Kounsitel, un peu plus de 18 000 habitants est une paisible bourgade et l’une des sept communes rurales de la préfecture de Gaoual située au nord-ouest de la Guinée, à un peu plus de 378 km de Conakry. Ancrée dans le Fouta Djallon, la localité relève de la région administrative de Boké. La pluviométrie annuelle oscille autour de 1.900 mm, ce qui fait de la localité une zone agricole par excellence. Justement, les populations de la sous-préfecture de Kounsitel sont à cheval entre l’élevage qui est la principale activité de la contrée, et est reconnue d’ailleurs comme étant la première en Guinée en la matière et les activités agricoles et commerciales. Le sous-sol de la préfecture de Gaoual recèle d’importants gisements de bauxite, de fer. Des indices de cuivre, de zinc, d’étain, de nickel, de cobalt, d’arsenic, de mercure ainsi que de l’or ont été décelés. Toutes ces réserves du sous-sol restent encore non exploitées.  À part quelques sociétés en phases de prospection ou de développement comme Alliance Mining Commodies (AMC), rien d’impressionnant, une préfecture guinéenne classique au sous-sol riche, à cheval entre le Fouta Djallon et la côte maritime. Mais la vie des paisibles populations de la bourgade de Konsitel va basculer le 4 juin 2021. Retour sur la fièvre inédite de l’or qui s’est emparée des Guinéens ces derniers jours et qui a propulsé à tort ou à raison Gaoual sur la scène nationale en tant que préfecture aurifère.
Une déferlante humaine, un raz-de-marée, une razzia, un envahissement, etc…aucun superlatif n’est de trop pour restituer avec exactitude les événements qui se déroulent en ce moment même dans cette localité depuis une dizaine de jours. Une information qui a circulé comme une trainée de poudre via les réseaux sociaux et à travers le bouche-à-oreille, annonçant la découverte d’une nouvelle mine d’or à « Kounsitel » a provoqué une déferlante humaine sans précèdent. En l’espace de 72 heures, plus de 8.000 personnes avaient rallié la localité. Venues de tous les horizons, principalement des préfectures de la haute Guinée: Kankan, Kouroussa, Dinguiraye, Mandiana, et particulièrement Siguiri qui abrite une autre mine artisanale tristement célèbre dans la localité de « Kintinian » dans la préfecture de Siguiri où le drame environnemental, humain et social se passent de commentaire, avec des conséquences sur la scolarisation des jeunes garçons et filles, la prostitution, la contrebande, le crime, la propagation du VIH/SIDA, et d’autres maladies sexuellement transmissibles, etc…d’autres viennent de Mamou en moyenne Guinée, de Kindia, de Boké, de Kamsar (cité industrielle abritant la CBG) en basse Guinée…bref toute la Guinée est représentée. Ces chasseurs d’or qui ont parcouru pour certains des centaines, voire des milliers de kilomètres (Sénégal, Mali, Guinée Bissau, Burkina Faso, Sierra léonais, etc…) ne reculent devant rien.
Les autorités débordées par l’ampleur de la vague migratoire  
N’étant pas préparées à une telle déferlante, les autorités administratives de la région de Labé où transitent par jour des milliers de chasseurs d’or qui foncent sur des motos, minibus et camions sur « Kounsitel » ont tellement été débordées qu’elles ont érigé des checkpoints à l’entrée de la ville, en mettant à contribution les militaires du camp ‘’Alpha Yaya Diallo’’. On a même assisté à une crise de leadership administrative entre le gouverneur de la région militaire de Boké d’où relèvent Gaoual et la sous-préfecture de « Kounsitel » et le gouverneur de région militaire de Labé par où transite l’essentiel des vagues d’arrivants. Ce qui révèle une certaine panique dans la gestion de la crise actuelle. Mieux, « kounsitel » aiguiserait la convoitise même des plus hauts placés. 
C’était sans compter sur la détermination des chasseurs d’or d’un autre genre qui grossissaient les rangs des premiers arrivants et qui n’étaient nullement impressionnés par ces checkpoints. Complètement débordés, les militaires vont finalement laisser la déferlante humaine continuer sa route vers la mine de « Kounsitel ». Les autorités guinéennes n’ayant pas réagi au départ de cette folie de l’or se sont retrouvées très rapidement submergées par l’ampleur de la vague migratoire et n’ont trouvé finalement d’autres moyens que de déployer des unités militaires dans la zone et d’annoncer la fermeture de la mine qui ressemblait déjà en l’espace de 24 heures en un véritable champ de bataille: terres décapées, l’environnement et les champs dévastés et mise en sens dessus- dessous, bétail volé, etc… Sur le plan social, le cours de la vie de la paisible bourgade a basculé en l’espace de quelques heures: absentéisme dans les écoles, désertion du commerce au centre-ville pour la « mine », explosion du coût du transport, hausse du prix des denrées de consommation, etc…tous les ingrédients du chaos et de l’anarchie avec leurs corollaires y sont réunis. De mémoire de Gaoualkas, ils n’avaient jamais vu cela. La dernière fois que la préfecture de Gaoual a connu autant d’attention et a fait la Une de tous les médias, c’était en 1983, la zone autour de Gaoual et Koumbia avait alors vécu un tremblement de terre d’une magnitude de 6° environ sur l’échelle de richter. 143 morts y avaient été recensés. Le pire événement sismique de l’histoire récente de la Guinée.
