Qu’est-il arrivé à Yeon Sang-Ho ? En 2016, le réalisateur s’était attiré les louanges du public et de la critique avec son efficace Dernier train pour Busan, mais a plus que divisé par la suite avec Psychokinesis et Peninsula. En 2023, le cinéaste sud-coréen qui vient de l’animation est de retour sur Netflix avec Jung_E, un film de science-fiction malheureusement très inégal.
L’histoire se déroule dans un univers post-apocalyptique où, pour remporter une guerre civile qui fait rage depuis l’inondation de la Terre, une chercheuse tente de cloner le cerveau de sa mère, une combattante héroïque morte au front, pour en faire un androïd surpuissant. Pur univers de science-fiction avec ses designs Apple, ses robots révoltés et son humanité désespérée, Jung_E laisse entrevoir un univers plutôt excitant sur le papier, entre commerce d’Inteligences Artificielles et violent conflit militaire.
Avec son système de duplication d’individus décédés qui prolonge la vie des plus riches, mais transforme les plus pauvres en esclaves androïds, le scénario de Sang-ho Yeon s’inscrit dans la veine la plus politique du cinéaste, déjà présente dans ses précédents films. Si elle ne se manifeste pas de la plus fine des manières, notamment à coups de gros dialogues explicatifs, ce versant thématique donne à voir avec justesse et amertume la violence d’un système capitaliste qui exploite et commercialise les corps des plus démunis.
Le syndrome American Nightmare, où comment gâcher un concept prometteur
Cependant, le potentiel intérêt de cet univers post-apo se retrouve vite mis de côté au profit d’un récit quasi intégralement enfermé dans un petit laboratoire de robotique. Exit le gros spectacle hors du réel promis par la bande-annonce et la première séquence d’action du film : Jung_E étouffe complètement l’ampleur de son récit en se concentrant sur de pauvres petits scientifiques bloqués devant leurs Ipads géants.
Il s’en cache d’ailleurs à peine puisque sa première scène d’action, la seule pendant près d’une heure de film, est très littéralement une simulation. Le cinéaste avoue en creux, volontairement ou non, que le film qu’il nous a promis n’existe pas et qu’il n’est qu’une promesse virtuelle. À la place, il nous est proposé un récit aux enjeux, au mieux arbitraires (le personnage de Jung_E ne doit réussir sa mission que pour les beaux yeux de l’armée) et, au pire, franchement grossiers et prévisibles (cette zone inconnue du cerveau que personne ne parvient à identifier…).
Publicité mensongère
Les racines du récit de Jung_E sont fragiles, étouffant ainsi l’implication du spectateur. Par ailleurs, les miettes d’univers de science-fiction du film, remplies de clichés, ne sont pas là pour rattraper le coup, entre le méchant directeur qui fait tout pour arriver à ses fins et les scientifiques qui touchent à plein d’écrans pour avoir l’air intelligents.
Ajoutons à ça une direction artistique sommaire et déjà vue, des robots militaires lambda aux décors high-tech génériques, et l’univers de Jung_E sonne finalement très toc. Hormis un gros chien robot à roulettes, rien n’est vraiment original, et/ou un peu inventif dans Jung_E. Sans être en pilote automatique, Yeon Sang-Ho ne questionne jamais ses outils de SF, et livre finalement une petite série B trop superficielle pour vraiment intriguer son spectateur, mais pas assez généreuse pour le divertir.
Pilote auto-matrix
Un côté faux renforcé par des effets spéciaux très inégaux, entre incrustations aléatoires, CGI en plastiques et chorégraphies numériques mollassonnes. Pour peu que l’on soit sensible aux effets visuels par ordinateur, les lacunes techniques de Jung_E créent une copieuse barrière émotionnelle entre le spectateur et le film.
Une barrière d’autant plus appuyée lorsque, pour amoindrir le travail de post-production, la caméra limite ses déplacements et multiplie les gros plans sans arrière-fond. En plus de nous piétiner la rétine, les limites techniques de Jung_E tailladent la vélocité du Dernier train pour Busan au profit d’une mise en scène statique, étouffant l’ampleur de l’ensemble.
