Le géant du net réfléchit à un business model publicitaire, son point fort historique, pour créer des revenus avec son enceinte connectée.
"OK Google. Comment compte-tu gagner de l'argent avec ton enceinte connectée ?" Pour l'instant, l'intelligence artificielle conversationnelle Google Assistant, qui équipe le haut-parleur intelligent Google Home, ne sait pas répondre. Elle propose un mode d'emploi pour utiliser son système publicitaire Adsense. Logique, car en dehors des revenus tirés de la vente de l'appareil, la firme n'a pas encore détaillé quel serait son business model sur ce produit sorti en France le 3 août 2017. Ses principaux concurrents sur ce nouveau marché, Amazon avec son Echo et Apple avec son HomePod, misent sur leurs points forts historiques pour générer du chiffre d'affaires. "L'enceinte connectée est pour Amazon un nouveau canal de vente en ligne. Elle permet à Apple de fournir des contenus, notamment musicaux, et donc de booster le nombre d'abonnements à des services comme Apple music", explique Philippe Pestanes, expert télécoms et médias au sein du cabinet Wavestone. En toute logique, Google espère faire de même avec son core business, la publicité, qui lui a rapporté en 2015 90% de ses 75 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Trois sources de revenus publicitaires peuvent être envisagées pour le groupe.
Alphabet peut premièrement vendre aux marques des publicités intégrées directement aux applications Google Home, prononcées par son IA vocale Google Assistant. En mars 2017, la multinationale a diffusé pendant quelques heures une campagne de communication pour le nouveau film de Walt Disney "La Belle et la bête", via son appli calendrier. Lorsque le majordome numérique indiquait à son utilisateur le programme de sa journée, il lui glissait au passage que la superproduction venait de sortir en salle.
Trop envahissant, le format n'a pas été accepté. Car s'il est possible de ne pas cliquer sur une bannière publicitaire mise en avant par le moteur de recherche sur un écran d'ordinateur, impossible d'échapper à la voix de l'assistant qui impose à son utilisateur l'écoute de la réclame. Les réactions agacées des internautes ont rapidement fusé sur Twitter et Reddit. Alphabet cesse le jour même de diffuser le contenu et publie un communiqué expliquant que ce n'était pas une publicité. "Après avoir fourni à nos clients des informations sur leur emploi du temps, nous leur proposons quelquefois des événements contextuels", s'est justifiée la compagnie. "Après cet échec, Alphabet travaille probablement sur de nouveaux formats publicitaires plus fins et personnalisés pour Google Home, même si ce n'est pas officiel", suppose Paul Amsellem, président fondateur de l'agence de marketing Madvertise.
Les applications de web radio prendront probablement de l'ampleur sur les haut-parleurs connectés. Entre 2016 et 2017, le nombre d'auditeurs mensuels de podcasts a crû de 24%, selon une étude d'Edisson. "Il y a toujours eu de la publicité sur les stations de radios traditionnelles. Des réclames viendront très probablement s'intégrer aux émissions écoutées par les propriétaires de Google Home", estime Paul Amsellem. Les annonceurs pourraient par exemple créer de nouveaux formats de type brand content vocal. Reste à déterminer le partage de la valeur entre Google (dont l'enceinte est le canal de diffusion) et le créateur du contenu.
Alphabet pourrait également générer du chiffre d'affaires en appliquant le modèle de son service de publicité Adwords à la recherche vocale. Les entreprises payent aujourd'hui Google pour qu'un lien renvoyant vers leur site apparaisse au-dessus des résultats liés au référencement naturel, lorsque l'internaute tape certains mots clefs sur le moteur de recherche. A chaque clic, la marque paye. Sauf que le géant du net, qui propose une dizaine de liens sponsorisés sur desktop et quatre ou cinq sur mobile, serait plus limité par le modèle vocal. Impossible d'effectuer plus d'une ou deux propositions sans que l'utilisateur ne se sente perdu ou envahi.
"Même si l'offre publicitaire vocale est plus limitée, rien ne garantit que les entreprises paieront plus cher que sur le modèle Adwords classique pour diffuser leur annonce. Tout dépendra du niveau d'adoption de la recherche vocale par le grand public. Les marques ne seront prêtes à débourser de gros montants que si le nombre d'utilisateurs est important", analyse Paul Amsellem.
Les haut-parleurs intelligents ne sont pas encore des produits mass market, loin de là. Alphabet, qui s'est lancé dans le business en 2016, devrait avoir écoulé mi-2018 un million de ses enceintes intelligentes dans le monde selon Strategy Analytics. Sauf que les internautes qui effectuent des recherches vocales avec Google Assistant ne sont pas tous propriétaires de cet appareil. En février 2017, le majordome virtuel a été intégré aux versions 6.0 Marshmallow et 7.0 Nougat d'Android, grâce à une mise à jour. 200 millions de smartphones sont équipés de ces deux variantes de l'OS selon la firme. Le système IA est progressivement activé sur ces appareils par les fabricants de téléphones Android. Le niveau de recherches vocales sur Google pourrait donc décoller et l'Adwords vocal devenir un business model intéressant pour la société. L'année dernière, ledit niveau était déjà de 20% aux Etats-Unis, avait indiqué en mars 2016 le PDG du groupe Sundar Pichai lors d'une conférence (ces requêtes orales était à l'époque effectuées à travers des applications mobiles).
En attendant de développer ces deux sources de revenus, les données recueillies par Alphabet sur les utilisateurs de Google Home lui permettent d'alimenter ses autres interfaces publicitaires, en connaissant mieux encore les internautes. Les data collectées au cœur de la maison sont-elles de très grande valeur, de nature à booster fortement son business traditionnel ? "Pas tellement", répond le patron de Madvertise. "Les informations enregistrées par Alphabet lorsqu'un internaute cherche une recette vocalement ou sur son moteur de recherche tapuscrit sont sensiblement les mêmes. Il existe tout de même une différence : en analysant la voix de l'utilisateur de Google Assistant, le groupe peut déterminer le niveau d'urgence de la requête et l'humeur de l'utilisateur, ce qui n'est pas possible à l'écrit. Un internaute tape sensiblement la même chose sur son clavier quand il est stressé ou détendu", développe-t-il. Google pourrait un jour utiliser cette information sur le niveau de priorité d'une requête pour vendre plus cher les espaces publicitaires de son moteur de recherche à des e-commerçants par exemple, à l'écrit comme à l'oral.
"OK Google. Comment compte-tu gagner de l'argent avec ton enceinte connectée ?" Pour l'instant, l'intelligence artificielle conversationnelle Google Assistant, qui équipe le haut-parleur intelligent Google Home , ne sait pas répondre….
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