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Nommé aux Oscar, récompensé aux Césars, ayant récemment enchaîné les partitions majeures (Le discours d’un roi, Harry Potter, The Tree of Life…), Alexandre Desplat fait très logiquement partie des nominés aux World Soundtrack Awards dont la cérémonie se tient le samedi 22 octobre. Il est également en course pour le prix France Musique Sacem de la musique de film qui sera remis mardi 25 octobre. Le compositeur est en ce moment à l’affiche de deux films, Les marches du pouvoir de George Clooney et Carnage de Roman Polanski. En avril dernier, il nous recevait pour un entretien exclusif à Londres (où il composait la musique des Reliques de la mort, 2e partie et dirigeait le London Symphony Orchestra dans les mythique studios d’Abbey Road), reproduit ici dans son intégralité.
Harry Potter
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Connaissiez-vous bien les livres, les films et la musique de l’univers de Harry Potter ?
Je connaissais déjà bien tout ça. L’une de mes filles était fan de Harry Potter et je suis fan de John Williams depuis toujours. Dès qu’un disque de lui sort, je cours l’acheter. Je connais donc les trois premiers par cœur.

Est-ce que ça change quelque chose d’être le quatrième compositeur à travailler sur la même saga et surtout de prendre le relais après John Williams ?
Je peux vous dire qu’avant de commencer, vous êtes sacrément terrorisé. C’est le maître absolu de la musique de film de la fin du XXe siècle, il n’y a pas à discuter. Il a dévoré et assimilé Debussy, Ravel, Chostakovitch et Prokofiev, mais aussi toute l’histoire du jazz, ce qui est phénoménal. Il n’y en pas d’autres qui ont cette science-là. Même si je respecte Nicholas Hooper et Patrick Doyle, c’est bien lui qui a inventé le thème principal de la saga. Et je suis très excité de jouer avec ce thème que j’aime beaucoup.

Ce thème reste pourtant assez discret dans les derniers films.
Beaucoup de fans m’ont d’ailleurs reproché de ne pas assez l’utiliser, mais ce n’est pas de mon fait. C’est le choix du metteur en scène. Ils oublient que ce n’est pas le compositeur qui décide, qu’il est au service d’un film et d’un metteur en scène. Ce dernier voulait que les films soient dans un monde plus réel et en particulier pour la première partie des Reliques de la mort. À chaque fois que j’essayais d’utiliser ce thème, on me disait «non, maintenant, on est dans le monde réel, les enfants ne sont plus à l’école et il ne doit plus y avoir ce thème du monde magique.» J’avais fait plein d’arrangements différents, pris plein de directions, mais ça n’a pas été possible. Pour le dernier film, je peux le citer de temps en temps parce qu’on est de retour à Poudlard. Mais il porte encore en lui quelque chose d’enfantin qui n’est pas très présent dans ce dernier film qui est aussi très sombre et très violent.

Vous avez conçu a musique des deux derniers films simultanément ?
Pas du tout. On m’a engagé pour l’avant dernier et je ne savais pas que j’allais faire le dernier. C’est à la fin des séances en octobre 2010, qu’on m’a demandé si je voulais faire le suivant.

Et cela vous a conduit à traiter le dernier comme une suite dans sa forme musicale ?
Un peu, car j’ai conservé quelques repères, certains motifs. Un trait de cordes qu’on entendait dans «Obliviate», le thème des Horcruxes, un passage de la musique chez Lovegood qu’on entendra de nouveau chez Olivander, le fabricant de baguettes… Mais c’est encore un monde différent. On n’est plus dans le monde réel ou dans la forêt, on est revenu à l’école, il y a des batailles… Il y aura une continuité texturale dans la musique, des obsessions qui sont les miennes, mélodiques ou harmoniques, mais il y aura très peu de ponts entre les deux films.

