La pandémie du Covid-19 a fortement touché le secteur du luxe avec un recul des ventes de l’ordre de 20% en 2020. Le réseau retail a été surtout impacté, tandis que les ventes en ligne ont explosé, renforçant le poids des plateformes multimarques, véritables gagnantes de cette révolution, ainsi que les grandes maisons, devenues encore plus puissantes. Dans ce contexte, les autres acteurs du luxe vont devoir se réinventer et repenser à fond leur distribution, selon Luca Solca, analyste senior en charge du luxe chez Bernstein.
Des influenceurs, aux réseaux sociaux, en passant par les e-shops et les plateformes multimarques, plusieurs forces centrifuges ont éloigné le consommateur des traditionnelles boutiques monomarques. Cette baisse du trafic en magasin s’est exacerbée avec le Covid-19, et n’a été que partiellement compensée par les forts taux de conversion e-commerce, avec un risque important pour les griffes de voir diluer leurs ventes au mètre carré.
Dans son étude, l’analyste démontre comment la croissance des ventes à périmètre comparable est clairement liée à celle du retour sur le capital investi. Une croissance importante à double titre puisqu’elle crée de la valeur, mais elle porte à son tour au succès sur le marché financier avec une hausse correspondante du titre de la marque en Bourse. En résumé, Covid et accélération digitale ont atténué l’affluence et la rentabilité en boutique, accentuant la pression sur les griffes, contraintes à réagir pour rester compétitives.
Événements, collections capsules, pop-up store, services dédiés aux clients, tels que des vendeurs personnalisés ou des espaces réservés, avec toujours plus de valeur ajoutée, peuvent permettre de freiner l’hémorragie. Mais cela implique des coûts supplémentaires, que seuls les groupes les plus puissants peuvent se permettre grâce à des économies d’échelle. Or la même logique est en train de se mettre en place sur la Toile.
“L’accélération digitale a contribué à renforcer les distributeurs en ligne multimarques. Dans le monde numérique, les consommateurs affluent en effet sur les plateformes qui ont su agréger la masse en termes de produits et de marques”, indique Luca Solca, en citant Lyst et Farfetch dont les tailles sont “dix à cent fois supérieures par rapport à leurs concurrents”. Les deux groupes ainsi que Mytheresa et Net-A-Porter drainent désormais plus de trafic que les grands magasins traditionnels, comme Selfridges, Saks Fifth Avenue, ou encore les Galeries Lafayette.
“Nous représentons le nouveau modèle gagnant. L’émergence des plateformes multimarques telle la nôtre était impensable auparavant dans le monde du retail“, commente le CEO et fondateur de Lyst, Chris Morton, qui a vu ses ventes exploser de 50% en 2020. L’e-commerce et moteur de recherche mode anglais dessert désormais 200 pays, à 90% entre l’Europe et les États-Unis, comptabilisant 150 millions d’acheteurs annuels, 17.000 marques et 8 millions de produits avec 100.000 nouveaux articles proposés au quotidien.
“Les consommateurs ont un rapport avant tout avec la marque. Pour le reste, ils sont plutôt agnostiques par rapport aux différents canaux de vente, mais ils commencent à s’habituer de plus en plus à l’e-commerce, qu’ils utilisent comme la télécommande de leur vie. A nous de comprendre leurs exigences”, décrypte le manager.
Leur capacité technique et force de frappe ont permis aux plateformes de consolider leur modèle de e-concessions, tirant parti du stock mondial des marques, qui dans cette formule, restent propriétaires de la marchandise en gérant les livraisons en direct. Contrairement au modèle traditionnel de la distribution physique, où des stocks étaient alloués localement à chaque grand magasin.
“Parallèlement, plusieurs maisons ont accéléré la rationalisation de leur réseau de vente en gros traditionnel, ce qui a accéléré leur concentration sur les multimarques en ligne, où à travers les e-concessions elles peuvent avoir un plus grand contrôle de leurs prix”, souligne Luca Solca. “Autre avantage pour les griffes, sur les plateformes, elles gagnent davantage d’argent car elles pratiquent les prix du retail, moins la commission due au revendeur en ligne, alors qu’avec leurs habituels clients multimarques elles n’encaissaient que 40 à 50% du prix retail“.
“Le système fonctionne surtout pour les marques les plus grandes, alors que pour les plus petites, cela se traduit par un ultérieur désavantage stratégique dont elles devront tenir compte. Les maisons, telles Dior, Hermès ou Louis Vuitton ont déjà intégré l’élément de la distribution digitale dans leur propre écosystème et ne nécessitent pas toujours du support des plateformes. Au contraire, ce sont elles qui attirent le trafic sur ces dernières”, note l’analyste.
“L’e-commerce est et restera un élément important du marché du luxe, mais les ventes en ligne n’atteindront pas une aussi grande part de marché”, estime pour sa part Michele Norsa, vice-président exécutif de Salvatore Ferragamo. “Il y aura un rééquilibre géographique ainsi qu’entre les différents réseaux de vente, car la qualité de l’expérience en magasin reste fondamentale. Il faut éviter l’aplatissement selon lequel on peut tout acheter en quelques clics”, glisse-t-il.
“Nous venons de rouvrir nos portes et nous ne pouvons que constater le retour en masse des clients, notamment auprès de nos salons de coiffure et de nos restaurants étoilés”, enchérit Michael Ward, le managing director des grands magasins londoniens Harrods, dont la baisse de la clientèle s’affiche à -15% depuis la réouverture par rapport à la même période pré-Covid, tandis qu’en 2020, le trafic a plongé de 68%.
Des chiffres plus que prometteurs, d’autant que les touristes ne sont pas encore revenus. “Ce qui se passe, c’est que les gens viennent pour vivre une expérience unique. Ils veulent retrouver la magie que nous avons réussi à maintenir”, explique le directeur.
Mais l’expérience du luxe n’est-elle pas aussi “celle de se commander un produit particulier fort désirable en cliquant simplement sur son écran, tout en dégustant un bon verre de vin confortablement assis dans son salon ?”, suggère le patron de Lyst, Chris Morton. Délicate équation que les maisons devront tenter de résoudre dans les prochains mois…
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