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by Houssen Moshinaly · Published · Updated

La Gig Economy alias l’économie « collaborative » qu’on devrait remplacer par l’économie des petits boulots est en train de refondre complètement le secteur de l’emploi. Un rapport qui porte sur une analyse de 3 ans sur plus de 456 travailleurs indépendants intégrés dans la Gig Economy conclut que même s’il y a des retombées positives, les impacts négatifs sont nombreux avec les travailleurs des pays pauvres qui entrent dans ce secteur en augmentant la discrimination, les salaires de misère et des conditions insoutenables au travail.
Le rapport a été mené par des chercheurs de l’université d’Oxford, le Gordon Institute of Business Science (GIBS) et l’université de Pretoria. Le premier auteur est le professeur Mark Graham avec les co-auteurs Vili Lehdonvirta et Helena Barnard et des contributions par Dr Isis Hjorth et le Dr Alex J. Wood.1 Le rapport a permis aux chercheurs de mener plus de 153 interviews de 456 travailleurs indépendants de la Gig Economy dans le monde entier afin de déterminer les effets positifs et négatifs de cette économie des petits boulots qu’on promeut affectueusement comme l’économie collaborative ou du partage. L’objectif du rapport est de déterminer si la Gig Economy permet de réduire la pauvreté dans les pays pauvres afin que les législateurs, les plateformes de mise en relation ainsi que les travailleurs puissent prendre les décisions nécessaires afin d’améliorer les conditions de travail.
Dans sa définition, une Gig Economy se caractérise par des emplois temporaires où le concept des emplois stables et à durée indéterminée n’existe plus. Les travailleurs de tous les pays doivent se faire concurrence dans une économie sans frontière. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Il est vrai que la Gig Economy est surtout symbolisé par des entreprises comme Uber et Airbnb, mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg, car une grande partie de l’économie des petits boulots est souterraine.
Sommaire
L’apparition de la Gig Economy est intimement liée au développement d’internet et aux plateformes en ligne. On pense que cette économie est assez récente, mais son origine date déjà des années 1980 lorsque des entreprises américaines telles qu’American Express et General Electrics ont commencé à sous-traiter certaines tâches en Inde. Ces premières initiatives ont façonné radicalement la Gig Economy et les plateformes qui ont suivi, mais également les travailleurs qui voulaient entrer dans cette économie se sont mis à suivre aveuglément ces premières directives sans déterminer si elles étaient rentables pour les entreprises et les travailleurs.
Avec la panique générée par le bug de l’an 2000, de nombreuses entreprises classées dans la liste de Fortune 500 se sont mises à délocaliser furieusement en Inde en estimant que les tâches, qui ne nécessitent pas de compétences pointues, pourraient se développer même dans des environnements instables. L’Inde a été la pionnière et elle garde toujours la course en tête grâce à des facteurs qui attirent continuellement de nombreuses entreprises. On peut citer son passé colonial, une libération par le gouvernement et le talent nécessaire à très bas cout. Si aujourd’hui, on surnomme la Chine comme l’atelier du monde, au début de la Gig Economy, on surnommait l’Inde comme le Back office du monde.
Mais une demande crée forcément de l’offre et les personnes les plus talentueuses peuvent prétendre à de meilleurs salaires. L’idée est que si un pays attire suffisamment la Gig Economy, alors les salaires, très bas au départ, vont progressivement augmenter en permettant à des personnes pauvres d’améliorer leurs conditions de vie. Ça, c’est ce que vous voyez dans les brochures officielles des entreprises et des plateformes qui vous promettent monts et merveilles sur le plaisir et le luxe de travailler de chez soi. Mais la réalité est bien différente. À mesure que les salaires commençaient à monter en Inde et que les travailleurs indiens, devenaient plus expérimentés et talentueux, les entreprises, toujours à la recherche de bas prix, ont commencé à recruter dans d’autres pays de l’Asie tels que le Vietnam, le Cambodge, mais également l’Indonésie et la Malaisie qui sont devenues des places centrales pour trouver des travailleurs que les entreprises peuvent payer une misère pour une tâche d’une qualité optimale.
Les pays en Afrique subsaharienne sont des nouveaux venus dans la Gig Economy. Parmi les principales raisons qui expliquent ce retard, on avait le manque de la connexion et des prix exorbitants si elle était disponible. Mais à partir de 2012, de nombreux câbles de fibre optique ont relié l’Afrique au reste du monde. Cela a permis de populariser l’internet sur mobile, mais également à l’ouverture de centres de délocalisation avec des prix qui étaient encore plus bas que ceux pratiqués en Asie.
