L’Arcom intensifie sa lutte contre l’IPTV. L’autorité de régulation vient ainsi de passer un accord avec les FAI en France afin de bloquer les services diffusant illégalement du sport en streaming. Mais les amateurs ont des solutions de contournement.
L’étau se resserre autour des amateurs de sport adeptes du streaming illégal ! L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom) vient de signer, le mercredi 18 janvier, un accord avec les quatre principaux fournisseurs d'accès à Internet en France (Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free) et l'Association pour la protection des programmes sportifs (APPS) afin de d'accélérer le blocage des IPTV et des sites illégaux de streaming, et ainsi lutter contre la retransmission illégale de contenus sportifs. Ils se sont accordés sur "des bonnes pratiques en matière judiciaire, mais aussi sur la prise en charge des coûts de l'automatisation des mesures de blocage notifiées par l'Arcom sur saisine des ayants droit".
Dans un communiqué, Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom, déclare que cet accord "est l'aboutissement d'un véritable travail d'équipe qui a désormais vocation à se poursuivre, pour anticiper l'évolution des usages, protéger les droits et permettre leur juste rémunération". Depuis que la loi anti-piratage adoptée en septembre 2021 et est devenue effective en 2022, l'Arcom a reçu 85 saisines des ayants droit du sport portant sur dix compétitions sportives, et est parvenue à bloquer près de 1 300 sites illégaux. Une bonne nouvelle quand on sait que le piratage de contenus sportifs en France représente une perte d'environ 500 millions d'euros pour l'ensemble des ayants droit, c'est-à-dire les diffuseurs, les fédérations et les ligues sportives. La coopération de tous les acteurs a permis de diminuer, sur le seul premier semestre 2022, de diminuer l'audience sportive illicite globale de 49 %. Mais ils ne souhaitent pas crier victoire trop vite, étant donné que de nouveaux modes d'accès aux services frauduleux (IPTV illicites, VPN ou de DNS alternatifs) voient sans cesse le jour et forcent l'Autorité à sans cesse rechercher des mesures plus pertinentes à mettre en place. Ainsi, cette dernière espère que l'accord qu'elle vient de passer avec les FAI permettra de renforcer et d'accélérer les mesures prises pour protéger les manifestations sportives. Surtout qu'elle doit faire face à un phénomène qui pourrait bien saper tous ses efforts (et sur lequel il n'a aucun contrôle), à savoir l'éclatement des droits TV qui obligent les amateurs de sport (et surtout de foot) à souscrire à de multiples abonnements sur différentes plateformes : des forfaits dont les prix ne cessent d'augmenter, ce qui risque de poser problème en cette période d'inflation et de perte de pouvoir d'achat…
À l'approche de la très décriée Coupe du monde de football au Quatar, la loi s'était durcie à l'égard des sites et des services IPTV pirates diffusant illégalement des matchs. L'Arcom avait publié un rapport sur le piratage, en se félicitant d'avoir fait bloquer quelque 900 sites illicites depuis le début de l'année 2022. Le régulateur estimait ainsi avoir réussi à réduire de 49 % l'audience globale des sites illicites de live streaming sportif entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022. Et 40 % des internautes recourant aux sites de live streaming illicites avaient été confrontés à au moins un blocage. Des résultats qui prouvaient que ses actions se révélaient efficaces.
Mais c'est là que les choses se sont légèrement corsées. Face aux mesures de blocage de l'Arcom, les amateurs de sport en streaming illégal ont eu trois attitudes à adopter possibles : soit ils ont abandonné l'idée de voir l'événement (37 %), soit ils ont souscrit à une offre légale et payante (15 %), soit ils ont cherché un autre moyen illégal de le regarder gratuitement (46 %, soit près de la moitié des pirates). Autant dire qu'il y a encore du chemin à faire avant d'éradiquer toutes les solutions illicites  ! Car les pirates ne manquent pas d'ingéniosité pour parvenir à leurs fins (voir notre article). Ainsi, toujours selon l'Arcom, 46 % ont simplement cherché un autre site pirate – ils ne manquent pas ! –, 20 % ont emprunté les mots de passe d'un proche pour accéder à un service légal (une pratique qui énerve de plus en plus les plateformes de streaming), et 12 % ont eu recours à des techniques un peu plus complexes, en passant par un VPN ou en modifiant les adresses des serveurs DNS.