Avez-vous la possibilité de beaucoup avancer le travail de composition avant les sessions d’enregistrement ?
Non, j’ai encore plus d’une bobine à terminer, ce qui est beaucoup. Dès que je rentre du studio, je me mets au travail. Je suis obligé de faire ainsi car, avec le montage numérique, on peut monter et démonter le film en permanence, quasiment jusqu’à quinze jours de la sortie. Cela m’oblige à changer des choses. Quand il s’agit juste d’enlever deux secondes ou une mesure, passe encore, mais quand les modifications touchent à la structure de la scène, ça devient plus compliqué. Ça se passe très souvent ainsi sur les grosses productions. Le compositeur est obligé de s’adapter. J’ai reçu par exemple hier les bobines 1, 2, 3 et 4 enfin terminées. J’avais commencé à travailler sur la 6, mais j’ai dû m’interrompre car il y a eu des changements.

Avez-vous la possibilité d’effectuer vous-même l’orchestration ?
Pendant longtemps, j’ai orchestré moi-même, et il m’arrive encore de le faire, mais avec ce genre de délai, ce n’est juste pas possible. On ne peut pas diriger dans la journée, composer le soir et le matin, et écrire tout cela sur papier. Du coup, nous avons une équipe à Los Angeles qui, avec le décalage horaire, travaille à l’envers et prépare les partitions pendant qu’il fait nuit à Londres. Cela dit, ce que je compose ici est déjà très abouti. Dans ce que j’envoie à Los Angeles, aucune note n’est pas déjà préorchestrée. Si les trompettes doivent jouer avec une sourdine, c’est déjà prévu. Évidement, avec Conrad Pope, mon orchestrateur, on met ensuite cela en forme plus en détails, on se parle au téléphone, je lui explique ce que je veux, je regarde les partitions… Jusqu’à l’enregistrement, où nous réglons encore de petites choses, des nuances, etc.

Est-ce que ces délais extrêmement courts ont influé sur votre façon de composer ?
Non, malheureusement (rires). Mais c’est un peu un piège. Il y a beaucoup d’écoles à Hollywood où l’on fait de la musique très efficace avec quatre accords, mais au kilomètre, dans laquelle il est facile de couper n’importe où. Cela mène à un appauvrissement musical, qui est attirant pour les metteurs en scène et les producteurs. Car ils savent qu’ils peuvent continuer à couper, la musique fera quand même du bruit. En revanche, pour couper dans du John Williams, c’est beaucoup plus compliqué. Parce que c’est de la vraie musique, avec des changements de tonalité complexes.

Ceci vous oblige à donner les partitions à l’orchestre au jour le jour ?
Oui, la musique est mise sur les pupitres à la seconde où il faut la jouer. Je lève les bras pour diriger, et on y va.

D’où l’intérêt d’avoir le meilleur orchestre du monde pour l’interpréter…
Oui, mais c’est la même chose à Paris, à New York ou à Los Angeles. Quand on est musicien professionnel, on apprend à lire instantanément la musique.

Vous avez déjà eu affaire à des orchestres bons et moins bons ?
Je ne penserais pas les choses comme ça. Je dirais juste que le London Symphony Orchestra est le meilleur orchestre du monde.

Encore plus fort que le Royal Concertgebouw d’Amsterdam, par exemple ?
Je n’ai pas enregistré avec le Concertgebouw. Mon métier, c’est d’enregistrer de la musique, ce n’est pas de jouer en concert. Je ne peux pas comparer avec les orchestres de Chicago, de Cleveland, du New York Philharmonic ou de l’Orchestre de Paris. Je parle juste des orchestres qui enregistrent en studio. En France, il n’y en a pas. Ni l’Orchestre de Paris ni l’Orchestre National de France ne le font. A New York , c’était très bien mais ce n’était pas un orchestre constitué, tout comme à Los Angeles. Il nous reste l’Angleterre. J’y ai enregistré avec le Royal Philharmonic, jamais avec le Philharmonia, puis avec le LSO, qui est vraiment excellent. C’est le seul exemple d’orchestre constitué qui joue à la fois du Boulez, du Chostakovitch, du Prokofiev et du John Williams.