Dans le même temps, les travailleurs en Afrique ont commencé à se former aux nouvelles technologies et ils ont compris l’intérêt de la Gig Economy sur le court terme, mais sans réfléchir sur le long terme. Étant donné que de nombreux pays africains sont frappés par des crises politiques, économiques sans oublier une monnaie locale qui ne vaut rien, le fait de travailler, même pour des cacahuètes, mais qui sont payés en dollar ou en euro, attirent de plus en plus de travailleurs vers cette économie de petits boulots. Notons que la Gig Economy débarque dans tous les pays et ainsi, on estime que 33 % des Américains utilisent déjà une forme de Gig Economy, soit avec plusieurs emplois partiels, soit avec un seul pendant leur période de chômage. Et le nombre va augmenter puisque le PNUD estime qu’il y aura environ 1 milliard de personnes qui vont entrer dans le marché du travail dans les 3 prochaines années et la majorité viendra soit des pays émergents ou pauvres.
Parmi les plateformes les plus connues de la Gig Economy, on a des leaders comme Uber, Airbnb, Lyft, mais également des secteurs beaucoup plus importants, mais totalement souterrains que ce soit l’administration, la création de contenu via la traduction, la comptabilité, etc. En fait, on peut trouver tous les emplois possibles dans la Gig Economy. Dans ces secteurs souterrains, on a de grosses plateformes comme Upwork, Fiverr, Freelancer.com ou Guru.com.2 3 4
Mais le principe d’une plateforme de Gig Economy est identique indépendamment du secteur. Au coeur, c’est un service de mise en relation entre le client et l’employé indépendant. Contrairement à ce qu’on pense, la Gig Economy révolutionne la manière dont on conçoit le concept du travail. Il n’y a pas de poste ou de tâches dédiées, car le travailleur devra porter plusieurs casquettes selon les offres. Par exemple, un travailleur peut effectuer une tâche temporaire pour créer un logo ou la modification d’une photo. Dans un poste d’emploi standard, cette tâche serait pour un infographiste de photoshop, mais dans les petits boulots, ce n’est qu’une facette parmi des dizaines d’autres du travailleur indépendant. Le résultat est que les travailleurs sont souvent confrontés à des tâches répétitives comme l’entrée des données et le meilleur exemple est le service Amazon Mechanical Turk.5
Dans le rapport, on apprend qu’il y a 3 types des plateformes de la Gig Economy. La première est ce que les auteurs appellent la plateforme à doubles enchères. Ensuite, on a la plateforme du vendeur/acheteur et enfin, on a les plateformes dédiées aux mécanismes de gestion du travail. La principale différence entre ces plateformes est leur taille. Fiverr est le meilleur exemple d’une plateforme à doubles enchères où le client comme l’employeur peut choisir et publier l’offre qui lui convient. Ainsi, le client peut devenir un travailleur et vice-versa. Dans Fiverr par exemple, un employé peut utiliser l’argent qu’il a gagné pour acheter d’autres offres sur la plateforme en offrant un mécanisme circulaire. La plateforme vendeur/acheteur pourrait s’apparenter à Upwork, Freelancer ou Guru où on a le travailleur d’un coté qui publie ses compétences et de l’autre côté, on a les clients qui postent des annonces. Enfin, dans la plateforme de gestion des tâches administratives, c’est l’entreprise qui alloue les différentes tâches et on peut citer Mechanical Turk.
Les algorithmes d’évaluation sont le pilier de la Gig Economy. Dans les plateformes telles qu’Upwork ou Fiverr, le client et le prestataire peuvent se noter mutuellement et cette note est tellement importante qu’il y a des disputes fréquemment si une note est légèrement basse. En 2015, cette dispute est allée tellement loin qu’elle a débarqué devant un tribunal opposant un client et un prestataire sur Fiverr. Si dans Upwork ou Freelancer, la note est importante, il y a également d’autres évaluations telles que la rapidité d’une réponse ou le taux de refus d’un emploi, Fiverr propose une évaluation très inégalitaire. Un prestataire qui a 50 avis positifs, mais un seul avis négatif, peut perdre une étoile donnant l’impression que c’est un mauvais prestataire.
