Les imprimantes jet d’encre gâchent-elles de l’encre quand elles ne sont pas utilisées ? Pour le savoir, nous avons étudié le comportement des imprimantes et mesuré la consommation d’encre pendant plusieurs mois. Le verdict est sans appel : oui, les imprimantes jet d’encre gâchent de l’encre. À grande échelle pour certaines, un peu moins pour d’autres.
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Tous les possesseurs d’imprimante jet d’encre ont eu l’impression un jour de vider leurs cartouches sans avoir imprimé grand-chose. Est-ce vraiment le cas et, si oui, l’encre “disparaît-elle” au même rythme chez les quatre constructeurs d’imprimantes jet d’encre (Brother, Canon, Epson et HP) ?

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Pour le savoir, nous avons comparé l’encre consommée pour imprimer, d’un coup, 104 pages (13 x 8 copies) représentatives de ce que l’on est susceptibles d’imprimer chez soi ou au bureau (plans, copie de passeport, article de magazine…), puis la consommation d’encre progressive pour imprimer ces 8 pages pendant 13 semaines consécutives, et aboutir aux mêmes 104 pages, mais sur une durée de 3 mois.
Bilan : la surconsommation d’encre sur 3 mois varie du double (Brother) à plus du triple (Canon et Epson) suivant les constructeurs ! HP se classe au milieu, avec un ratio de 2,5 fois plus d’encre consommée dans le temps.
Nous sommes pourtant encore nombreux à disposer d’une imprimante car, malgré la démocratisation des systèmes de stockage et de dématérialisation, les besoins d’impression se font toujours sentir. Selon une étude réalisée par divers fabricants, imprimer facilement depuis un smartphone ou une tablette apparaît en tête des souhaits formulés par les consommateurs. Les marques ont très vite doté toutes leurs imprimantes desystème d’impression mobile et, plus récemment, de la norme NFC pour imprimer au contact.  Il existe même aujourd’hui desapplis dédiées à l’impression de photos.
Pour ce test, nous avons auditionné notre entourage et sollicité les lecteurs des Numériques à travers un sondage ; notre objectif étant de savoir à quelle fréquence en moyenne les utilisateurs impriment. Si la plupart des personnes que nous avons interrogées à l’oral prétendent vouloir imprimer des photos occasionnellement, il en ressort qu’une large majorité des sondés (81 %) affirment n’imprimer que très peu, voire rarement. Seulement 3 % des personnes interrogées impriment tous les jours ou plusieurs fois par jour.

Frequence impressions sondage

NB : les résultats observés le 12/06/2014 faisaient état de 4537 votants, dont toutefois 530 rapportaient ne pas avoir d’imprimante, ou n’avoir aucune idée de la fréquence à laquelle ils utilisent la leur. Une fois ces résultats retirés, reste 81 % d’utilisateurs qui répondent imprimer “un peu”, soit “pas toutes les semaines” si on revient à la question du sondage, ou “pas du tout”.
Ce résultat surprend. Difficile de croire que 4 utilisateurs sur 5 avaient prévu d’utiliser si peu leur imprimante, voire pas du tout pour un tiers ! Ce résultat va en plus à l’opposé de la technologie jet d’encre qu’il vaut mieux utiliser régulièrement pour éviter que les buses ne s’encrassent.
Pour éviter que l’encre ne sèche dans les buses en cas d’inactivité, les fabricants ont introduit des cycles de nettoyage automatique des têtes d’impression. Ils assurent que les mini-canaux d’acheminement de l’encre au papier sont libres en chauffant rapidement et très fort les circuits, et en y faisant passer de l’encre qui sort non pas sur le papier, mais dans un bac de récupération prévu à cet effet, auquel seuls les techniciens de maintenance accèdent.
Une vidéo assez connue témoigne de l’existence de ce bac :

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Les imprimantes n’aiment pas vos vacances
La fréquence et l’intensité de ces nettoyages varient d’un constructeur à l’autre, en fonction des mesures de sécurité qu’ils s’imposent d’une part, mais aussi en fonction du temps d’inactivité qui a précédé le travail lancé. Plus la période est longue, plus grand est le risque de voir se lancer un cycle de nettoyage profond, et même de devoir en lancer manuellement d’autres pour déboucher les buses encrassées, responsable d’irrégularités dans l’impression. 
Certaines auront plus tendance à sécher que d’autres. Il faudra alors lancer des nettoyages plus fréquents pour éviter que les utilisateurs sortent trop souvent des pages sur lesquelles une couleur manque.  
Habituellement, les tests des produits au laboratoire ne durent que quelques semaines. Si ce temps suffit à nous donner une bonne idée d’utilisation quotidienne de la machine, il reste trop court pour évaluer la consommation d’encre dans le temps ainsi que la fréquence des cycles du recyclage.
Pour mesurer la consommation d’encre dans le temps et observer le comportement des machines sur plusieurs mois, nous avons demandé aux constructeurs une prolongation exceptionnelle de la durée du prêt des machines. Durant 6 mois, nous avons minutieusement observé le comportement de quatre imprimantes de référence ; 6 mois, car nous avons choisi de réaliser les essais deux fois, pour vérification. Il s’agit donc d’un test exceptionnellement long et prenant. Tous les constructeurs ont accepté d’y participer sans aucune réserve. Les modèles retenus sont les suivants :
Sur la base des mesures ISO et des coûts pratiqués sur les cartouches actuellement, HP serait le constructeur le plus économique en encre de cette sélection, Brother le plus onéreux. Même s’il faut relativiser les écarts : 10 centimes par page, c’est correct, bien qu’un cran au-dessus de la moyenne de 9,3 centimes.
Nous avons bien conscience de nous placer dans des conditions particulièrement difficiles pour les imprimantes, avec cette nécessité de peser les cartouches chaque semaine. Cette opération entraîne parfois un rapide nettoyage de tête, alors un peu consommateur d’encre. C’est néanmoins ce que vivront les utilisateurs occasionnels de ce genre d’imprimante à chaque réveil après une période d’inactivité.
Nous avons défini un jeu de pages types que nous imprimons couramment, écartant volontairement les photos — particulièrement consommatrices d’encre. 8 pages imprimées en recto ont ainsi été retenues : texte bureautique, itinéraire, copie de passeport, facture, billet de train, échange de courriel, article, page Internet.