Avez-vous une idée du temps de musique que vous enregistrez chaque jour ?
Je n’ai pas vérifié le minutage. Hier par exemple, nous avons perdu beaucoup de temps avec des changements. J’aime bien enregistrer beaucoup, aller très vite. Les musiciens s’ennuient quand on reste trop longtemps sur un passage, ils aiment que ça avance. Sans cela ils perdent de l’énergie, ils se déconcentrent. J’aime que l’on fasse deux, trois prises dans l’énergie et qu’ensuite, on passe à autre chose. C’est comme si j’imposais au London Symphony Orchestra de travailler sur une symphonie de Beethoven ou de Mozart toute une journée, ça n’a pas de sens. Ils la connaissent mieux que moi, ils l’ont jouée des centaines de fois avec les plus grands chefs du monde. Il faut juste que je leur dise quelques mots très simples et très précis sur des moments cruciaux de la partition et puis je les laisse jouer. Il faut leur donner de l’enthousiasme et c’est tout. C’est fabuleux de travailler avec eux.

The Tree of Life
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Votre année est aussi marquée par la collaboration avec Terrence Malick pour The Tree of Life. Quand avez-vous commencé à travailler avec lui ?
J’ai rencontré Terrence Malick en 2007, quand je faisais la musique de La boussole d’or. Il est venu me voir à Abbey Road et on a discuté. Notre collaboration s’est étendue sur plusieurs années. On s’est parlé pendant presque trois ans non stop. Je suis allé à Austin, on s’est vu à Los Angeles, j’ai enregistré des choses à Paris et à Londres… J’ai construit avec lui des rêveries musicales qu’il a utilisées dans le film. Depuis le début, il y avait ce «cahier des charges» précisant qu’il y aurait aussi des pans déjà existants de musique : du Berlioz, peut-être du Ligeti – mais ce je ne sais pas ce qui avait été gardé. Je savais que ma partition serait un élément parmi tant d’autres de ce puzzle de musique. On a parlé de choses, diverses et nombreuses, pour trouver des fils, liés aux thèmes du film, mais aussi au cinéma de Terrence Malick en général, à son amour de la nature, de la poésie, de la philosophie, à sa spiritualité. Terrence est un mystique total. On a beaucoup évoqué ça, de près ou de loin, parfois en l’effleurant pour ne pas tomber dans un discours trop théologique. C’était incroyable de travailler avec lui, extrêmement enrichissant.

On a l’impression que ces conversations étaient très loin des considérations sur la partition, mais portées à un très haut degré de généralité.
Oui, à un haut degré d’abstraction. On n’a jamais parlé de ce personnage qui fait ci, qui va aller là, attention à ce moment-là il est tendu… Ce n’ont jamais été des conversations sur les actions physiques des personnages, ni même sur leur vécu psychologique. C’était plutôt la confrontation, évoquée avec la musique, d’un personnage avec des éléments comme le bien ou le mal, la vérité, le savoir, l’amour, la transmission de l’amour… Ce sont des choses un petit peu plus philosophiques que cinématographiquement techniques. D’ailleurs je n’ai jamais vu le film. J’ai vu des images, mais il n’y a rien que j’aie travaillé sur des images.

Vous deviez être un compositeur parmi d’autres ?
Exactement. Sauf que les autres étaient morts ou très vieux (rires). En tout cas pour les Français, c’est sûr, puisqu’il n’y avait que Berlioz. Je savais tout de même un peu comment le film était construit. A Austin, par exemple, j’ai vu des extraits, qu’il s’agisse de la partie sur l’histoire naturelle – l’apparition du système solaire, de la vie sur la Terre – ou de l’apparition de l’amour d’un père ou d’une mère pour un nouveau né, ou de la pitié d’un dinosaure qui hésite à tuer un bébé dinosaure… L’histoire de l’humanité et l’histoire de l’univers y sont mis en abyme. Vous imaginez bien que je suis un tout petit élément dans tout cela (rires).