Sur Upwork, c’est la performance globale qui est évaluée avec le nombre d’heures de travail, le prix moyen par heure et le revenu global. En soi, l’évaluation fait partie du monde du travail, mais cela crée un système pyramidal où les mieux notés reçoivent toujours plus d’offres d’emploi alors que la Gig Economy est promue comme une économie du partage où chacun possède les mêmes chances. L’évaluation est tellement cruciale que le rapport estime qu’elle est un levier qui permet de contrôler les travailleurs et les clients dans un système qui fait courir plus de risques aux travailleurs. Et on a un effet pervers immédiat, car le travailleur mieux noté, va obtenir beaucoup plus d’offres et il va être surchargé de travail ce qui va baisser sa qualité et donc, sa note par la même occasion. Ce système pourrait créer une sorte d’alternance où tout le monde pourrait être mieux noté, mais le fait est que cela crée une baisse globale de la compétence et de la qualité puisque tous les mieux notés subissent une charge de travail plus lourde et c’est donc toute la qualité globale qui baisse. De plus, les personnes qui ont une faible note vont uniquement recevoir les tâches les moins payées et ingrates ce qui baisse encore plus la compétence et la motivation.
Selon la Banque Mondiale, la Gig Economy et d’autres types d’emplois émergents sont une « alternative prometteuse » à l’emploi traditionnel. Certains gouvernements soutiennent même ce type d’économie avec le Nigeria qui a lancé une initiative appelée Microwork for Jobs Creation pour aider les travailleurs à gagner de l’argent à domicile.6 Toutefois, on n’a aucune preuve que la Gig Economy, aide réellement les personnes à améliorer leurs conditions de vie même s’ils bénéficient d’une stratégie nationale.
Le rapport a interrogé 125 travailleurs et 27 acteurs dans les plateformes de la Gig Economy. On avait 45 participants de l’Asie du Sud-ouest et 80 provenant de l’Afrique subsaharienne. On a plus de 456 travailleurs qui ont participé à des sondages en ligne de l’Asie et de l’Afrique. Cet échantillon n’est pas représentatif puisqu’il est très difficile de déterminer un profil particulier sans oublier que les chercheurs avaient uniquement accès aux profils publics sur ces plateformes. Une autre source de données est les transactions et les revenus qui ont été fournis anonymement par une plateforme qui est leader dans son secteur.
Selon les données du sondage, les plateformes de la Gig Economy peuvent être une source importante de revenus. 68 % des personnes ont répondu que ce type d’emploi était une source importante ou très importante pour boucler leurs fins du mois. Une minorité de travailleurs (le pourcentage n’est pas disponible) a déclaré que le revenu mensuel leur permettait d’améliorer leurs conditions de travail telles que se payer un logement plus décent ou payer une assurance maladie privée. Ainsi, une personne nommée Angel des Philippines a déclaré que le revenu de la Gig Economy lui permettait de payer son loyer, de nourrir ses enfants et de payer la plupart de ses factures.
En effet, dans certains cas, la Gig Economy peut être rentable puisque les offres locales de travail sont souvent moins payées à cause de la faiblesse de la monnaie locale, mais également du manque de débouchés par rapport à une offre mondialisée. On a parlé des tâches répétitives et ingrates, mais 53 % des travailleurs ont répondu que leurs emplois leur permettaient d’être créatifs et de ne pas tomber dans la monotonie. 13 % ont répondu que les tâches étaient souvent répétitives. Mais les travailleurs dans les pays émergents et pauvres ont répondu que leurs clients leur laissaient une bonne marge de manoeuvre et ainsi Victor au Nigeria nous dit que vous pouvez travailler avec qui vous voulez et quand vous voulez.
Évidemment, quand on entend les histoires à succès dans la Gig Economy, cela incite d’autres personnes à rejoindre le secteur en créant une offre supérieure à la demande. Les chiffres ci-dessous indiquent la main-d’oeuvre disponible dans chaque pays, le nombre de travailleurs présents dans la Gig Economy et le nombre de travailleurs disponibles.
Aux Philippines, on a 221 100 travailleurs potentiels pour 32 800 employés qui pratiquent la Gig Economy. Cela donne une offre supérieure de 188 300 personnes. En Malaisie, on a 11 900 travailleurs potentiels pour 500 travailleurs indépendants avec une offre supérieure de 11 400. Au Nigeria, la main d’oeuvre potentielle est de 7 000 personnes pour 200 personnes présentes et une offre supérieure de 6 800 personnes. On voit clairement que l’offre surpasse largement la demande ce qui crée une concurrence déloyale entre les travailleurs d’un même pays alors que le nombre de clients disponibles est beaucoup moins important. Le résultat est un rapport de force extrêmement inégalitaire avec les clients qui peuvent imposer des salaires de plus en plus bas à cause de la main-d’oeuvre disponible.
