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Ce spectacle présenté comme une “version de concert mise en scène par Annabel Ardendéploie largement le grand orchestre sur les deux tiers de l’espace scénique, devant le (double) chœur, les solistes s’exprimant à l’avant-scène sur un petit espace surélevé, sous un écran fait d’un tissu abîmé qui diffuse des images. Les intentions de la metteuse en scène, abondamment décrites dans le programme de salle, se donnent pour mission de faire d’Aida une (tristement commune) histoire de guerre, à vocation universelle, en la délocalisant de son ancienne Égypte. Projetées en permanence, les images (Joanna Parker et Dick Straker) elles aussi comme rendues salies par le contexte, sont de très gros plans sur des comédiens, « doubles » de quelques protagonistes chanteurs, alternant avec des scènes de désolation. 

Mais, à l’image même de cette œuvre face à ce propos (littéralement devant lui, ici), l’attention se focalise sur les chanteurs qui incarnent ce drame à l’avant-scène (d’autant que les images finissent par plonger dans une grisaille minimaliste, à l’image du décor et des lumières, ainsi que des costumes, volontairement désenchantés).

L’Orchestre de grande ampleur est efficacement dirigé par Ainārs Rubiķis, jeune chef subtil, épousant la partition avec sincérité et plutôt attentif aux chanteurs (sans doute aussi en raison de cette disposition scénographique concertante qui le contraint à se retourner vers les solistes).

Les Chœurs, qui réunissent pour l’occasion ceux de l’Opéra de Nice (préparés par Giulio Magnanini) et de la maison montpelliéraine (préparés par Noëlle Gény), assument la part belle qui est la leur dans cette œuvre et exécutent leurs parties avec une présence sonore remarquée, tant les moments brillants que ceux plus retenus voire intimistes. Confinés dans un espace restreint (parfois assis), vêtus simplement d’un noir neutre, les artistes du chœur sont souvent sollicités par la mise en scène, par des gestes communs, ou des micro déplacements assez vraisemblables en eux-mêmes, mais non articulés avec l’action à l’avant-scène. Ils s’en donnent parfois pourtant à c(h)œur joie, au risque de l’excès (ainsi lorsque les femmes du chœur tordent leurs corps et leurs bras, à l’instar des pleureuses antiques, en écho visuel au chant d’Amnris qui exprime son désespoir et sa désolation).

Yoann Le Lan (un messager) cherche à tirer le plus entier profit possible de sa courte intervention (d’autant qu’il se voit surchargé des signes d’une guerre cruelle, entre le délabrement du costume et les traces de sang dont il est couvert) avec son ténor clair et projeté.
Cyrielle Ndjiki Nya possède une jolie voix de soprano, de format moyen, bien projetée, assez “fruitée”, qu’elle met efficacement au service de la Grande Prêtresse dans les deux minutes de son intervention : une présence scénique très sacerdotale faisant augurer de prestations plus substantielles à venir.

Jean-Vincent Blot prête au Roi sa voix de basse, bien projetée, de format correct, avec une prononciation précise. La palette de couleurs est restreinte, mais cela sied ici au personnage qui incarne seulement le pouvoir en acte (même si la mise en scène le montre vieux et défaillant).

Jacques-Greg Belobo est un baryton-basse de belle prestance scénique. La voix est chaleureuse et généreuse, malgré quelques petites instabilités dans le bas medium au début. Le volume n’est pas très sonore et le chant se trouve limité aussi en couleurs (mais là aussi dans une forme d’adéquation avec son personnage de grand prêtre Ramphis, qui énonce la loi et la raison d’État).

Leon Kim, malgré son jeune âge, parvient à incarner Amonasro. La voix, bien projetée et étendue, chaude et flexible, vibre de lyrisme et de douleur quand il le faut (de bravoure et de tendresse aussi) quoiqu’il pourra encore élargir le format vocal d’un baryton plus verdien (pour pleinement incarner père et/ou roi). La qualité de la prononciation n’est surpassée que par celle de la ligne de chant et l’acteur est également très efficace, avec une présence indéniable. 

Amadi Lagha, désormais habitué des lieux, campe un Radamès efficace, juvénile puis mûri par la guerre, frénétique, effondré par le sentiment d’avoir trahi, amoureux éperdu à en mourir (parfois un peu “bourru” mais dans l’intention scénique). Toutes ces facettes du personnage sont efficacement relayées par une voix à l’italienne, d’un beau métal, maîtrisée et sonore de part en part, avec une diction impeccable, un phrasé subtil et un art consommé de la gestion des nuances et dynamiques (d’emblée dès son exigeant air d’entrée, et jusqu’au duo final appuyé sur les demi-teintes). Le ténor est ovationné par l’auditoire.

Ketevan Kemoklidze est une jeune Amneris de belle allure, avec une présence scénique électrique. La voix couleur sombre est capable de toutes les expressions pathétiques, de la candeur amoureuse à la manipulation fielleuse, et jusqu’à la fureur d’une princesse jalouse, hors d’elle, puis désespérée. La voix est étendue, le medium et l’aigu sont de grande qualité, avec le métal spinto (appuyé) qu’il faut quand il le faut. Il lui manque cependant encore la largeur qui lui éviterait d’être couverte quand l’orchestre sonne puissamment, dans le bas medium et le grave. Bas medium et grave qui sont sinon efficaces (avec un orchestre plus discret), sur des notes poitrinées et mixées. 

Aida est chantée par Sunyoung Seo, une jeune soprano qui, sans avoir le format ni la nature de voix idéales pour ce rôle, s’en tire au mieux. La voix est très claire, plutôt aérienne et languide, mais manque beaucoup de variété de couleurs, de métal aussi quand il le faudrait (dans les échanges avec le père, ou avec Amneris). Elle manque aussi de matière dans le bas medium et le grave quasi toujours couverts (ce malgré les efforts de l’orchestre, ou des partenaires). Le haut medium n’est pas sans charme mais le jeu d’actrice très appliqué est peu expressif, sinon de manière convenue. Néanmoins, une grande sincérité perce dans les intentions et la sculpture du son, notamment dans la scène où elle veut convaincre Radamès de fuir avec elle, l’amenant à trahir sa patrie, sans oublier le duo final où elle plonge vers les pianississimi
Le public du Corum, visiblement heureux de retrouver l’Opéra et Aida, applaudit la prestation et le travail des artistes.

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