Balance cartouches 700

Les 8 pages types : une copie de passeport, un article des Numériques*, un guide de 60 millions de consommateurs, un billet de train, un plan, un texte Word, une facture, un email.*
À l’aide d’une balance de laboratoire de précision, nous avons commencé par peser les jeux complets des cartouches de chaque imprimante (noir, cyan, magenta, jaune). Ceux de Brother et Epson pèsent en tout 140 grammes, celui de HP grimpe à 167 grammes, tandis que celui de Canon est à seulement 93 g. Des écarts étonnants !
Les 8 pages de test ont alors été imprimées 13 fois d’affilée (104 pages au total), sans aucune pause, sur chaque imprimante. S’en suit une nouvelle pesée des cartouches.
Puis le jeu des 8 mêmes pages a été imprimé une fois par semaine, avec pesée après chaque impression. Entre chaque semaine, nous laissions l’imprimante gérer son état (ON, veille, veille profonde, OFF…).
Sur la durée, nous avons pu observer concrètement ce que nous supposions : chaque marque réagit différemment au moment d’imprimer. Si certains modèles lancent systématiquement des cycles de nettoyage avant impression, d’autres ne le font quasiment jamais.
Canon a été désigné comme le champion des nettoyages systématiques. Chaque semaine, au moment de lancer nos 8 pages d’impression, l’imprimante mouline pendant 2 minutes avant de s’exécuter puis de repositionner les chariots voire d’enclencher un nouveau nettoyage. Les cartouches n’ont d’ailleurs pas résisté à la fréquence des nettoyages et les couleurs ont dû être changées au bout de la huitième semaine.
HP arrive juste derrière, avec des nettoyages systématiques, non pas avant mais après avoir imprimé les 8 pages. 
De son côté, le modèle d’Epson ne lance pas de nettoyage avant ou après impression, mais au moment de repositionner les cartouches à l’intérieur du chariot (une intervention que, d’ordinaire, on ne fait qu’une seule fois au moment de remplacer ses cartouches).
Enfin, aux antipodes du modèle de Canon, l’imprimante Brother n’a jamais pris l’initiative d’exécuter de nettoyage au cours du test. Au moment de repositionner les cartouches, la question “avez-vous changé la cartouche de magenta/cyan/jaune/noir ?” s’affiche sur l’écran. Il suffit de répondre “non” pour ne pas amorcer de nettoyage. Malin. reste qu’elle sur-consomme tout de même au final, preuve qu’elle lance quand même régulièrement, plus discrètement que les autres toutefois, des nettoyages.
Parmi toutes ces marques, seule HP a parfois enclenché des nettoyages sans raison apparente, hors commande d’impression. Toutes les autres imprimantes en veille n’ont pas paru gaspiller d’encre durant la semaine.
La seule insertion de cartouches neuves peut occasionner une surconsommation d’encre. Le simple fait de retirer les cartouches puis les replacer occasionne une très légère perte, de l’ordre de 0,4 g. En revanche, lorsque les imprimantes partent dans un long cycle bruyant de mise en route des circuits, d’alignement, les cartouches perdent jusqu’à 1 gramme, soit tout de même 15 % à 30 % de l’encre nécessaire pour imprimer les 104 pages du test ; c’est beaucoup.