Les inégalités des revenus dans la Gig Economy selon les pays
Le rapport propose un graphique qui montre la rentrée d’argent de la Gig Economy selon les pays. La taille des cercles représente la rentrée d’argent et on voit clairement que les pays riches se taillent la part du lion. On pourrait croire que les pays comme l’Inde ou les Philippines sont aussi très présents, mais les salaires sont très inférieurs. Les couleurs des cercles centraux représentent le salaire moyen par heure. En vert, nous avons des salaires de 16 à 100 dollars par heure.7
Le violet représente des salaires de 10 à 1 dollar par heure. On voit que les pays pauvres sont dominés par les couleurs violettes et que l’Europe et les États-Unis sont les mieux payés. La Chine s’en sort également, mais le pays a basculé dans le marché des services avec de fortes incitations au niveau national.
Le principal problème de la Gig Economy est la précarité de l’emploi. À tout moment, le client ou la plateforme peut mettre fin au contrat ce qui une forme de licenciement sans aucun préavis ou filet de sécurité. Il arrive que le client puisse mettre fin au contrat sans payer ce qu’il doit au travailleur en prétextant une tâche mal terminée ou qui ne respecte pas les demandes et les plateformes prennent souvent le parti des clients. C’est surtout valable sur Upwork ou Freelancer, mais dans le cas de Fiverr, les travailleurs sont un peu moins lésés puisqu’ils doivent payer en avance. Cependant, le client peut détruire la réputation du travailleur en donnant une évaluation très faible.
Dans le rapport, 43 % des travailleurs estiment qu’ils sont facilement remplaçables et qu’ils peuvent être licenciés du jour au lendemain. Les plateformes ne font rien pour réduire cette précarité et elles prétendent qu’il est facile de trouver un autre emploi. Il est vrai que cela arrive, mais c’est assez rare et surtout que l’employé est obligé de sauter d’un petit boulot à un autre en n’ayant aucune sécurité sur l’avenir.
Le problème des bas salaires et de la précarité de l’emploi est bien connu dans la Gig Economy, mais on a peu parlé de la discrimination systématique. Les plateformes et les promoteurs de la Gig Economy prétendent qu’un travailleur au Nigeria peut accéder aux mêmes clients que le travailleur à New York. Les données du rapport n’indiquent pas une discrimination systématique, mais elle existe sous plusieurs formes. En effet, plusieurs travailleurs dans les pays pauvres rapportent qu’ils n’ont pas accès à certaines tâches à cause de leur origine. Ainsi, Moise à Nairobi a déclaré qu’il est obligé régulièrement de changer la localisation géographique dans son profil, par exemple, en Australie ou en Allemagne, pour que les clients le contactent.
On a cette idée répandue chez les clients des pays riches que les travailleurs des pays pauvres sont forcément médiocres. Cependant, cette discrimination est réduite si le travailleur a une bonne évaluation. Toutefois, cela crée un handicap significatif pour les nouveaux venus dans la Gig Economy qui vont uniquement recevoir les salaires les plus faibles et une précarité maximale de l’emploi.
Une autre forme de discrimination est sur le plan financier. Dans les pays riches, les paiements en ligne ne sont pas un problème, car on a une homogénéité entre les banques avec des virements qui coutent très peu ou qui sont gratuits. Dans d’autres cas, on a des services Paypal qui sont intéressants. Mais les travailleurs des pays pauvres sont doublement pénalisés puisqu’ils n’ont pas accès à Paypal qui pratique régulièrement un racisme financier (il n’est pas présent dans les pays pauvres), mais surtout que les commissions des frais bancaires sont très élevées. Ainsi sur Freelancer, le virement bancaire international coute 15 dollars et la plateforme prélève 3 % sur chaque contrat.8 Mais sur Upwork, le virement bancaire international coute 30 dollars et la plateforme prélève 20 % de commission ce qui est le plus élevé à notre connaissance.9 Guru.com propose une commission de 9 dollars sur les virements bancaires.10 Ce qui est intéressant est qu’Upwork est le plus populaire chez les travailleurs des pays pauvres et on voit qu’il ponctionne le maximum. Avec une commission de 20 % sur chaque contrat et un virement de 30 dollars, le travailleur dans les pays pauvres perd déjà la moitié de ce qu’il gagne. En revanche, les travailleurs de la Gig Economy en Europe et aux États-Unis bénéficient d’un virement bancaire local qui est gratuit. Une discrimination de plus entre les pays riches et pauvres loin des promesses d’égalité de cette forme de travail.
