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À 89 ans, Lili Leignel est animée par le devoir de mémoire et témoigne sans relâche devant les jeunes. Jeudi 28 avril, nous avons eu la chance d’assister à son récit à l’ambassade de France. 
 
Lili Leignel fait partie des témoins de l’histoire et transmet inlassablement son récit aux jeunes ; c’est dans un silence total qu’elle nous a raconté l’humiliation, la faim, le froid et l’angoisse de chaque jour qu’elle a subi à l’âge de 11 ans dans les camps de concentration. 
 
C’était il y a 77 ans, le 27 octobre 1943 elle est arrêtée avec ses parents et ses deux frères à Roubaix en pleine nuit. “Schnell ! Los!” ces deux mots répétés par la Feldgendarmerie sont ancrés en elle. Séparés de leur père, les trois enfants de 11, 9 et 3 ans et leur mère sont emmenés au camp de Malines en Belgique avant d’être déportés quelques jours plus tard à Ravensbrück, camp de concentration au nord de Berlin. Son numéro de matricule : 25 612. Ces cinq chiffres résonnent encore en elle, on lui a enlevé son nom. Lili Leignel nous raconte la déshumanisation subie à Ravensbrück, l’humiliation et la souffrance des camps où “la mort aurait parfois été préférable au quotidien”.
 
Elle nous relate les heures passées dehors dans le froid à attendre que les nazis les comptent, avec seulement leur robe de bagnard, les journées passées à attendre leur mère, terrorisés et épuisés par la faim. Elle nous parle de la difficulté à dormir sur des paillasse où femmes et enfants sont entassés, dans le froid et réveillés à trois heures du matin tous les jours. Dans le camp où elle se trouve, les enfants sont des ombres, affamés et terrifiés par les chiens des nazis : “plus de 77 ans après j’ai toujours peur des chiens” nous confie-t-elle. Elle nous raconte l’horreur de la vision des corps de femmes et d’hommes, d’enfants et de nouveaux nés entassés sur les chariots en bois. Elle nous rapporte aussi l’odeur émanant de la crémation des corps, dont il semble impossible de se détacher. La tuberculose fait des ravages et la maladie l’emporte souvent, ceux qui parviennent à survivre sont déportés en février 1945 et connaîtront un enfer encore bien pire. C’est au camp de Bergen-Belsen, où sévit le typhus, qu’elle est déportée. Lili Leignel et ses deux frères assistent pendant ces mois à la dégradation de la santé de leur mère. 
 
Après la libération du camp par les anglais, les trois enfants sont rapatriés seuls en France, laissant leur mère gravement malade. Ce n’est que deux semaines plus tard qu’elle les rejoindra chez leur tante, elle ne pèse alors plus que 27 kg. La famille retournera à Roubaix. Ils apprendront plus tard que leur père, déporté à Buchenwald, n’en reviendra pas. 
 
Aujourd’hui, Lili Leignel a écrit trois livres pour compter son histoire. Elle les signe tous du nom Keller-Rosenberg, nom de sa mère qui fut sa boussole pendant les deux années passées dans les camps. Elle a commencé à témoigner en 1983 ; se heurtant alors à des propos négationnistes en France, elle a surmonté sa timidité pour transmettre sans relâche l’horreur du passé. 
 
Lili Leignel nous a délivré un témoignage poignant, dont on restera tous marqué, elle délivre notamment énormément de détails sur la survie dans les camps de concentration et sur son parcours en tant que rescapée de la Shoah, donnant une impression d’immersion dans l’un des passages les plus sombres de l’humanité. L’auditoire est jeune et elle répète sans relâche aux lycéens : “vous êtes mes petits messagers” en les mettant en garde contre toute forme de racisme, de xénophobie et d’antisémitisme. “Bientôt, il n’y aura plus un seul déporté et ce sera à vous de transmettre, mes petits messagers”, a-t-elle expliqué aux adolescents. “Soyez vigilants, soyez courageux, ne laissez pas répandre des mensonges”. 
 
Elle compte véritablement sur la nouvelle génération : “les jeunes d’aujourd’hui sont formidables, j’ai foi en eux”. Son message est confiant, elle croit en l’avenir et en les jeunes, son récit le prouve : elle est même capable de le ponctuer de pointes d’humour. Elle explique d’ailleurs à l’audience qu’elle compte témoigner “au moins jusqu’à 100 ans !” et qu’avant le covid elle “rencontrai[t] jusqu’à 25 000 élèves par an”. Cette femme pétillante et lumineuse nous a transmis sa force incroyable de vivre au cours de son témoignage.  
 
Aujourd’hui, alors que la guerre menée par Vladimir Poutine sévit en Ukraine et vient menacer la paix en Europe et dans le monde, Lili Leignel craint que le devoir de mémoire ne soit pas suffisant et que l’homme ne tire pas les leçons nécessaires de l’histoire : “tout peut revenir”. ​​De quel droit peut-on déshumaniser son prochain au nom de ses origines, de sa religion, de ses orientations sexuelles…? Une éternelle question qu’il faut se poser sans relâche pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Animée par un engagement intarissable en faveur du travail de mémoire, Lili Leignel nous a fait l’honneur d’une partie de son passé, c’est à nous maintenant de transmettre son histoire.
 
 
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