Le concert donné ce samedi 21 mai au Stade de France par le groupe Indochine a accueilli en guest star la musique de la garde républicaine le temps de trois chansons. Les gendarmes remonteront sur scène le 25 juin prochain à Lyon. Nicola Sirkis revient sur cette rencontre musicale de prime abord improbable et sur la fusion réussie de l’univers de son groupe, acteur majeur de la scène rock française, et de celui plus classique de cette formation militaire.
En cette matinée ensoleillée de mi-avril, des notes de musique s’élèvent du gymnase de la caserne Kellermann, dans le 13arrondissement de Paris. Quoi de plus normal direz-vous, quand on sait que cette emprise abrite la musique de la garde républicaine. Mais ce matin-là, ce n’est ni un répertoire militaire, ni même classique, que les musiciens répètent, mais des morceaux de rock français que tout le monde a déjà chantés ou fredonnés, du moins entendus… Car les 70 militaires, rassemblés en tenue de service courant, comme on dit dans le jargon, attendent un visiteur de marque : le leader du groupe Indochine, Nicola Sirkis. Et celui-ci ne vient pas pour une simple visite de courtoisie, mais pour une vraie séance de travail, en prévision de la prochaine tournée que son groupe s’apprête à offrir à ses fans à l’occasion de ses 40 ans d’existence.
Et la musique de la garde républicaine dans tout ça ? Et bien elle sera elle aussi sur scène pour deux dates, d’abord à Paris, au Stade de France, le 21 mai prochain, puis à Lyon, au Groupama Stadium, le 25 juin.
Cette belle aventure musicale trouve sa genèse dans une découverte fortuite, sur laquelle revient Nicola Sirkis : « Il y a eu deux événements. Le premier, c’était le fameux match de foot amical qui opposait la France à l’Angleterre, juste après l’attentat de Manchester, au cours duquel les musiciens de la garde républicaine ont joué un morceau d’Oasis. Je me suis dit que c’était gonflé. Le type était tout seul à la guitare. C’était vachement bien, super-émouvant. J’ai trouvé ça vraiment bienvenu de la part de la garde républicaine. C’était un bel hommage. »
Le chanteur retrouve la musique de la garde un an et demi plus tard, en janvier 2019, aux Invalides, alors qu’il assiste à une remise de décorations, qui honore notamment l’un de ses meilleurs amis. « Ça a été un vrai choc, dans le bon sens du terme, quand je les ai entendus jouer dans la cour des Invalides, avec ces cuivres qui résonnaient. Ça sonnait super-bien, c’était impressionnant. J’en ai eu des vibrations. Ils ont joué des airs militaires, que je connais un peu, et bien sûr la sonnerie aux morts. C’étaient des moments forts. »
Germe alors dans la tête du rocker français une idée à laquelle il n’ose pourtant pas trop croire, celle d’inviter ces musiciens sur scène, le 23 juin 2019, à Lille, lors d’un concert exceptionnel donné au stade Pierre Mauroy, à l’occasion de ses 60 ans. « J’ai fait cette proposition au chef d’orchestre, à l’époque le colonel Langagne, sans penser que ça allait pouvoir se réaliser. » Mais pour les militaires, pas question de rater le privilège de jouer avec un artiste de cette envergure. S’ensuivent alors des répétitions communes, où le caractère « très discipliné » des gardes républicains, « par rapport à un groupe de rock », fait son œuvre et permet d’avancer très vite. « On s’est tout de suite très bien entendus. Puis ils sont venus jouer à Lille le premier soir et ils ont reçu un accueil incroyable du public. Il faut dire qu’en arrivant sur scène en grand uniforme, ils étaient imposants et impressionnants. En plus, ils m’ont fait la surprise de me jouer joyeux anniversaire pour mes 60 ans et un morceau de Bowie, « Life on mars ». C’était super, très émouvant… Ça a été une superbe réussite, se remémore le chanteur. Je pense que le public était aussi impressionné que nous qu’une institution comme la garde républicaine vienne jouer avec nous. Leur présence tranche avec le côté rock et c’est ça qui est bien, ce mélange des genres, tant musical qu’en apparence, surtout en apparence ! Finalement ça mythifie encore plus notre groupe et d’un autre côté ça désacralise la garde républicaine en la sortant de son univers protocolaire et militaire, si on peut dire, mais sans ternir son image, bien au contraire, parce que ça lui donne une image plus proche des gens. »
Le capitaine Frédéric Foulquier, actuel chef d’orchestre et adjoint du lieutenant-colonel Langagne à l’époque, se souvient lui aussi : « On entrait sur scène à mi-spectacle, en colonne par deux, de façon très militaire, dans un clair-obscur, pour préserver l’effet de surprise, et nous attaquions les premières mesures de « J’ai demandé à la lune », avant que toutes les lumières ne jettent leurs feux et que nos 60 militaires n’apparaissent en grande tenue. Nous avons enchaîné avec quatre autres morceaux. On n’avait jamais joué devant tant de monde. J’étais dans la salle et l’accueil du public était vraiment chaleureux. D’ailleurs, ils nous ont applaudis au passage de nos bus quand nous avons quitté le stade. »
Alors, pour fêter les 40 ans de son groupe, Nicola Sirkis a l’idée de réitérer ce duo. C’est sans compter la pandémie, qui occasionne plusieurs reports. Finalement relancé fin 2020, le projet prévoit la participation de la musique de la garde sur deux dates.
Nicola Sirkis choisit alors spécifiquement quatre morceaux pour leur sonorité adaptée à ce mariage musical. Ce sera « J’ai demandé à la lune », « qui s’y prête parfaitement » « Kao-bang », « La vie est belle » et « Atomic sky » (le nombre de titres joués à Paris étant fonction du timing du show, NDLR). « Quand ils vont arriver au Stade de France, il va être près de 22 h 40. Nous serons sur scène depuis deux heures. On va tout d’un coup passer d’un gros son, avec tous nos instruments, à une ambiance plus acoustique, c’est-à-dire vivante, vibrante, ce sera aussi un moment fort, surtout avec les morceaux qu’on a choisis, comme la Lune ou la vie est belle, qui sont des morceaux puissants », anticipe le chanteur du groupe.