Comment avez-vous alors procédé ?
J’ai d’abord fait des tonnes de maquettes, dans tous les sens. Ça allait  d’hymnes comme ceux plus anciens du répertoire ecclésiastique – qui soient du rite catholique ou protestant, lesquels puisaient dans un archaïsme qui les avait précédés –, à la recherche d’une grande simplicité. Et quand il y avait la recherche d’une tension, il fallait qu’elle soit toujours dans l’abstraction, et jamais quelque chose qui appuie de manière romantique ce que peut être l’idée du drame ou du danger. Un élément très important pour Terrence Malick était qu’il voulait que la musique cascade comme une rivière tout au long du film. D’ailleurs, il a utilisé Smetana [compositeur de La Moldau, du nom de la rivière qui passe à Prague avant de se jeter dans l’Elbe]. Il voulait que je me réfère, non pas à la musique, mais à cette sensation-là. Tout est comme ça, dans un bruissement, comme les bulles qui sont à la surface d’une rivière et qui en suivent le mouvement.

Ce que vous décrivez semble très proche des images de Malick.
Évidemment. Que ce soit le reflet du soleil dans l’œil d’un enfant, le vent qui fait bouger un arbre au lointain, des oiseaux migrateurs qui passent en formation entre les immeubles à Dallas, surpris par hasard par son chef opérateur… C’est aussi cette poésie de la fugacité présente chez Malick, que j’ai essayé de capturer.

Vous a-t-il dit pourquoi il avait fait si peu de films ?
Non il ne m’a pas dit, je n’ai pas posé la question. Il dit qu’il est très lent. Il aime prendre son temps pour écrire. Et puis il a d’autres choses qui l’intéressent que de tourner des films. Il y a des cinéastes qui ont besoin d’avoir une caméra et une équipe autour d’eux. Terrence n’est pas comme ça. Il a besoin de passer quinze ans en Europe, d’étudier la littérature et la philosophie allemande, française et anglaise. Il a aussi besoin de partir photographier des oiseaux parce qu’il est ornithologue, d’aller dans un observatoire regarder les étoiles parce qu’il est aussi astronome. C’est un savant au sens le plus pur et le plus large du terme, comme l’étaient les savants du Moyen Age comme l’étaient les moines ou Pic de la Mirandole ou les alchimistes les plus célèbres du Moyen Age… C’est un cerveau hors du commun, un humaniste au sens le plus complet.

La musique pour l’image
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On a parfois évoqué chez Malick un trait commun à tous ses films qu’un critique qualifiait de «narration décentrée» : lorsqu’une voix off pouvait parfois «déconstruire» ce qu’on pouvait lire à l’écran, ou quand le récit n’avançait pas nécessairement qu’à travers l’action des comédiens… Est-ce qu’on ne touche pas là à la mission de la musique de film justement, de ne jamais être une paraphrase, de toujours apporter une sorte d’éclairage, qui n’est pas ce que propose l’image ?
Évidemment. Alors c’est peut-être plus complexe dans le cinéma de Terrence parce qu’effectivement il déstructure complètement la narration. Dans les sections du film que j’avais pu voir rien n’était chronologique, ce n’était pas le propos. Le déroulement chronologique de l’histoire, ce n’est plus ce qui l’intéresse aujourd’hui. Dans La balade sauvage peut-être encore, parce que cette histoire réclamait un début et une fin, mais pas The Tree of Life. Je ne trouve pas non plus que la Ligne rouge ait un début et une fin d’ailleurs. Des gens vivent, des gens meurent, ils retournent à l’état originel de poussière et une fleur apparaît, puis une feuille… C’est aussi cette multiplicité de ce que la Terre et la vie offrent de complexité qui était inspirante. Pour certains morceaux que j’ai écrits – certains font 9 ou 10 minutes –, je disais à Terrence que j’avais pensé à l’idée d’un arbre se déployant, que j’essayais de trouver cette relation à la notion d’arborescence, donc d’avoir des branches, des feuilles… Cette idée d’arborescence revient aussi beaucoup dans le travail d’un compositeur que j’admire, l’un des plus grands français et qui est un ami : Pascal Dusapin. Il travaille beaucoup sur cette idée, alors que dans mon cas, c’est juste un concept qui m’a parfois aidé à construire certaines pièces.

