Des géants américains Netflix, AppleTV et Disney+ au monstre chinois iQIYI, les plateformes de streaming internationales investissent dans les dramas coréens et bouleversent l’industrie. Éclairage.
Kang Daniel fera ses débuts d’acteur… chez Mickey Mouse ! L’annonce du casting de Our Police Course, confirmé cette semaine, n’est que le début d’un mouvement plus général : l’invasion des acteurs internationaux du streaming et de l’Internet dans le monde des dramas coréens. Entre Disney+, AppleTV, iQIYI, mais aussi KakaoTV et Coupang Play, toutes les plateformes de streaming y vont de leurs créations originales dans le domaine des K-dramas, venant contester la suprématie de Netflix sur le marché mondial. Et ce n’est que le début. Quelles sont les perspectives, bonnes ou mauvaises, amenées par cette mutation ?
Pour son premier drama coréen, Disney+ mise sur la romance. Prévu dans le courant de cette année, Our Police Course mettra en scène un étudiant, fils de haut fonctionnaire, qui tente l’examen d’entrée dans la police, avant de voir sa vie bouleversée par sa rencontre avec une jeune femme. Trois acteurs viennent tout juste d’être confirmés pour tenir les rôles principaux : le chanteur Kang Daniel et les actrices Chae Soo Bin (Where Stars Land) et Shin Ye Eun (He Is Psychometric), un casting jeune qui devrait séduire un large public.
Mais ce n’est pas tout. Disney+ prépare déjà une seconde série originale, Moving, dont le scénario sera signé par l’auteur de webtoon Kang Full. Le géant américain inclut dès à présent le succès de ces BD numériques coréennes dans sa stratégie d’approche du marché. Pour ce drama, dans lequel un lycée sera le théâtre de phénomènes surnaturels, plusieurs noms d’acteurs prestigieux circulent déjà, parmi lesquels Cha Tae Hyun, Han Hyo Joo et Zo In Sung. La réalisation de Moving est confiée à Park In Je, le réalisateur principal de Kingdom Saison 2. Le drama devrait entrer en production cet été, pour une diffusion en 2022.
Our Police Course et Moving marquent le lancement d’un accord à long terme entre la plateforme américaine Disney+ et la société coréenne de divertissement Next Entertainment World (NEW). Distributeur indépendant de films lancé en 2008, NEW s’est diversifié vers la production de longs métrages. Ses films phares incluent notamment Dernier Train Pour Busan (Yeon Sang Ho), qui a permis à NEW d’entrer en Bourse en 2016, ainsi que le film de guerre The Great Battle (Kim Kwang Sik).
Confirmé sur Variety par les représentants des deux parties, l’accord signé entre NEW et Disney s’étend sur 5 ans et prévoit au minimum la production d’une série par an par Studio & New, une filiale de NEW, pour la plateforme Disney+.
En s’attaquant à la production de dramas coréens, Disney+ s’invite dans une guerre sans merci, celle qui oppose les acteurs internationaux du streaming sur le terrain des dramas coréens. En quelques années, depuis leur arrivée sur Netflix en 2016, les séries du Pays du Matin Calme sont devenues un enjeu crucial dans la compétition acharnée entre les plateformes. L’objectif ? Conquérir les marchés d’Asie, évidemment, mais aussi profiter d’un public mondial, y compris occidental, qui croît chaque année de manière exponentielle.
