Alors que l’automatisation des taches gagne du terrain dans de nombreux domaines, l’intelligence artificielle (IA) pourrait bientôt s’attaquer à des métiers jusqu’ici très humains. C’est le cas des psychiatres, dont le diagnostic passe par un processus complexe. Mais les possibilités de plus en plus monstrueuses de l’IA poussent certains à envisager un remplacement des psy, un jour. Est-ce vraiment possible ?
Dans un texte initialement publié sur le site The Conversation France, Vincent Martin, Docteur en informatique à l’Université de Bordeaux, et Christophe Gauld, Pédopsychiatre et médecin du sommeil à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne donnent leur avis d’expert sur la question. Ils relèvent d’emblée que les avancées en Intelligence artificielle ont permis, ces dernières années, la montée en puissance des chatbots conversationnels ou « robots thérapeutes ». Il existe aujourd’hui plus d’une vingtaine de robots-thérapeutes validés par le monde scientifique.
Les universitaires rapportent aussi les résultats d’études suggérant que les patients pourraient développer de véritables relations thérapeutiques avec l’IA. Mieux, certains se sentiraient plus à l’aise avec un chatbot qu’avec un psychiatre humain. De plus, l’intelligence artificielle jouirait d’une objectivité, d’une absence de jugement et d’une disponibilité à toute heure. Tous ces points sont-ils vrais ? Non, selon Vincent Martin et Christophe Gauld. Les deux docteurs pensent que l’IA n’est pas aussi parfaite qu’on le pense.  D’abord, cette technologie ne serait pas assez objective puisque conçue par un ingénieur humain.
En effet, elle subit indubitablement l’influence du codeur qui l’a créée. L’informaticien possède son propre modèle interne, reposant sur un algorithme. Aussi, ce modèle s’inspire des éléments liés au profil du psychiatre (expérience, formation…) et puise dans la base de données ayant servi à entraîner l’IA. Tous ces paramètres agissent sur le comportemnt du chatbot et donc, indirectement, sur ses prises de décision ou ses diagnostics. Par ailleurs, le professionnel numérique manque de corporéité, un facteur très important en psychiatrie. Car il faut bien une rencontre en chair et en os entre deux personnes pour un meilleur résultat à travers la conversation.
Sans cette présence physique, il est quasi impossible de percevoir des signaux faibles comme la position du patient ou l’expression de son visage. Le psychiatre, lui, peut détecter, au cours de son entretien, des comportements et des émotions sur lesquels passe le chatbot. En fonction des réponses, il peut aussi faire évoluer son échange en temps réel afin de collecter des informations supplémentaires. Sa démarche n’est donc pas rigide comme celle de l’IA. Ainsi, parce qu’il peut détecter un ensemble de processus mentaux, explicites ou implicites, le professionnel humain surpasse sa version électronique.
Dès lors, Vincent Martin et Christophe Gauld estime que l’IA n’est pas encore prête à remplacer un vrai psychiatre. Ce thérapeute humain bénéficie de qualités relationnelles et empathiques indispensables à un bon diagnostic, ainsi qu’une bonne relation avec le patient. Mais cela ne signifie pas que le chatbot n’a aucune utilité. Bien au contraire, le psy a beaucoup à espérer de cette nouvelle technologie, qui peut améliorer ses services. Elle peut notamment lui permettre d’être disponible 24H/24 ainsi que d’affiner sa pratique clinique, et vice-versa. Il serait donc préférable d’instaurer une interdisciplinarité permettant d’hybrider l’IA et la médecine.

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