L'Arcom a pourtant été très satisfaite de sa campagne. Et elle entendait bien l'intensifier. "La protection des contenus sportifs appelle donc une vigilance accrue, en renforçant par le biais d'accords la coopération entre les fournisseurs d'accès à Internet et les titulaires de droits sportifs, en améliorant les solutions technologiques de blocage et, plus largement, en impliquant l'ensemble des intermédiaires techniques de l'écosystème d'Internet, tels que les fournisseurs de système de noms de domaine (DNS), les réseaux privés virtuels (VPN) ou les services d'hébergement par exemple, dans cette lutte contre le piratage", concluait l'organisme.
Ce ne sont pas les premières victoires de l'Arcom, qui a pris très à cœur ses missions dès sa constitution, à la fin 2021. Après le Top14 (en rugby) et la CAN (Coupe d'Afrique des Nations), le rouleau compresseur judiciaire continue de s'abattre méthodiquement sur les services et les sites qui diffusent illégalement les compétitions sportives les plus prisées des internautes. En effet, Canal+ et beIN Sports France avaient déjà obtenu le blocage de nouveaux sites de streaming qui diffusaient illégalement la Ligue des Champions (Champion's League) par le Tribunal Judiciaire de Paris, qui avait rendu le 17 mars 2022 une décision très attendue par la Ligue de football professionnel (LFP) en ordonnant "pour la première fois en France (à l'initiative d'une instance sportive, NDLR), le blocage par les FAI français de l'accès à des services IPTV pirates" – ces boîtiers et ces applications installées sur les box Internet pour regarder des milliers de chaînes françaises et étrangères – et de certains sites de streaming illégaux.
Cette décision de justice, que la LFP n'avait pas hésité à qualifier dans un communiqué "d'étape essentielle dans la lutte contre le piratage", se fondait sur l'article L.333-10 du Code du Sport. Elle devait permettre à l'Arcom (issue de la fusion entre le CSA et l'Hadopi), "de solliciter dans les meilleurs délais le blocage des sites miroirs et des sites non encore identifiés au stade de la saisine et de la décision rendue." "Face aux enjeux économiques pour le sport professionnel et amateur français, les pouvoirs publics et l'autorité judiciaire ont saisi combien il était urgent d'offrir une protection efficace des compétitions de football professionnel contre les atteintes graves et répétées dont elles font l'objet", poursuivait la LFP. En clair, si les internautes sont à l'abri de toute poursuite, le temps se couvre pour les services et les sites qui capitalisent illégalement sur la diffusion des compétitions de ballon rond. Non qu'ils soient soudainement obligés de fermer boutique, mais le fait d'être bloqués au niveau des DNS par des FAI sur le marché français les rendra de facto moins accessibles aux internautes.
Dans la perspective de la diffusion en France du match de Ligue des Champions opposant le PSG au Real Madrid, le tribunal judiciaire de Paris avait déjà rendu, le 7 février dernier, deux ordonnances de blocage ciblant les sites "dont l'objectif principal ou l'un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives". En clair, la justice avait intimé aux FAI (à commencer par Bouygues, Orange, Free et SFR) l'ordre de bloquer dans les meilleurs délais l'accès aux sites frauduleux identifiés (ou ceux qui viendraient à l'être, comme cela est désormais rendu possible par la "loi Arcom" du 25 octobre 2021).
Dans un communiqué cité par le journal L'Équipe, l'UEFA, détentrice des droits d'exploitation audiovisuels de la Champion's League saluait en février la décision du tribunal judiciaire de Paris et indiquait avoir, de son côté, missionné deux sociétés spécialisées pour lutter contre les diverses formes de piratages de contenus sur Internet. Ces deux sociétés "fournissent des services de détection, de surveillance et d'application liés au contenu piraté en direct et non en direct mis à disposition sur les plateformes de médias sociaux couramment utilisées et sur toutes les plateformes et services Internet, tels que les sites web, les services IPTV, le P2P et les applications non autorisées", expliquait l'UEFA.
