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L’écrivaine impressionne avec « Vers la violence », récit de l’éducation à la dure de sa fille par un père « psychopathe amusant », et de ce qu’elle produit.
Temps de Lecture 3 min.
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« Vers la violence », de Blandine Rinkel, Fayard, 378 p., 20 €, numérique 15 €.
Blandine Rinkel avait dédié son premier roman, L’Abandon des prétentions (Fayard, 2017), « Aux pierres ». Sans doute l’adresse avait-elle un sens secret, mais elle pouvait apparaître comme un avertissement : l’écrivaine – née en 1991 –, chanteuse et danseuse dans le collectif Catastrophe, n’a rien contre ce qui peut couper ou blesser. La dureté n’est pas étrangère à celle qui, pour ce livre inaugural très remarqué, mettait pourtant beaucoup de douceur dans le portrait d’une femme calquée sur sa propre mère.
C’est d’un père – empruntant ou non au sien, on l’ignore – qu’elle trace aujourd’hui le portrait dans un très impressionnant troisième roman. Celui-ci indique dès le titre la voie suivie : Vers la violence. Cette direction, Gérard n’a cessé de la montrer à sa fille, Lou, la narratrice (« Lou pour l’ailleurs, la forêt et les mammifères »), l’encourageant à devenir comme lui, sans peur, la convaincant que « la douleur n’était pas un obstacle » et que la mort était « un détail ». Gérard n’a pas élevé Lou, il l’a aguerrie. Est-ce que cela a été pour la jeune femme une chance ou une malédiction ? Elle se gardera bien de trancher. A la fois éloignée à jamais de cet homme et loyale pour toujours à la « DGSI miniature » qu’ils constituaient ensemble à force de secrets partagés, elle détesterait sans doute qu’on le fasse à sa place. Elle finira d’ailleurs par être fidèle à son géniteur et à ce qu’il lui a transmis en refusant de lui apporter une aide vitale.
Mais n’allons pas trop vite. Qui est Gérard ? Un policier allergique à la police, installé en Vendée, que sa moustache fièrement arborée pourrait résumer : elle semble celle d’un « psychopathe amusant ». L’homme est cinglé et distrayant. Le livre observe cette dualité de la même manière qu’il étudie la violence sous différentes lumières, sans en faire un objet monolithique méritant seulement condamnation. C’est comme si chaque phrase ou presque, disons chaque situation décrite, lançait la même pièce et voyait de quel côté elle tombe. Pile : la brutalité. Face : la vitalité. Pile : la cruauté. Face : la drôlerie. Pile : la colère. Face : le désir. Pile : l’inconscience. Face : le courage.
A tout moment, Gérard peut passer d’une disposition à son envers, et cette permanente réversibilité des états, de l’atmosphère, a fait planer sur l’enfance de Lou une menace tout sauf sourde. D’autant plus que, elle le souligne dès les premières pages de son récit, « la tendresse ne protège de rien » : ce n’est pas parce qu’il l’aime, s’occupe d’elle, est son meilleur (et longtemps unique) camarade de jeu qu’il va l’épargner, la défendre contre quoi que ce soit. Même : il l’expose au tranchant du monde et à ses dangers, comme lorsqu’il lui fait traverser à pied, toute petite, un pont en pleine tempête.
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