Avez-vous la possibilité d’expérimenter autant à chaque film  ?
Le cinéma est multiple, et je ne fais pas que des films avec Terrence Malick. J’écris de la musique de cinéma parce que j’aime le cinéma et parce que j’aime les cinémas. Il y en a que j’aime plus que d’autres, d’autres que je ne vais pas voir ou que je n’ai pas envie de voir et pour lesquels je n’ai pas envie de travailler…

Lesquels par exemple ?
Ça se voit sur ma filmographie (rires). J’accepte par exemple de faire Harry Potter parce que c’est quelque chose de mythique. C’est au-delà du cinéma. Tout comme Twilight. Est-ce que Twilight : Chapitre 2 – Tentation , dont j’ai écrit la musique, est le plus grand film du cinéma ? Je ne crois pas. Mais Twilight connaît un effet planétaire tellement incroyable, générationnel, que ça dépasse ça. Pour ce film, je travaillais avec un metteur en scène avec qui j’ai déjà travaillé [Chris Weitz], qui est francophile, qui aime beaucoup la musique et avec qui j’ai une collaboration fraternelle. C’est fabuleux, ce n’est que du plaisir. Maintenant, enregistrer un gros film d’action américain à Los Angeles avec un metteur en scène que je ne connais pas et des producteurs qui attendent certainement autre chose que ce que j’ai écrit pour Le discours d’un roi ou The Ghost Writer je ne suis pas sûr qu’il faut que j’y aille. Et donc je n’y vais pas. Effectivement ce qui m’inspire, m’excite et m’intéresse, c’est d’essayer de trouver dans chaque film l’objet qui n’est pas encore là. Et la musique peut être cet objet-là. L’objet qui fait apparaître ce que le metteur en scène n’a pas encore fait apparaître. L’invisible, c’est ça qui est intéressant.

Cela fait penser à Philippe Sarde, qui est incroyable pour cela. Il peut réellement transcender un film…
Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il est un vrai passionné de cinéma. C’est un truc que beaucoup de compositeurs n’arrivent pas à comprendre, de jeunes compositeurs avec qui j’ai été amené à discuter, en enseignant au Royal College of Music à Londres ou ailleurs… Ils ont appris la musique, aiment bien le cinéma et se disent «C’est sympa, c’est un bon boulot, on gagne bien sa vie et ça va être super.» Mais ça ne se passe pas comme ça. Philippe Sarde est un compositeur qui s’est passionné jour et nuit pour le cinéma. Il a cette passion incroyable mais aussi cet instinct. Parce que écrire de la musique qui tient le choc demande beaucoup de technique mais aussi beaucoup d’instinct. Il faut réagir très vite, à une image ou à un scénario et il faut que ce «révélateur» que vous évoquiez arrive très vite. Qu’on ait très vite conscience de ce que le film appelle, non pas de ce dont il a besoin, mais de ce dont il pourrait bénéficier avec la musique. Qu’est-ce que la musique va pouvoir apporter de plus ? Qu’est-ce qui va pouvoir rendre ce film encore plus beau ou plus sombre ou plus formidable encore ?

J’imagine que dans cette perspective, l’absence d’unité de style que vous pourriez revendiquer est liée à cette nécessité d’intervenir de manière très spécifique pour chaque film…
C’est comme si j’avais décidé de ne plus voir que des comédies et de ne plus écrire que des comédies. On dirait alors «Desplat est nul, il ne fait que des comédies». Pareil pour les thrillers. Je ne veux pas faire que des thrillers et si trouve que le script de Julie et Julia est formidable et que je suis persuadé que Meryl Streep va l’être aussi, eh bien je fais Julie et Julia… Car je sais que je vais pouvoir tenter des choses nouvelles, comme faire venir à New York une accordéoniste géniale qui va jouer avec un orchestre symphonique. Il faut me laisser la joie d’écrire de la musique et de l’enregistrer, j’ai quand même cette liberté-là. Et ceux qui pourraient dire que je suis versatile ont raison. Mais s’ils écoutent la musique, ils constateront que c’est la même.