« Les grandes histoires coréennes ne sont pas une nouveauté ; en réalité, le storytelling est profondément ancré dans la culture coréenne« , confiait cette année Kim Min Young, VP des contenus Corée et Sud-Est Asiatique chez Netflix. « Mais aujourd’hui, nous vivons dans un monde où Parasite gagne l’Oscar du meilleur film, où BLACKPINK se produit au Coachella et où 22 millions de foyers ont regardé une série TV d’horreur, Sweet Home. Le public du monde entier tombe amoureux des histoires coréennes, des artistes et de la culture. » (source : Netflix)
Netflix et Disney+ ne sont pas les seuls géants mondiaux du streaming à s’attaquer au marché des dramas en lançant des créations originales. La chaîne AppleTV est championne des alliances stratégiques. Après avoir signé en 2018 un partenariat avec la plateforme Viki, qui diffuse des dramas coréens à la demande, elle s’associe cette année avec le groupe Kakao pour un titre exclusif : Dr Brain. Cette série prévue fin 2021 sera réalisé par un grand nom du cinéma coréen : Kim Jee Woon (J’ai Rencontré le Diable). Dans le rôle principal, nous retrouverons Lee Sun Kyun, l’un des acteurs principaux de Parasite (Bong Joon Ho). Autant dire qu’AppleTV mise sur un générique prestigieux.
AppleTV investit également sur une top star du monde des K-dramas, Lee Min Ho (The King Eternal Monarch), pour son drama international Pachinko, prévu pour octobre 2021.
La Chine veut également sa part du gâteau. L’année dernière, la plateforme de streaming iQIYI, qui est l’une des plus importantes du monde (elle compte pas moins de 500 millions d’abonnés) a acheté les droits de diffusion d’une trentaine de dramas, incluant Backstreet Rookie avec Ji Chang Wook et Dinner Mate avec Song Seung Heon. Cette année, elle a acheté les droits du thriller Mouse avec Lee Seung Gi, mais aussi de Cliffhanger (nouveau titre de Mount Jiri), un drama réalisé par Lee Eung Bok (Sweet Home) et écrit par Kim Eun Hee (Kingdom), avec Joo Ji Hoon et Jeon Ji Hyun dans les rôles principaux. La diffusion est prévue sur l’appli iQIYI courant 2021 avec des sous-titres dans huit langues différentes.
Le géant chinois produit à présent sa première création originale coréenne, My Roommate Is A Gumiho, avec Jang Ki Yong. Diffusé depuis le 26 mai 2021 sur tvN et iQIYI, le drama est le fruit d’une association de la plateforme avec Studio Dragon. Le but d’iQIYI est aussi d’étendre, dans les pays où les K-dramas sont populaires, son appli globale multilingue lancée en août 2019.
Les investissements chinois dans les contenus coréens ne sont cependant pas nouveaux. En 2014, la société chinoise Juna International réalisait l’acquisition de 3,4 millions de parts dans la société Chorokbaem Media, qui était alors la plus grosse société de production de dramas en Corée. Aujourd’hui, elle appartient en grande partie à DMG Entertainment, une société chinoise dont le siège social est aux Etats-Unis. Chorokbaem Media compte, parmi ses récents succès, la franchise Penthouse.
En 2015, Alibaba Pictures, filiale de l’acteur du e-commerce Alibaba, annonçait investir dans des films coréens, parmi lesquels le long métrage Real avec Kim Soo Hyun. Ce deal marquait le début d’une alliance entre le ministère coréen de la Culture, des Sports et du Tourisme et les investisseurs privés chinois pour un investissement de 200 milliards de Won (environ 165 millions d’euros). La même année, la société de média et de contenus Huace devenait l’un des principaux actionnaires du studio de production NEW, évoqué plus haut pour son partenariat récent avec Disney.
Depuis 2016, les entreprises chinoises rencontrent cependant un obstacle politique venant de leur propre camp : le ban émis par le gouvernement chinois contre les productions culturelles coréennes. Difficile de faire accepter les plateformes de streaming en Corée tant que ce ban sera maintenu. Un terrain d’entente aurait cependant été trouvé fin février 2021. Selon le Hollywood Reporter, il prendrait la forme d’un accord de co-production et de co-diffusion entre des sociétés des deux pays.
La Corée est loin de se laisser envahir sans broncher. Au Pays du Matin Frais, ce sont les acteurs de l’Internet qui s’attaquent aux dramas. Si les webdramas ne sont pas une nouveauté, ils visent désormais un public mondial à la manière des dramas des plateformes américaines.
