En cette fin d’année, nos critiques cinéma vous proposent leur coup de coeur de 2022. Premier de trois billets.
J’ai eu grand mal à choisir mon coup de coeur cinéma, le cru 2022 ayant été particulièrement riche. Je suis passé à un cheveu de jeter mon dévolu sur Everything Everywhere All at Once (Tout partout tout à la fois), des Daniels, que j’ai adoré la première fois et aimé encore plus la deuxième et la troisième. J’ai en outre accordé cinq étoiles bien senties à Petite maman, de Céline Sciamma, et à The Fabelmans (Les Fabelman), de Steven Spielberg, aussi sélectionner l’un d’eux serait-il tombé sous le sens. Or, de tous les films que j’ai vus cette année, Décision de partir, de Park Chan-wook, est celui qui s’est incrusté le plus profondément dans ma tête et dans mon coeur.
Images, répliques et récit me hantent encore : une constance en ce qui concerne le cinéma de Park Chan-wook. D’ailleurs, je confesse que le long entretien que m’a accordé au TIFF le cinéaste sud-coréen, l’un de mes favoris, constitue un des temps forts de ma carrière.
Ici, le réalisateur d’Oldboy, de Lady Vengeance et de Mademoiselle fusionne drames policier et sentimental. Le procédé n’est pas neuf, mais la manière, si. On suit un enquêteur, Hae-jun, qui, alors qu’il investigue sur une possible affaire d’homicide maquillé en suicide, s’éprend de la principale suspecte : Seo-rae, la veuve de la victime. Immigrante chinoise solitaire, la jeune femme fascine le policier insomniaque et marié.
Interprétation, photo, musique : tout est exquis. Et la réalisation ! Pas étonnant que le cinéaste soit reparti de Cannes avec le Prix de la mise en scène : les séquences virtuoses se succèdent. Celles où, planqué dans une voiture banalisée pour fins de surveillance, Hae-jun se projette en pensées dans l’appartement de Seo-rae, sont géniales.
On y voit le détective, présent sans y être, couver la maîtresse de céans d’un oeil mélancolique. Sauf que Seo-rae est brillante : se doute-t-elle que Hae-jun la surveille depuis sa voiture ? Dès lors, l’intimité dont est témoin Hae-jun — et le public — est-elle réelle, ou s’agit-il d’un simulacre ourdi par la femme fatale ?
Débutant au pied d’un pic escarpé, le film se clôt à la mer lors d’un poignant hommage à L’avventura, de Michelangelo Antonioni. À ce propos, comme dans la majorité de ses films, Park Chan-wook déjoue brillamment les attentes en annonçant un certain type de film pour mieux, chemin faisant, effectuer un virage inattendu. Ce point de bascule survient, là encore en un motif récurrent, par l’entremise d’un énigmatique personnage féminin comme sait si bien les créer le cinéaste.
Pour ce dernier, Décision de partir représente un sommet artistique. Sans mauvais jeu de mots, c’est là un film qui reste.
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