Les obsessions cachées
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Quand on écoute vos BO des deux films de Stephen Frears (The Queen et Tamara Drewe), on a l’impression qu’elles sont établies sur les mêmes registres de malice et d’ironie. Dans un autre genre, votre écriture pour les films de Jacques Audiard, comme pour De battre mon cœur s’est arrêté, semble guidée par la notion de lumière.
C’est effectivement ce que j’ai voulu faire. Pour De battre mon cœur s’est arrêté c’est la première chose que j’ai dite à Jacques : «Je dois créer avec la musique une petite lumière», comme si au fond de ce tunnel de noirceur, il y avait une lueur d’espoir pour ce type qui vit avec des gens horribles, des marchands de biens dégueulasses… Dans un Prophète c’est la même chose. Je voulais créer un espace extérieur à ce garçon, ce petit bonhomme qui paraît écrabouillé par tout le monde. On a l’impression qu’il ne va pas pouvoir s’épanouir, et cet épanouissement, la musique peut l’évoquer. Dans certaines scènes en prison, je pousse littéralement les murs avec la musique. Tout doucement, je redonne un vrai espace. Car la musique aussi a cette force-là d’écarter le cadre, de donner de la profondeur de champ, de la hauteur. Tout dépend aussi de l’orchestre, de son volume, de la manière dont on l’enregistre.
Êtes-vous êtes très au fait de ces questions-là ? Supervisez-vous les étapes, comme le mixage, qui font suite à l’enregistrement ?
Oui bien sûr. Hier après-midi pendant un break je suis monté au troisième étage au studio de mixage pour écouter et évoquer des choses avec l’ingénieur du son. Il y a plein de possibilités auxquelles on pense, comme réenregistrer des cordes pour obtenir des effets… Et ce qui est bien avec des films comme Harry Potter c’est qu’on a les moyens de faire tout cela, techniquement et financièrement. Pour écrire la musique de Harry Potter ou La fille du puisatier, mon intégrité elle est la même. Il s’agit d’écrire avec autant de soin et autant d’amour pour l’un et pour l’autre. De plus, mes premiers auditeurs ce sont les musiciens, et je ne vais pas certainement arriver devant eux avec une partition minable. J’ai beaucoup de respect pour eux et pour cet orchestre absolument fabuleux. Ça ne veut pas dire que la musique doit être complexe. Elle doit être d’une simplicité suffisamment belle pour qu’elle soit respectable et respectée. Et je me nourris de tous ces films-là, qu’ils soient petits ou grands. Par exemple, je n’aurais pas écrit la musique de The Ghost writer si je n’avais pas fait des gros films hollywoodiens auparavant, des grosses machines comme L’étrange histoire de Benjamin Button ou Twilight. Parce que j’ai appris beaucoup de choses. À propos de l’orchestre, du rapport à l’image, de l’énergie dans l’écriture.

L’école de l’humilité
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Vous avez étudié la flûte traversière avant de vous consacrer à la composition. Est-ce que cela a eu une influence votre manière de composer ?
Cela donne certainement une singularité. J’écris forcément différemment du fait d’avoir étudié un instrument mélodique aigu que si j’étais bassiste électrique. Ça façonne une approche différente. Je pense d’ailleurs que, rythmiquement, j’ai encore des progrès à faire. Certes, j’ai aussi joué de la trompette, ou du tuba pour rigoler. Mais pour moi, l’instrument virtuose, c’était la flûte.

Je pense au Discours d’un roi il y a quelque chose d’un peu vache dans le rôle du compositeur de BO. À la fin du film, quand George VI prend la parole, au moment où la musique sort un peu du bois pour exister au premier plan, on vous dit : «merci on va mettre Beethoven à votre place avec un extrait du 2e mouvement de la septième symphonie, ça ira très bien»…
Non, on ne me dit pas merci, on me dit : «Alexandre, et si tu remplaçais Beethoven ?»

