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Chaque année, le Festival Donizetti et sa Fondation œuvrent pour présenter et ranimer un opéra méconnu voire “disparu” (des répertoires) du célèbre compositeur. En 2019, il s’agissait de la création mondiale de L’Ange de Nisida (écrit en 1839 mais jamais représenté), 2022 marque la re-naissance (moderne) de Chiara e Serafina, après son échec en 1822 à La Scala. Ce sont les artistes, solistes et académiciens de cette même maison milanaise, qui sont aux manettes de cette (re)création contemporaine de l’œuvre, au Teatro Sociale de Bergame, lieu historique rouvert en 2009 après de longues décennies d’abandon. Chiara e Serafina est un opéra semiseria, mélange des aspects comiques et sérieux, de personnages bourgeois et nobles, adapté de la pièce La Citerne signée par le français René-Charles Guilbert de Pixérécourt (“le père du mélodrame”). Écrite à la hâte en seulement douze jours, la partition abonde d’influences et même de citations rossiniennes, jusqu’à la brève séquence “Figaro, Figaro…” du Barbier de Séville que Don Fernando chante ici à son valet Picaro (“Picaro, Picaro…“), mais propose aussi des innovations d’orchestration avec des moments solo du cor anglais et de la harpe. Néanmoins, le manque général d’originalité musicale, la longueur et la complexité des péripéties du récit pourraient être à l’origine de son échec. 

Gianluca Falaschi signe entièrement ce spectacle, en assumant un triple rôle de metteur en scène, costumier (sa spécialité), ainsi que de décorateur. Il propose une lecture pétillante et même un peu déjantée de ce mélodrame lyrique, situé à bord d’un navire pirate (représenté en fond de scène durant le spectacle entier). L’inspiration visuelle vient du théâtre de boulevard, des cabarets ou même des comédies musicales (dans les costumes), avec une décoration colorée en carton-pâte. 

Une partie des personnages (ceux qui portent la comédie) sont fardés et masqués, avec perruques et faux nez, mariant avec brio des aspects grotesques à un jeu comique qui fait rire aux éclats le public dans la salle. Derrière les rires et les apparences aux mouvements spectaculaires, Falaschi dévoile aussi une facette humaine de ces bouffons qui pleurent sans leurs perruques (manifestant le croisement des caractères du genre semiserio). Dans la patrie d’Arlequin qu’est Bergame, le carnaval de pirates masqués se déploie en gestes et mouvements orchestrés et précis, les corsaires brandissant des pancartes dénonçant les défauts des hommes et de la société (peur, tromperie, mensonges), ajoutant un côté subversif à ce monde carnavalesque. 

La cadence des mouvements et changements est rapide, accompagnant une intrigue souvent difficile à suivre, autour de Picaro (référence aux romans picaresques particulièrement rocambolesques) entre naufrage, servage, et mariage compromis. Si les caractères bouffons deviennent quelque peu sérieux à la fin, Falaschi renverse la donne avec la captivante Chiara (personnage plutôt sérieux) qui conclut victorieusement le spectacle (avec son monologue “Les femmes sont nées pour commander“) mais dans l’accoutrement burlesque d’une chanteuse de cabaret.
Le plateau vocal est entièrement composé de solistes de l’Académie de La Scala. La soprano Greta Doveri incarne Chiara avec beaucoup d’élan et de souplesse vocale, un timbre juvénile et irradiant. Elle fait rayonner son appareil dans les aigus tendres et légers, soutenue par une technique bien en place et travaillée. La voix est bien dégagée et mélodieuse, délicatement phrasée et nuancée.

Fan Zhou tient l’autre rôle titre en déployant son soprano léger et doux, aux sonorités élégantes à l’image de sa robe. L’émission est légèrement vibrée mais au service du phrasé, la projection dosée et l’élasticité du plus haut niveau. Elle rejoint ses collègues à plusieurs reprises au cours du spectacle pour une démonstration éclatante d’un véritable feu vocal. 
Le baryton coréen Sung-Hwan Damien Park chante Picaro qui apporte le sel dans ce récit en se présentant faussement comme Don Alvaro. Sa voix est bien projetée, claire et résonnante, aux accents italianisants dans son phrasé. La prononciation est impeccable, son jeu d’acteur engagé et comique, suivant également le tempo (malgré de petites accélérations). 

Giuseppe de Luca remplace au pied levé Pietro Spagnoli dans le rôle de Don Meschino. Comme son nom (ou sobriquet) le suggère (Monsieur Mesquin), il s’agit d’un personnage bouffon et clownesque, ici bien affirmé par son interprète en costume jaune. Il se présente par une voix étoffée, grave et bien articulée (dans sa mélodie et prosodie), rythmée et comique avec un ton finement arrondi. 

Matías Moncada interprète deux seigneurs, Don Alvaro et Don Fernando. Il articule savamment son texte et les notes qui affirment son caractère bouffe. L’émission est tremblante et manque parfois de stabilité, quoique sa projection ne fasse pas défaut.
Le Don Ramiro de Hyun-Seo Davide Park déploie le ténor solaire et lyrique de sa formation belcantiste (mais son phrasé manque de finesse et de rondeur, bien que la justesse et la rythmique ne dévient nullement).

Lisetta (Valentina Pluzhnikova) arbore une voix fraîche et juvénile qui contraste avec son allure funambulesque. L’émission droite et mesurée révèle un chant plein d’élégance et de douceur, avec un large ambitus qui puise son énergie tantôt dans les graves (appuyés), tantôt dans les cimes. Sa mère Agnese est caractérisée par l’élasticité et la robustesse vocale de Mara Gaudenzi, bien ancrée dans son assise volumineuse.
Andrea Tanzillo est Spalatro le pirate, ténor à l’énergie et voix solaire qui se projette loin dans la salle. Luca Romano est un Gennaro clair, à l’intonation solide et à la prononciation éloquente. 

Sesto Quatrini est au pupitre de l’ensemble Gli Originali qui se produit sur instruments d’époque. De facture plus claire, légère et irradiante, l’orchestre joue la plupart du temps en formation chambriste, à l’exception des orientalismes et avec l’usage surprenant du cor anglais, particulièrement intéressant par son écriture inédite qui annonce celle de Tristan et Isolde. La harpe accompagne délicatement les solistes tandis que les tutti galopent dans les rythmes impétueux des solistes qui démontrent leurs virtuosités. Le Chœur de l’Opéra Donizetti et celui de l’Académie de La Scala sont généralement sonores, travaillés et solidement unis, malgré plusieurs dérèglements rythmiques à l’intérieur des sections. 

La soirée s’achève sur un dénouement heureux suivi par un torrent d’applaudissements à l’égard de l’équipe artistique. 

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