Au front, le groupe Kakao, un acteur du web né en 1995 avec le lancement de la messagerie instantanée KakaoTalk. Entre-temps, la firme s’est largement élargie. Elle a notamment fusionné avec le portail Daum en 2014 et est devenue actionnaire majoritaire de la société LOEN Entertainment (qui détient le service de streaming MelON, bien connu des fans de K-pop) en  2016.
Sur le terrain des K-dramas, Kakao a lancé fin 2020 sa première création originale, Lovestruck In The City, via ses filiales Kakao M et Story & Pictures Media. Composée de 17 épisodes de 30 à 40 minutes, cette comédie romantique avec Ji Chang Wook et Kim Ji Won était diffusée simultanément sur KakaoTV et Netflix.
KakaoTV ne s’arrête pas là. Le géant du web a déjà plusieurs nouvelles séries prévues dans son catalogue. Ces dramas testent de nouveaux formats conçus pour le web. Ainsi, Ong Seong Wu sera la vedette de How About a Cup of Coffee?, qui s’intéressera au métier de barista et se déclinera sur 12 épisodes de 30 minutes. Le drama Excellent Shaman Ga Doo Shim mettra quant à lui en vedette Kim Sae Ron et Nam Da Reum dans une romance fantastique également composée de 12 épisodes de 20 minutes.
Récemment, c’est au tour de la plateforme de streaming Coupang Play, qui vient tout juste d’être lancée, de mettre son grain de sel dans cette compétition. La filiale de l’acteur du e-commerce Coupang vient d’acquérir sa première série coréenne : One Ordinary Day, l’adaptation avec Kim Soo Hyun et Cha Seung Won de la série britannique Criminal Justice (BBC), prévue en novembre 2021.
Pendant ce temps, Netflix continue d’annoncer de nouveaux projets originaux. Les créations originales du leader du streaming explorent des registres variés, de la romance Love Alarm, au drama d’horreur Kingdom, en passant par la sitcom My First First Love. Dernièrement, le drama de monstres Sweet Home a fait forte impression à l’international.
D’autres créations originales Netflix sont attendues, avec des noms de stars au générique. Outre Move to Heaven, le drame avec Lee Je Hoon sorti ce mois-ci, le line-up 2021 de la plateforme comprend Kingdom: Ashin of The North avec Jeon Ji Hyun, le drama de science-fiction The Silent Sea avec Gong Yoo et Bae Doona, le drama post-apocalyptique Hellbound avec Yoo Ah In, le game survival Squid Game avec Lee Jung Jae ou encore le drama militaire D.P. avec Jung Hae In.
Netflix mise également sur des gros noms de réalisateurs, tels que Yeon Sang Ho (Peninsula) avec le drama fantastique Hellbound et Kim Joo Hwan (The Divine Fury) avec l’adaptation du webtoon Hounds prévue en 2022. 
Les concurrents américains et chinois ont beaucoup de retard à rattraper pour concurrencer Netflix, qui bénéficie d’une expérience de plusieurs années dans la collaboration avec les chaînes coréennes, ce qui lui a permis d’acquérir une bonne connaissance du marché. Depuis 2018, plusieurs dramas ont ainsi été diffusés en simulcast sur les chaînes locales et Netflix. Ce fut le cas de Mr Sunshine (tvN) en 2018, mais aussi de Vagabond (SBS) et My Country: The New Age (JTBC) en 2019, et de Nevertheless (JTBC) cette année.
Comme nous l’expliquions dans notre dossier sur les meilleurs dramas de l’année, Netflix avait signé dès 2019 un partenariat avec le groupe CJ ENM et sa filiale Studio Dragon, pour la production et la distribution de séries et de films sur plusieurs années. En parallèle, le leader du streaming signait un autre accord avec JTBC Content Hub pour la diffusion globale d’un certain nombre de séries et pour des coproductions à partir de mai 2020. Cette année, la firme a annoncé avoir loué neuf plateaux dans deux studios situés à Paju et à Yeoncheon, dans la province de Gyeonggi.