Menaces d’ordres sanitaires et sécuritaires
Près d’une semaine après le début de cette ruée incontrôlée et sauvage vers l’or,  » Kounsitel  » ressemble aujourd’hui à un  » No Mans land ». Le premier bilan fait état de 6 morts et plusieurs blessés (causés par des accidents). Les habitants exaspérés se plaignent de la disparition de leur bétail, de leurs champs dévastés et de toutes les conséquences liées au bouleversement de la vie sociale à « Kounsitel » par l’arrivée incontrôlée de milliers de personnes en un temps record, et qui ont investi tous les coins et recoins de la contrée et dorment partout dans la ville à même le sol.
L’arrivée d’une marée humaine dans un contexte de double crise sanitaire (COVID-19 et résurgence Ébola) en violation de toutes les règles les plus élémentaires en matière des gestes barrières, représente un gros camouflet pour l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire (ANSS), engagée sur un double front dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 et la résurgence d’Ébola au sud-est du pays. Alors que la Guinée a enregistré, ces derniers mois, des résultats encourageants qui ont amené les autorités à rouvrir les établissements publics comme les hôtels et restaurants, le taux de contamination risque de repartir à la hausse. Kounsitel a vu déferler sur elle l’équivalant de la moitié de sa population, provoquant une surpopulation aux conséquences humanitaires inquiétantes, car la petite bourgade n’a non seulement pas la capacité hospitalière pour la prise en charge de ces milliers de mineurs, encore moins de la capacité immobilière pour loger tout le monde. Le risque sanitaire est alarmant, car ce sont encore des milliers de personnes qui restent bloquées dans cette localité, refusant de retourner d’où ils viennent et parfois d’obéir aux injonctions des autorités de sursoir à l’exploitation de l’or et qui s’entêtent dans la clandestinité.
Par ailleurs, l’arrivée incontrôlée de ressortissants étrangers venant, entre autres, de la Côte d’ivoire et du Burkina Faso, pour opérer dans les mines guinéennes est perçue comme un véritable risque sécuritaire pour la Guinée. Des pays en proie aux attaques djihadistes de l’État islamique ou de Boko Haram et d’Alqaida au Maghreb islamique. L’inquiétude des populations locales est liée aux mouvements incontrôlés qui sont propices aux infiltrations. La haute Guinée étant déjà suffisamment confrontée à ce genre de situation. Engagée au Mali au sein de la Minusma dans la lutte antiterroriste, la Guinée jusque-là épargnée joue avec le feu en minimisant l’arrivée incontrôlée d’étrangers sur son sol qui peut constituer pour elle un réel risque sécuritaire.
Le troisième risque lié à cette fièvre de l’or sans précédent qui s’est emparée de « Kounsitel » est le risque d’affrontements entre communautés autochtones et les chasseurs d’or perçus par les populations locales, selon les témoignages des populations locales, comme des envahisseurs ne respectant aucun principe. Détruisant champs de plantation, volant le bétail et désorganisant le cours normal de leur vie et de leurs activités qui sont l’élevage, l’agriculture et le commerce. Plusieurs accrochages y ont déjà été signalés.
Gestion judicieuse de la crise
Les autorités guinéennes au plus haut niveau doivent prendre des mesures urgentes afin d’annihiler ces risques pour éviter un engrenage qui pourrait déboucher sur des situations incontrôlables. Fermer momentanément la mine et déployer l’armée, la gendarmerie et la police, est une première étape mais elle est insuffisante. Il faudrait organiser et prendre en charge le rapatriement dans leurs localités respectives, des déplacés qui, pour la plupart y ont laissé toutes leurs économies, après éventuellement leur contrôle systématique pour identifier les personnes sur place. Le maintien de leur campement sauvage et de fortune et la réouverture de la mine devraient être exclus pour le moment. Le temps pour le gouvernement de rapatrier les déplacés et de prendre le contrôle du site afin d’évaluer la faisabilité et les risques liés à l’ouverture d’une mine artisanale dans cette localité pour ne pas répéter les mêmes erreurs qu’à « kintinian » dans Siguiri. La sensibilisation doit être un élément clé de cette reprise en main.
S’il faut ouvrir la mine à l’exploitation artisanale, il faudrait prendre le temps d’organiser, d’analyser et d’inclure dans le plan de réouverture tous les aspects, notamment sécuritaires, l’impact sur la vie sociale locale, l’éducation et surtout la pertinence de la cohabitation entre les activités agricoles, d’élevages qui représentent les principales activités des habitants de la préfecture de Gaoual et la mine de « Kounsitel » en question.
Plus globalement, le gouvernement guinéen devrait veiller à l’application des textes réglementant l’exploitation des mines artisanales qui, pour le moment, ressemblent à des fars west américains.
Je suis Mamadou Aliou Diallo, journaliste- Blogueur, Web activiste et acteur de la société civile (ONG). Diplômé de l’ISMGB (Institut supérieur des Mines et Géologie de Boké) avec une licence en Génie Traitement- Métallurgie; Formation en Communication et journalisme à JMJ-Communication, Administrateur du site Guinée économie et signe pour le site d’informations en ligne Guineeconakry.info (GCI), un site distingué à plusieurs reprises, meilleur site internet Guinéen, cité et référencé par plusieurs médias internationaux.








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