Le 20 janvier 2022, la justice avait ordonné le blocage par les FAI des 18 sites suivants, dont les noms avaient été révélés par le site NextInpact : beinmatch.tv, kooora4live.net, kora-online.tv, kooraonline.tv, yalla-shoot.us, cloud.yalla-shoot.us, tv.kora-star.com, Livetv.sx, Cdn.livetv491.me, sekdrive.net, sportnews.to, fcstream.cc, freestreams-live1.com, fc.freestreams-live1.com, aflam4you.tv, can2021.aflam4you.tv. Cette décision actait "de façon concrète l'entrée en vigueur du nouveau dispositif légal visant à simplifier et à accélérer le blocage et l'inaccessibilité aux sites et/ou adresses frauduleux, diffusant des contenus illégaux en streaming ou en IPTV", avait commenté Caroline Guenneteau, secrétaire générale adjointe de beIN Media Group dans un communiqué. Suite à la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris, les FAI ne disposaient en effet que d'un délai de trois jours pour obtempérer. Pas question de traîner, donc !
Quelques jours plus tard, Canal+ qui détient les droits de diffusion du Top 14 (le championnat de France de rugby à XV), emboitait le pas de son concurrent beIN Sports. Et le 28 janvier 2022, toujours auprès du tribunal judiciaire de Paris, la chaîne cryptée a obtenu le blocage de 13 sites de streaming pirates permettant le visionnage illégal des rencontres du championnat de rugby.
Toutes ces procédures de blocage visent en priorité les DNS et ont pour objectif de décourager le grand public, c'est-à-dire les internautes qui font une recherche sur Google ou sur Bing pour savoir où visionner illégalement leurs matchs préférés. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils cessent d'exister, loin s'en faut. Et on peut supposer que les petits malins qui utilisent des DNS alternatifs ou des VPN (qui leur permettent d'afficher une autre adresse IP que la leur, et donc de brouiller les cartes quant à leur localisation effective) pourront contourner l'interdiction… D'autres voient dans l'utilisation de Discord ou de Telegram un horizon indépassable (pour combien de temps encore?) de la diffusion illégale d'événements sportifs.
Cependant, comme le relève beIN Sports, ces décisions marquent, malgré tout, le début d'un mécanisme dit d'injonction dynamique permettant aux ayants droit "de demander aux FAI le blocage de tout nouveau site – identifié à compter de la décision – retransmettant illégalement en live." En pratique, sans avoir à retourner à chaque fois devant le juge, et pour lutter notamment contre la création de sites miroirs, il suffit donc désormais aux chaînes affectées par le piratage de signaler via un simple formulaire de contact à l'Arcom les coordonnées (noms de domaine…) de tout site Internet reprenant les contenus d'un site déjà bloqué en justice. L'Arcom se charge ensuite de demander directement aux FAI le blocage des sites incriminés. 
Pour rappel, l'Arcom (fusion du CSA et de l'Hadopi, bien connue des internautes) est née le 1er janvier 2022. Cette nouvelle autorité de régulation dispose, par rapport à l'ex-CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), d'un périmètre d'intervention élargi au numérique. Pour les internautes, cela signifie que cette nouvelle entité a pour mission de mieux surveiller ce qu'il se passe en ligne tout en restant fidèle au principe fondateur du CSA qui consiste à "être le garant de la liberté de communication""L'Arcom permettra de mieux épouser les enjeux audiovisuels de son temps, en tenant compte des plates-formes de streaming et des grands acteurs du numérique", a déclaré dans un entretien à l'AFP, Roch-Olivier Maistre, nouveau président de l'Arcom et ancien président du CSA. En pratique, l'Arcom s'occupera, conformément à la loi du 25 octobre 2021, de la question de "la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique", c'est-à-dire en fait qu'elle sera chargée de lutter contre le piratage (et notamment contre les services d'IPTV et les sites de streaming illégaux utilisés par les internautes pour regarder des films ou des retransmissions sportives), en établissant, en collaboration avec les ayants droit et les organisateurs d'évènements, des listes noires des sites et des services concernés. 