On vous l’a proposé ?
Oui, et qu’est-ce que j’ai bien sûr répondu ? «C’est très gentil de m’offrir ça, mais non merci.» D’abord je vais écrire la musique du film et quand je serai à cette scène-là, on verra. La scène n’a pas bougé, elle était calée. Impossible pour moi de remplacer ce mouvement de la septième, qui est un chef-d’œuvre absolu. C’était trop tard, il aurait fallu qu’on me propose le film sans cette musique à ce moment-là. Et d’ailleurs bien m’en a pris, parce que dans la scène suivante, il y a une autre musique de Beethoven, un extrait du concerto pour piano «L’Empereur». Mais ils ne voulaient pas la garder, ça devait juste être une musique provisoire. Je l’ai remplacée par une proposition pour laquelle j’ai suivi à la lettre le tempo de la version avec concerto. Je pense que la pièce est super, en plus on l’a enregistrée avec les micros formidables, ça sonnait de manière incroyable. Mais quand j’ai vu le film, on avait remis le concerto pour piano à la place. Donc heureusement que je n’ai pas passé dix jours à essayer de remplacer la septième de Beethoven.

Est-ce que ce n’est pas une plaie les musiques provisoires que les réalisateurs placent en attendant d’avoir une musique originale ?
Si, c’en est une. Heureusement, il reste des gens comme Roman Polanski : il monte le film sans musique et il s’en fiche. Il attend que vous créiez quelque chose. Il y a peu de metteurs en scène aujourd’hui qui ont ce désir de création. Ils pensent qu’avec ce qu’ils ont dans leur tiroir, ils peuvent finaliser la musique. Ils ne comprennent pas que c’est parfois à double tranchant et qu’ils peuvent se tromper complètement. Combien ai-je fait de films où l’on utilisait provisoirement des musiques que j’avais composées. Le metteur en scène trouvait ça génial, et moi je pensais que ça ne marchait pas du tout, que ce n’était pas le bon rythme… «Je peux faire quelque chose de beaucoup mieux pour votre film», pensais-je. Mais il n’y a que le compositeur qui peut avoir cet instinct-là. Autrefois, quand on utilisait peu de musiques temporaires, on laissait plus le compositeur venir avec son imaginaire. Il y a autre chose : un appauvrissement de la culture musicale en général. Il y a de moins en moins de metteurs en scène qui écoutent de la musique instrumentale, parce que le monde entier écoute de moins en moins de musique instrumentale.

Quand vos partitions cohabitent avec des musiques préexistantes que choisit Audiard, ça fonctionne vraiment bien…
Oui mais je ne les remplace pas. Audiard attend que ma musique apporte à son film une sensibilité. Il a cette intelligence-là, de se dire que c’est la musique qui a ce rôle-là et que c’est un acte qui revient au compositeur. Roman c’est pareil, il pense que c’est la musique qui va jouer ce rôle que lui n’a pas encore joué.

Et quand vous êtes dessaisi de l’orchestration, ça n’engendre pas de frustration ?
Si, ça me manque beaucoup de ne pas pouvoir le faire.

Les grandes étapes
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Vous avez une carrière qui a suivi une progression très régulière mais très lente. Votre filmographie affiche de moins en mois de projets télé, de plus en plus de projets américains. Y a-t-il eu un déclic ?
Il y en a eu trois, je pense. Ce fut d’abord Regarde les hommes tomber. Audiard est convaincu qu’il m’a donné mon premier film , alors que ça faisait déjà dix ans que je travaillais (rires). Mon premier c’était en 85, sans compter les musiques de scène, les centaines de sketches pour Canal+, les pubs, les courts-métrages… A partir du milieu des années 90 il y a autre moment important, c’est la musique de La défense Loujine, qui est la première qui m’a fait entendre en Amérique. Le troisième déclic, c’est La jeune fille à la perle, qu’on m’a proposé à la dernière minute alors que je devais partir en vacances et que j’ai accepté quand j’ai vu les images. C’est ça qui a ouvert la brèche. La musique a été nommée aux Golden Globes, aux Bafta et après… Pouf ! Enfin non, pas pouf. Ça ne se passe pas comme ça. Si tous les compositeurs qui font des films qui ont fait pouf étaient devenus hollywoodiens, ça se saurait. Il faut encore montrer patte blanche pendant longtemps.