Selon le Hollywood Reporter, le visionnage en nombre d’heures de contenus coréens sur Netflix aurait quadruplé en Asie en 2020. On trouve également régulièrement des k-dramas dans les tops 10 de pays aussi variés que la France, l’Italie, le Pérou et Taïwan.
Une chose est sûre, l’arrivée de tous ces géants est en train de refaçonner durablement l’industrie des séries coréennes sur le plan de la production, des financements et des canaux de distribution.
Il y a dix ans, les grandes chaînes nationales que sont KBS, MBC et SBS avaient déjà vu leur suprématie mise en danger avec l’arrivée sur le marché des chaînes du câble, tvN, OCN et JTBC. Aujourd’hui, elles subissent une nouvelle révolution qui s’annonce encore plus lourde de conséquences.
Pour le public international, l’accès à l’offre légale de dramas coréens risque de glisser progressivement vers ces grandes plateformes mondialisées, au détriment des services spécialisés comme Dramapassion, qui fut le pionnier en Europe dans la distribution de dramas. D’ailleurs, aux États-Unis, les fans de dramas ont longtemps profité des services de Dramafever, une plateforme qui travaillait avec les chaînes coréennes pour obtenir les contenus et qui avait co-produit le drama The Heirs, avec Lee Min Ho. Rachetée par Warner Bros en 2016, Dramafever a fermé ses portes en 2018, ce qui a d’ailleurs poussé les chaînes coréennes à monter conjointement leur propre chaîne, Kocowa. Pour combien de temps ?
Les fans de K-dramas internationaux, qui risquent d’être obligés de s’abonner à une multitude de plateformes pour satisfaire leur soif d’imaginaire, sont en train d’assister à la fin d’un monde qui leur était dédié, au profit d’un univers plus étendu, mais aussi plus impersonnel.
La diversification des sources de financement s’explique également par des coûts de production de plus en plus importants : « Les coûts de production par épisode ont plus que doublé sur les 10 dernières années. Ils se situent aujourd’hui entre 600 et 700 millions de Won (entre 435 000 et 508 000 euros) », confie sur Inquirer.net le responsable marketing d’une société de production, qui souhaite reste anonyme. « Il est difficile de couvrir ces coûts uniquement avec des publicités locales ».
Cette nouvelle donne a aussi des avantages. Les géants du streaming et de l’Internet apportent des moyens supplémentaires aux productions coréennes, comme nous l’avons vu avec Sweet Home et ses effets spéciaux impressionnants conçus en grande partie à Hollywood – le coût par épisode est de 2,5 millions d’euros environ. Pour concurrencer ces dramas à gros budget, les séries produites par les voies traditionnelles ont intérêt à maintenir des standards de production élevés.
En outre, la controverse autour du drama d’horreur Joseon Exorcist, qui a été annulé au bout de 2 épisodes après avoir été accusé de favoriser la culture chinoise, a aussi montré les limites d’une industrie qui plie le genou face à une poignée d’internautes en colère. A ce propos, cette polémique arrivait à point nommé, à la veille des élections municipales dans le pays, mais aussi en plein pendant les négociations entre les gouvernements coréen et chinois pour sortir de la crise politique et conclure les accords cités plus haut… Cette annulation n’aurait peut-être pas eu lieu si le drama était sorti directement sur Netflix ou AppleTV.
Cette mutation apportera incontestablement de nouvelles perspectives aux dramas coréens, sur le plan des moyens comme sur le plan créatif. Espérons que les influences américaines et chinoises ne viendront pas diluer l’identité culturelle forte qui fait tout le charme des K-dramas.
Elodie Leroy
Sources : Netflix, Variety, Hollywood Reporter, Forbes, Deadline, Inquirer, The Korea Times, SCMP, Hancinema, Soompi.
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