Un peu moins de 100 000 spectateurs de tous âges étaient réunis au Stade de France, ce samedi 21 mai, pour assister au premier concert du Central tour d'Indochine, qui passera ensuite à Bordeaux, Marseille et Lyon en juin, puis à Lille en juillet prochain. Pour marquer ses 40 ans d'existence et de succès sur la scène rock française (41 pour être exact), le groupe, emmené par son leader Nicola Sirkis, avait concocté un show grandiose de près de 2 h 45.

L’arrangeur du groupe, un spécialiste de la musique classique, adapte les morceaux pour que la garde se les approprie – ce qui n’a rien de très compliqué pour ces musiciens -, avant que les répétitions ne débutent au sein de la caserne Kellermann, d’abord début avril avec l’arrangeur, pour une première lecture, puis mi-avril, en présence cette fois de Nicola Sirkis, venu écouter le rendu et prendre ses repères, d’un guitariste et d’un technicien plateau. La séquence permet alors de procéder à de nombreux calages.
Entre-temps, les 60 musiciens prévus pour le show répètent de leur côté la scénographie. En effet, entre deux morceaux, ils auront deux minutes pour se déplacer sur la scène centrale, dont l’exiguïté est accentuée par la présence des instruments, afin de faire face à une autre tribune du stade. Une manœuvre millimétrée qui se doit d’être quasi-militaire. Enfin, le 22 avril, une répétition in vivo, dans les conditions réelles, prend place dans l’enceinte de la Seine Musicale. « C’est important de pouvoir accorder nos violons. Nous jouons en même temps que les musiciens du groupe, on se complète, on ne se substitue pas, explique le chef d’orchestre. Techniquement, ce n’est pas un problème. Tout peut se retranscrire. Le rock reste de la musique acoustique, donc il s’adapte très bien à notre formation. Notre interprétation apporte une autre couleur, une autre profondeur aux morceaux choisis. C’est un enrichissement mutuel. »
Entre les musiciens de formation classique et les rockeurs, le courant passent immédiatement, car tous parlent le même langage, celui de la musique… Même si l’arrangeur joue parfois les interprètes. « Nous sommes des autodidactes, comme les Beatles. Nous avons appris par nous-mêmes, sans passer par une école. Nous travaillons à l’oreille pour ainsi dire, sans lire les partitions. Je suis toujours en admiration devant les musiciens dits classiques, qui ont travaillé pendant des années, et qui travaillent encore des heures et des heures, pour maîtriser leur instrument. Nous ne sommes pas du tout dans cette optique-là. Face à eux, j’ai parfois le sentiment d’être un imposteur, même si on bosse aussi beaucoup. Mais au final, on se comprend, car nous sommes tous des musiciens, avec des méthodes de travail différentes. J’aime jouer avec eux. Je trouve qu’il y a une réelle osmose sur scène et surtout un respect mutuel, confie Nicola Sirkis. J’aime ce mélange classique/rock. Depuis les Beatles, avec des albums comme Sgt. Pepper, on a régulièrement mélangé le classique avec le rock. La musique n’est pas cloisonnée. J’ai toujours trouvé ça intéressant. Metallica avait joué avec un orchestre symphonique, le groupe Guns N’ Roses aussi, et pour les 25 ans de notre groupe, nous avions joué avec l’orchestre symphonique de l’opéra de Hanoï. Ce mélange était magnifique et je n’imaginais pas, à l’époque, qu’on jouerait un jour avec la garde républicaine. Nos musiques sont basées sur l’émotion, des musiques fortes qui matchent bien. La musique de la garde apporte une dimension fortissimo, une puissance de feu inégalée, et avec les cuivres, c’est magnifique. De notre côté, nous apportons la puissance au niveau du son et des effets. »
Tous passés par le conservatoire, les musiciens de la garde républicaine ont en effet en commun une solide formation classique, chacun nourrissant par ailleurs des sensibilités propres et des goûts différents. Mais pour tous, qu’ils aient l’âme d’un rocker ou pas, jouer avec Indochine reste un événement exceptionnel, « un beau challenge » qui « nous sort de notre zone de confort, de notre quotidien. C’est en outre une belle expérience de travailler avec des artistes de cette envergure, et mais aussi de retrouver un contexte de liesse populaire dans ces deux stades, après deux ans de morosité liée à la pandémie », souligne le CNE Foulquier.
Ces deux concerts sont donc l’occasion d’unir sur scène deux univers musicaux très différents, mais se nourrissant l’un l’autre, dans un élan créateur qui ravira les fans de tout âge.

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