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Par : Giedre Peseckyte | EURACTIV.com | translated by Arthur Riffaud
16-11-2022
La Commission souhaite que l’espace européen des données de santé soit opérationnel dès 2025. [SHUTTERSTOCK/Gorodenkoff]Langues : English

Alors que la proposition de l’exécutif européen en faveur d’un espace européen des données de santé avance, les experts et les commissaires ont souligné qu’elle ne sera pas réalisable sans un niveau de confiance important des citoyens.
« Les données de santé sont le sang qui coule dans les veines de nos systèmes de soins de santé », a déclaré Fulvia Raffaelli, cheffe de l’unité « Santé numérique » à la DG SANTE de la Commission européenne, lors d’une discussion à la Conférence européenne sur la santé publique à Berlin, jeudi (10 novembre).
L’espace européen des données de santé (EHDS), présenté par la Commission en mai dernier, vise à réglementer la transmission et le partage des données de santé dans l’UE, tant pour les particuliers que pour les chercheurs ou les responsables politiques.
La proposition devrait permettre d’économiser plus de 10 milliards d’euros sur une décennie, a déclaré Mme Raffaelli, de la Commission. Sur dix ans, l’utilisation élargie des données de santé primaires — celles des particuliers — devrait réduire le nombre de tests inutiles et générer des retombées financières d’au moins 5,5 milliards d’euros. Une meilleure efficacité des données de santé à usage secondaire — celles destinées aux chercheurs et aux décideurs politiques — devrait quant à elle engendrer des bénéfices d’au moins 5,4 milliards d’euros.
La commissaire espère que l’EHDS, l’un des principaux éléments constitutifs de l’Union européenne de la santé, sera finalisé d’ici juin 2024.
L’objectif est que le système soit opérationnel en 2025, bien qu’Iveta Nagyova, présidente de l’Association européenne de santé publique (EUPHA), ait qualifié cet objectif de « très ambitieux ».
Rendre les données équitables, faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables dans toute l’UE n’est pas tâche facile. Les systèmes d’information sur la santé en Europe sont en effet très variés et les pays en sont à des stades différents de numérisation — sans oublier les lacunes existant en matière de compétences numériques.
Toutefois, il ne s’agit pas seulement de technologie, mais aussi de confiance.
« L’EHDS devra également être transparent pour garantir la confidentialité des informations personnelles figurant dans l’EHDS », a déclaré Mme Nagyova.
« Et la confiance des citoyens est-elle suffisante, surtout après la pandémie de Covid-19, où l’on constate une perte de confiance dans les autorités ? » a-t-elle demandé.
Les médecins européens ont fait part de leurs préoccupations concernant l’éthique médicale, la charge pesant sur les médecins et la compétence nationale des États membres concernant la proposition de la Commission européenne relative à l’EHDS.
D’après une enquête réalisée par le Forum européen des patients (FEP) en 2020, plus de 50 % des personnes interrogées étaient disposées à partager leurs données à des fins de recherche et de santé publique, même sans consentement, ou avec un consentement très large. Environ 35 % souhaitaient des dispositions plus strictes en matière de consentement.
Toutefois, cela n’est possible que si les citoyens ont confiance en l’EHDS, a déclaré Kaisa Immonen, directrice des politiques au FEP.
La principale préoccupation de la communauté des patients est que les données puissent tomber entre de « mauvaises mains », telles que les fournisseurs d’assurance, les employeurs ou les entreprises non médicales, a déclaré Mme Immonen. En cas d’utilisation abusive des données, il devrait y avoir des « sanctions appropriées » qui « pourraient être renforcées dans la proposition », a-t-elle ajouté.
L’enquête du PEF a révélé que les garanties relatives à la vie privée et à l’anonymat, la garantie d’une surveillance éthique efficace du système et le fait de savoir qui effectue la recherche et dans quel but influent sur la volonté des individus de partager leurs données.
« Le fait est que les gens veulent savoir qui utilise les données », a déclaré Mme Immonen. C’est pourquoi elle souhaiterait que la proposition soit « plus solide en termes de systèmes permettant d’informer les gens dans la mesure où ils le souhaitent ».
La Commission a déclaré, lors de l’annonce de la proposition, que les citoyens auront le plein contrôle de leurs données et pourront ajouter des informations, rectifier des données erronées, restreindre l’accès à d’autres personnes et obtenir des informations sur la manière dont leurs données sont utilisées et dans quel but.
« Les individus pourront décider à qui transférer les données, supprimer ou masquer certaines des données avec lesquelles ils ne se sentent pas à l’aise et, bien sûr, accéder aux données immédiatement et gratuitement », a assuré Mme Raffaelli.
La situation est toutefois différente en ce qui concerne l’utilisation secondaire des données, qui ne donne accès qu’à des données anonymes, auquel cas la Commission ne prévoit pas de consentement spécifique.
« Nous prévoyons en fait que toutes les demandes introduites par les utilisateurs de données seront publiées avec les résultats de la recherche. Ainsi, les résultats cumulatifs collectifs de l’utilisation seront publiés », a précisé Mme Raffaelli.
Elle a ajouté que « ce n’est que dans des cas très spécifiques où les utilisateurs des données ont besoin d’avoir accès à des données anonymes que cela se fera dans un environnement très sécurisé ».
La protection des données, les droits des citoyens et la numérisation sont au premier plan du projet d’espace européen des données de santé révolutionnaire présenté par l’exécutif européen mardi (3 mai).
« Si nous optons pour le consentement […], nous avons besoin de toute urgence d’un formulaire et d’une procédure de consentement mieux normalisés », a déclaré à EURACTIV Irene Schlünder, experte de l’UE en matière de protection des données et de gouvernance des bases de données.
« Ce n’est pas seulement une charge bureaucratique pour les chercheurs ou quiconque collecte le consentement, c’est aussi une charge pour les patients », a-t-elle ajouté.
Les définitions de la proposition d’espace des données de santé sont en outre « un peu trop larges au goût d’un juriste », a déclaré Mme Schlünder, en faisant référence aux définitions de « détenteur de données » et de « données de santé ». La définition des « données de santé » dans la proposition inclut les données administratives de santé, telles que les numéros de téléphone ou les données des applications de bien-être.
« Qui est vraiment obligé de livrer des données et quelles données ? », s’est-elle interrogée. « Peut-être même que c’est un devoir pour les États membres de se mettre autour de la table […] et de proposer des concepts très rapidement afin d’avoir quelque chose que la proposition de l’EHDS puisse ensuite référencer de manière à ce que les citoyens comprennent mieux de quoi il s’agit. »
« Ma principale inquiétude est qu’en raison de la vaste portée de la proposition, l’ensemble ne sera pas vraiment applicable », a-t-elle prévenu, ajoutant que le moment est venu de combler les lacunes de la proposition.
« Les attentes sont élevées, l’idée et la vision présentent un fort potentiel : nous avons la responsabilité de les rendre opérationnelles », a conclu Mme Schlünder.
Malgré la décision de confier l’EHDS exclusivement à LIBE, il a désormais été convenu que la commission de la santé (ENVI) codirigera ce dossier, qui élargit le règlement européen sur les données.
 
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