Un climax qui se réveille (un peu)
Un film qui fait du surplace esthétiquement, donc, à l’instar de son héroïne, Seo-Hyun, qui a un parcours intéressant et des enjeux forts, mais qui reste passive pendant les deux tiers du récit. Idem pour le directeur Sang-Hoon, archétype lourdingue qui se mue en personnage complexe, mais dont les problématiques ne sont jamais vraiment incarnées. Comme ses protagonistes qui sont bloqués dans leurs tests pseudo-scientifiques, les enjeux de Jung_E tournent en rond pendant une heure de film (!).
Mais fort heureusement, la laborieuse installation des personnages prend corps dans une séquence enfin un peu émouvante où le personnage de Seo-Hyun sort de sa léthargie. À partir de là, les protagonistes commencent enfin à faire avancer le récit, et le climax vient réveiller la mise en scène (et le spectateur). Des robots qui se bastonnent et des trains aériens qui explosent, le tout renforcé par quelques ralentis et chorégraphies élégamment filmées : le spectateur retrouve enfin la générosité Bis du cinéaste, dans un climax plutôt satisfaisant.
Si ce dernier tiers est loin d’être plus visuellement et techniquement abouti, il a le mérite de muscler un peu ce Jung_E et d’offrir à son spectateur ce qu’il est venu chercher, mais surtout ce qu’il lui a promis, à savoir du spectacle.
Jung_E est disponible sur Netflix depuis le 20 janvier 2023 en France
Les lacunes techniques et narratives de Jung_E empêchent définitivement Yeon Sang-Ho de livrer le divertissement total ambitionné. Dommage, le potentiel esthétique, thématique et politique est bien là, et le dernier tiers du film, (un peu) plus spectaculaire et touchant, le rappelle amèrement.
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Lecteurs
Votre note ?
JUNG-E la première impression un énorme gâchis. Une société à conçue une combatante JUNG-E un Android à l'image de la mère de la responsable sa fille qui travaille pour cette société . Une relation etrange entre les traits de sa mère elle perçoit des souvenirs caché. Cette histoire aurait pu être passionnante mais les acteurs surjoue l'histoire se passe exclusivement dans la société . La fuite pour la libertés de JUNG-E le combat final est plutôt réussie. Visuellement intéressant mais j'attendais plus. JUNG-E une coquille vide dans un film vide de sens.
Ce film est une merde intergalactique !
Film tout pourri où le directeur tout pourri lui aussi est le meilleur combattant du film… Pour le moment le meilleur de la science fiction sur Netflix est Don't look up
Oui c'est très inégale mais enfin, qu'est-ce que vous avez de bon au niveau SF en ce moment sur les nouveautés Netflix ? On va donc largement s'en contenter car il y a tout de même qq beaux moments, des clins d'œil à bcq de films et surtout la disparition de l'héroïne qui semble justement être comme une mise en abîme de ce que raconte le film : la mémoire et l'immortalité
Le réalisateur est quand même plus que le très efficace (mais un peu surestimé) Busan. King of Pigs ou Hellhound (au moins dans sa première moitié) étaient quand même au dessus de Busan.
Nous ne sommes que le 19 …
EL s'est équipé d'une De Lorean !
C est usant ce manque d'exigence que semble avoir Netflix pour ces nombreux produits alléchants sur le papier…
" Le réalisateur d'un seul bon film " ?
" Faut s'attendre à de la daube " ?
Réduire Yeon Sang-ho à la hype française du Dernier Train pour Busan est facile.
Ce n'est pas parce qu'il prenait les attentes à rebrousse-poil avec Peninsula que cela en fait une nullité. Tout n'était pas à jeter.
C'est oublier aussi que côté animation, il a réalisé et scénarisé Seoul Station, plus sombre et peut être encore plus réussi que Busan.
Et côté série, il y a aussi Hellbound
Vous m'avez refroidi je vous donnerai mon avis sur JUNG-E . Le making off est déjà disponible sur YouTube.
Décidément avec lui faut s'attendre à de la daube, il achaine nullité sur nullité.