"Nous ne serons plus obligés de passer par des mises en demeure", s'était à l'époque félicité Frédéric Delacroix, délégué général de l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, interrogé par Le Monde. Dans ce domaine, un service hébergé sur le site de l'Arcom propose déjà aux internautes de rechercher quels sont les sites ou services d'offres légales disponibles en ligne et d'en proposer de nouveaux à référencer. Il est aussi possible d'installer directement sur son navigateur Web une extension (héritée de l'Hadopi) baptisée EOL (pour Extension Offre Légale) permettant d'identifier automatiquement les services référencés par l'Arcom comme étant respectueux des droits d'auteur.
L'Arcom supervise également l'activité des grandes plates-formes de SVOD (comme Netflix, Disney+, Prime Video, Apple TV+…), œuvre pour la protection des mineurs sur Internet et exerce également son magistère sur les réseaux sociaux et plus généralement sur les sites en ligne (sites de forums de discussion compris) comptabilisant au moins 5 millions de visiteurs uniques par mois. L'objectif étant ici, en imposant une obligation de moyens (et non de résultats), aux acteurs concernés (comme Twitter, Facebook, Instagram ou YouTube) de traiter de la diffusion de fausses informations et de la haine en ligne. Si le périmètre de l'Arcom est étendu par rapport à celui de l'ex-CSA, les moyens alloués restent pour l'heure identiques, l'Arcom étant doté d'un budget annuel de 46,6 millions d'euros et de 355 salariés."Je demanderai dans le cadre de la loi de finances 2023 une dizaine d'embauches supplémentaires", avait déclaré son président, Roch-Olivier Maistre.
Mais le téléchargement en P2P (Peer-to-Peer ou pair à pair), le plus souvent via des torrents, n'étant (presque) plus de saison et ayant plutôt fait place au DDL (Direct Download ou téléchargement direct, via des services en ligne de partage de fichiers), l'Arcom intègre dans ses prérogatives tout un arsenal d'outils juridiques visant à assécher le marché des sites de streaming illicites, les offres de télévision par Internet (IPTV) mais aussi les sites miroirs reprenant tout ou partie des services visés. Concrètement, à la demande des ayants droit et en cas "d'atteintes graves et répétées au droit d'exploitation audiovisuelle", l'Arcom peut établir des listes noires de sites dont elle eut demander le blocage aux fournisseurs d'accès à Internet, aux opérateurs de noms de domaines et aux réseaux sociaux, et le dé-référencement aux moteurs de recherche et aux annuaires de sites. Par extension, l'établissement de ces listes noires peut également contribuer à démonétiser certains sites délictueux en plaçant notamment les acteurs bancaires, et les annonceurs devant leur responsabilité.
Mais ce n'est pas tout, un mécanisme dit d'injonction dynamique permet également (même à titre préventif) de lutter contre l'apparition de sites miroirs reprenant tout ou partie des contenus de sites déjà blacklistés. "L'idée est de permettre aux ayants droit, que ce soit les ligues professionnelles ou les diffuseurs, de pouvoir agir en amont, en demandant une ordonnance dynamique auprès du juge, pour identifier et faire connaître les sites sur lesquels il y a une retransmission. L'ordonnance sera valable sur une période de douze mois, et permettra donc, (…) de notifier également des sites miroirs, qui apparaîtraient en duplication après le blocage de certains sites", soulignait Cédric Roussel, député LREM des Alpes-Maritimes. L'Arcom est devenu "le tiers de confiance vers lequel les ayants droit vont pouvoir se tourner. C'est en cela que cette ordonnance est dynamique, elle permet de lutter contre les sites déjà identifiés, et les sites miroirs."  Avec une telle disposition, le pari qui est fait est celui qui consiste in fine à couper (mais est-ce bien réaliste ?) le flux proposé par les boîtiers IPTV auxquels s'abonnent clandestinement nombre d'internautes, utilisant l'excuse de ne plus pouvoir payer tous les abonnements nécessaires aux plateformes de SVOD et aux opérateurs détenteurs des droits de diffusion de leurs matchs de football préférés. Il n'y a en revanche dans la loi pas de système d'amende transactionnelle (pouvant atteindre plusieurs centaines d'euros). Celui-ci aurait permis de cibler les personnes physiques (c'est-à-dire les internautes) au dernier stade des avertissements du mécanisme de riposte graduée.

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