soit la télévision, la radio, la presse ou internet. Plus spécifiquement sur ce dernier segment, la chute des revenus est encore plus grande à cause d’un autre facteur : la prolifération des bloqueurs de publicités, Adblock en tête. Nous avions d’ailleurs tenté d’expliquer pourquoi Adblock était en train de détruite l’internet gratuit. L’utilisation de ces logiciels peut atteindre jusqu’à 50% des visiteurs sur certains sites « Hight-Tech », type Numerama ou Next INpact.
Source : http://www.latribune.fr/technos-medias/publicite/marche-pub-toujours-pas-de-reprise-en-vue-en-france-cette-annee-462768.html
Faute de revenus suffisants, les sites indépendants n’ont d’autres choix que de se tourner vers de grands groupes tels que Webedia. Car, ces derniers peuvent créer leur propre régie publicitaire et bénéficier de moyens de négociations plus importants avec les annonceurs en vendant une audience bien plus large et mieux segmentée (un peu à la manière de Facebook, on cible les internautes en fonction de leurs goûts et comportements). Les économies d’échelle jouent également un rôle très important. Par exemple, des rédacteurs peuvent travailler sur plusieurs sites différents depuis le même bureau, ou réutiliser des articles en les modifiant légèrement. On peut trouver des économies d’échelles à tous les niveaux : administration réseau, référencement SEO, développement web, etc.
Le groupe Webedia ne s’y est d’ailleurs pas trompé en centralisant toutes ses activités dans un nouveau siège social en banlieue parisienne. Un déménagement qui n’est pas fait sans heurts : certains salariés de jeuxvideo.com ont vivement protesté, ne voulant pas quitter leur QG historique d’Aurillac. D’une manière générale, l’acquisition du premier site de jeux vidéo français pour 90 millions euros a soulevé une levée de bouclier parmi toute la communauté geek, à cause d’un acquéreur pas toujours habitué à ses codes… Comme en témoigne, la nouvelle monture graphique de jeuxvideo.com : Respawn, dont même le fondateur du site, Sebastien Pissavy, se moque ouvertement sur Twitter.
@Tony_FBR@WebediaFR Même les plus gros paquebots sont submersibles si l’équipage accumule les conneries #respawn#qualite#sincerite
— Sébastien Pissavy (@pissavy) 29 Juillet 2015
Au rayon humour, on trouve également cette vidéo recoupant les bourdes de Cédric Siré, fondateur de Webedia, lors de son interview sur BfmTV pour le rachat de jeuxvideo.fr.com…


La concentration sur le web français permet à des sites de se sauver de la faillite, mais à quel prix ? On peut prendre le cas de Fluctuat, racheté par le magazine Première propriétaire du groupe Lagardère, qui n’est plus désormais qu’une page sans vie, alors que ses fondateurs lui avaient insufflé une liberté de ton unique.
Désormais, on ne croise plus que les mêmes informations relayées partout sur internet, sans aucune originalité. Il ne s’agit pas de jeter à la pierre à l’un ou l’autre, on le fait aussi parfois sur notre propre site, mais certains ont tout simplement oublié le volet « analyse et plus-value apportée aux internautes » dans leurs article. Pourtant, cette formidable innovation qu’est le web devait permettre la circulation libre de l’information, afin de revenir à l’idéal des Lumières : l’expression du libre-arbitre.
Webedia s’est fait une spécialité de diffuser des « articles à clics », son objectif principal est de divertir les gens afin d’augmenter le nombre de partages sur les réseaux sociaux et de rédiger des articles « SEO friendly » pour se retrouver bien classer dans les moteurs de recherche. Eh oui, le visage des géants du web francophone est bien de plus en plus triste…
Visite de la newsroom de Webedia par François Hollande
Le cas de Webedia est en fait encore plus tordu, ou génial selon les interprétations. Car, cette société regroupant des pure-player du web pratique en masse le brand-content, en plus de la publicité classique. Vous avez dit Brand-Content ? Soit comment se faire de la pub à soi-même sous forme de contenus rédactionnels, et vous allez comprendre pourquoi…
« Une stratégie marketing qui implique la création et diffusion, par une entreprise, de contenus médias afin d’acquérir de nouveaux clients »
Marc Ladreit de Lacharrière, PDG de Fimalac
Si on creuse un peu, on s’aperçoit que la société Webedia est détenue à 100% par Fimalac. Fimalac est la holding du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, qui regroupe notamment 100% des salles spectacles Vega, 40% du groupe Lucien Barrière (casinos/hôtels) et 40% des sociétés de production Auguri et Coullier. Toutes ces entreprises gèrent les tournées de nombreuses stars : Céline Dion, Johnny Hallyday, Arthur, Stromae, Lorie, Gad Elmaleh, Patrick Bruel, etc. Ces stars sont ensuite mises en avant par les sites du groupe Webedia (Purepeople et ses dérivés).
Fimalac maitrise donc toutes les étapes, de la promotion au passage sur scène, pour une création de valeur énorme. L’ensemble met en relation les artistes, les marques, les éditeurs publicitaires, les organisateurs de spectacles… Marc Ladreit de Lacharrière a remis au goût du jour la vision de Jean-Marie Messier (ancien patron de Vivendi) :
« Vivendi souhaite contrôler à la fois les canalisations (eau, câbles de communications) et ce qu’elles véhiculent (eau, flux d’informations) »
Tout est ensuite une question de valeurs : on ne peut ne rien trouver à redire au phénomène de concentration du web en mettant en avant les nécessités économiques. Néanmoins, la polarisation de l’information est particulièrement néfaste dans des sociétés aux valeurs démocratiques comme les nôtres, où des trusts et des grands groupes prennent le contrôle des médias majeurs sur tous les supports. Alors qu’on pensait internet capable de nous émanciper de ce diktat, on s’aperçoit désormais que c’est en grande partie un leurre. Le pire est que peu de gens ont connaissance de cet état de fait. Un comble quand on sait que 8 Français sur 10 affirment utiliser internet comme source principale d’information, selon un sondage CSA.
Fondateur du site artjuice.net, passionné par les nouveaux médias et la culture contemporaine.

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