4 imprimantes

Entre cette mise en route et les 104 pages de test sorties d’un coup, les consommations d’encre mesurées sont très disparates :
Ces chiffres exprimés en gramme, indiquent que Brother consomme moins d’encre que les autres. Reste à savoir si, sur la durée, le fabricant japonais ne perdra pas l’avantage avec des nettoyages intempestifs.
Les autres marques compenseront-elles leur consommation par des cycles de nettoyage optimisés ? Imaginons en effet que les cartouches Canon contiennent le double d’encre de celles de Brother pour le même prix, et que le nettoyage autonome consomme peu d’encre… alors les derniers pourraient être les premiers. Passons donc au test sur la durée : des impressions étalées sur 3 mois…
Bon point : les quatre imprimantes ont eu un comportement relativement stable sur la période de test. En témoignent les courbes de consommation d’encre : il n’y a pas d’accident particulier, pas d’événement incompréhensible ni pics inexplicables. La consommation est régulière, quasi constante au fil des semaines. Canon et Epson ont perdu en moyenne environ 1,5 gramme d’encre par semaine, HP est à 1 g, Brother à 0,5 gramme. Les écarts sont significatifs !

Consommation grammes

L’ensemble des tests a été réalisé deux fois, avec des jeux de cartouches neufs. L’imprimante Canon a chaque fois épuisé ses cartouches avant la fin du test de 13 semaines.
On constate que le classement établi lors de l’impression en continu se confirme sur le test espacé dans le temps. Brother était déjà deux fois plus économe en encre sur les 104 pages sorties en une fois ; l’écart s’amplifie quand on n’imprime plus qu’avec parcimonie. Brother devient, dans le temps, jusqu’à trois fois plus économe en encre que les autres !
Difficile de se contenter de ce résultat toutefois, car cette économie d’encre se fait au détriment de la qualité d’impression :
Qualité d’impression :
Misère, l’imprimante de loin la plus économe en encre délivre les sorties les moins satisfaisantes en qualité ; la plus vorace (Canon) imprime le mieux et est la plus polyvalente.
Comparons la consommation d’encre, non pas entre modèles de marques différentes, mais simplement entre ce qui a été consommé pour imprimer les 104 pages en une seule fois, puis sur 13 semaines.
Si on ne s’intéresse qu’aux états de début et fin, cela donne :
Voici maintenant les résultats relevés sur chaque semaine avec, en vert, la consommation “normale” (1 = 100 %) d’encre pour 104 pages en continu, puis l’évolution de la part de consommation au fil des semaines.

Surconsommation encre temps

Après 13 semaines, Brother a consommé le double d’encre par rapport à ce qui avait été nécessaire pour imprimer les 104 pages en continu, HP multiplie la consommation par 2,6, Canon et Epson vont au-delà d’une consommation multipliée par 3 !
Que Choisir nous avait précédés en montant courant 2012 un essai similaire, sur des produits lancés en 2010. L’association avait opté pour une impression de 45 pages de graphiques, répartie sur 8 semaines — rappel : nous avons défini un protocole portant sur 104 pages de natures diverses, représentatives de ce qu’on imprime couramment, le tout sur 13 semaines.
Dans ce test de Que Choisir, Brother faisait déjà beaucoup mieux que Canon et HP, puisque les surconsommations citées dans le temps pour chacune étaient respectivement de +25 %, +94 % et +169 %, comparés à des tirages intensifs et consécutifs. Mais sur ses essais, Epson faisait encore mieux que Brother : +16 % seulement. Nos tests, réalisés deux fois, nous ont donné un autre résultat. Sans doute les choses ont-elles changé entre-temps.
Pour chaque test d’imprimante, nous calculons le coût à la page en divisant l’autonomie ISO des cartouches d’origine par le prix le plus bas proposé par les marchands en ligne (frais de port inclus). On constate que ce coût à la page, représenté en vert sur le graphique, est multiplié par 2, voire 3 lors des impressions occasionnelles. En d’autres termes, imprimer occasionnellement coûte 3 fois plus cher.

Couts par page revises 2

Alors que nous connaissions le résultat d’avance, nous avons réalisé le même test d’impression sur une, puis sur 13 semaines sur une imprimante multifonction laser couleur : une Samsung Xpress C460W.
Pas de nettoyage, pas de perte. Rien ne se perd en laser. Vous pouvez ne rien imprimer pendant des mois ; l’imprimante ne s’en souviendra pas et vous fera la fête comme si elle vous avait quitté la veille.
Résumons :
Bref, le jet d’encre concerne surtout ceux qui ont besoin d’imprimer des photos ; et qui n’auront pas la patience ou l’envie de commander leurs tirages ou leurs livres photo en ligne.
Si aujourd’hui la plupart des fabricants, comme Epson, renforcent leur position sur le jet d’encre et tentent de convaincre les consommateurs que la technologie laser est arrivée à maturité, force est de constater que le sentiment de gaspillage d’encre avec la technologie jet d’encre est bel et bien fondé.
Si les imprimantes laser demeurent plus chères à l’achat, elles peuvent néanmoins, sur le long terme, se montrer plus économiques.
Si l’expérience vous tente, nous vous avons sélectionné 4 modèles issus de notre comparatif d’imprimantes laser multi et monofonction en couleur et monochrome parmi les plus abordables dans leur catégorie.
Co-fondateur des Numériques en 2004, directeur des rédactions du groupe.
Journaliste Maison. Grande amatrice de café, elle est à l’affût des solutions connectées.
L’inflation a durement frappé notre quotidien en 2022 et cette perte de pouvoir d’achat perdurera cette année. Dans ce contexte, où place…
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