Y a-t-il des agents qui travaillent pour vous qui vont à la chasse aux projets avant que les films ne soient tournés ?
Ça se fait en Amérique. J’ai un agent formidable qui fait ça. Il y a des personnes qui m’ont montré les chemins les plus mystérieux d’Hollywood, les dangers, les pièges… Dans mon cas, Hollywood, c’était un rêve d’adolescent, ce n’est pas tombé du ciel. J’ai un rapport particulier à l’Amérique. Mes parents ont étudié là-bas, se sont marié là-bas. J’ai été élevé dans un fantasme très fort de la Californie. Chez moi, tout l’électroménager était américain parce que mes parents étaient revenus avec, mais aussi avec les disques, la musique… Le passage du statut de compositeur européen à celui de compositeur américain, c’est beaucoup de règles à apprendre, ce n’est pas gagné du tout. Mais c’est la même chose pour les réalisateurs, d’ailleurs. On voit beaucoup de metteurs en scène français qui font un film hollywoodien mais qui n’en font pas un deuxième.

Est-ce que, après cette année riche en événements hollywoodiens, vous vous sentez un peu établi là-bas ?
J’avais rencontré Georges Delerue en 90 ou 91 et qui m’avait dit : «le jour où vous pensez que vous êtes arrivé à Hollywood, vous êtes cuit.» Donc je n’ai jamais pensé ça. Il n’y a rien qui est tombé du ciel pour moi, je travaille vraiment très dur depuis vingt-cinq ans. On se demande comment je fais, si j’ai une équipe… Non je travaille tout seul, 16 ou 18 heures par jour. C’est comme ça que la musique se fait. Et non parce que je sors à un dîner ou que je rencontre un metteur en scène par hasard à une soirée.
Ça, c’est le fantasme et ce n’est pas exact. J’adorerais, ce serait tellement plus simple (rires) !
Re-création
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Comment trouvez-vous le temps, au milieu de tous ces projets, de travailler pour le Traffic Quintet ?
C’est pour moi le moyen de me dégager de l’image, c’est aussi simple que ça. Mais aussi de retrouver ma compagne Dominique Lemonnier avec qui je vis depuis longtemps et qui m’a beaucoup appris car elle est violoniste. Si les parties de cordes sont aussi importantes dans mon orchestration, c’est grâce à elle. C’est de notre amour d’homme et femme et aussi de notre amour pour les instruments à cordes qu’est née l’idée du Traffic Quintet. Ça me permet de revenir à l’essence même de la musique et à celle de mon métier, puisque je retranscris pour le quintette les œuvres des maîtres que j’aime ou que j’ai aimés. On choisit toujours des pièces que l’on aime et dont on sait qu’on va pouvoir tirer quelque chose de différent, que ce soit avec Virgin Suicides ou Peur sur la ville, et pour lesquelles la sonorité du Traffic Quintet apporte vraiment un éclairage décalé mais en même temps vraiment lié à l’original. Cet ensemble, ce sont cinq musiciens fabuleux, ils sont géniaux et adorent ce projet.

Une des donnes principales c’est effectivement de soustraire la musique à l’image, de la rendre autonome…
C’est rendre à cette musique sa liberté. Comme l’architecture, la musique de film est un art appliqué. Je reprends volontiers la définition de l’architecte Tadao Ando qui évoque «un mélange équilibré de fonction et de fiction». C’est très important pour moi d’essayer de contrebalancer ça. Et quand un metteur en scène me fait quitter la fiction pour aller dans la fonction, je suis très malheureux. Ça arrive parfois. Et il faut arrêter de penser aussi que j’écris la musique que je veux. Je pense que Michel Legrand dans les années 60 écrivait la musique qu’il voulait. Maurice Jarre aussi, parce que c’était une autre époque. Parce que lorsque Hitchcock venait l’écouter jouer deux ou trois thèmes au piano, lui disait juste : «très bien, je vous verrai à la séance.» C’est une autre conception, où le compositeur était un auteur qui arrivait avec son bagage et on lui faisait confiance. Je rencontre pas mal de réalisateurs aujourd’hui qui sont un peu frileux à ce niveau-là, qui ont du mal à considérer que les compositeurs sont, avec le scénariste, le troisième auteur d’un film.

Voici la liste de liens se référant à cette note : L’année Alexandre Desplat.
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