Quand vous vous documentez sur la Gig Economy, vous allez souvent voir les promesses merveilleuses du télétravail. Vous pouvez travailler quand vous voulez et il n’y a pas d’horaire précis à respecter. Cependant, l’isolement social est un fait majeur de la Gig Economy avec 73 % des travailleurs qui souffrent d’un isolement social modérée ou grave. De plus, les clients dans les pays riches sont dans des fuseaux horaires différents et on a également l’isolement social par rapport à d’autres travailleurs. La Gig Economy est un secteur éparpillé dans tous les sens où les travailleurs et les clients sont dans leur coin et laissé à eux-mêmes.
Cet isolement social crée un manque de solidarité ce qui fait que les travailleurs ne peuvent pas s’unir collectivement pour dénoncer les abus des plateformes ou de certains clients. 94 % des travailleurs de la Gig Economy ne font pas partie d’un syndicat et ils connaissent très peu de choses sur les droits du travail.
Dans la Gig Economy, la surcharge du travail est très fréquente, car 55 % des personnes estiment qu’ils sont toujours très serrés sur les délais. 22 % ont répondu qu’ils avaient des douleurs et des problèmes de santé à cause de la surcharge du travail. Certaines personnes travaillent jusqu’à 80 heures par semaine pour un salaire de 3,5 dollars par heure. D’autres sont obligés de travailler la nuit. En effet, une partie de la Gig Economy concerne des emplois partiels. On possède un emploi local pendant la journée, mais on travaille également 5 à 6 heures pendant la nuit.
On a également l’opacité sur l’interaction entre le client et le travailleur. 70 % des travailleurs ont répondu qu’ils ne connaissaient pas du tout leur client et qu’ils voudraient le connaitre un peu plus pour éviter les mauvaises surprises. Oui parce que les plateformes en ligne ne sanctionnent pas les mauvais clients ou les arnaqueurs qui continuent à sévir sur la plateforme. Le problème du travail gratuit est un problème majeur sur Upwork où des clients font semblant de tester la « compétence l’employé », mais dès que les tests sont terminés, le client disparait sans laisser de trace. Upwork ou Freelancer interdisent formellement ces pratiques, mais un travailleur aux abois est prêt à tout pour décrocher le contrat. Ce manque de transparence est également fiscal avec 32 % des travailleurs qui ne savent pas s’ils paient correctement leurs taxes et 34 % ont répondu qu’ils n’en payaient aucune.
Un autre phénomène propre à la Gig Economy est l’intermédiation qui est une conséquence directe de l’importance fondamentale de l’évaluation. Si un travailleur possède les meilleures notes, alors il va obtenir le maximum d’offres, bien plus qu’il ne pourra jamais gérer. Le résultat est qu’il va recruter d’autres travailleurs à son tour pour sous-traiter la tâche.
Une grande partie des prétendus travailleurs sur ces plateformes sont en réalité des intermédiaires qui travaillent pour d’autres intermédiaires qui passent par d’autres intermédiaires pour arriver au client. En fait, certaines personnes créent des entreprises en sous-traitant les tâches volumineuses au maximum de personnes en divisant le salaire par 10 ou par 20. Ainsi, il peut arriver que le client donne 10 euros pour un travail d’écriture, mais que le travailleur ne soit payé que 2 euros à cause de l’intermédiation. L’expérience de Maya, une rédactrice web, en est un parfait exemple. Et elle raconte qu’une grande partie de ses « clients » sont des intermédiaires. Un jour, elle postule pour une offre d’emploi d’écriture SEO qui proposait 50 dollars. Elle propose un prix de 25 dollars pour attirer le client. Le client a préféré choisir un autre travailleur, beaucoup mieux noté, alors qu’il demandait 75 dollars (Une augmentation du prix de 50 % pour le travailleur mieux noté). Ce travailleur mieux noté a refilé le boulot à Maya pour 7,5 dollars.
Ce rapport est très intéressant, car il révèle les avantages et les inconvénients de la Gig Economy. Certes, on a de nouvelles opportunités de travail, mais on voit également que les inconvénients surpassent largement les avantages. Parmi les questions qu’on peut poser aux plateformes et aux décideurs de la Gig Economy, on peut se demander sur l’utilité d’afficher la nationalité dans le profil. Dans l’emploi traditionnel, on a déjà des débats pour supprimer le genre d’une personne dans le profil pour éviter les discriminations de genre et on pourrait appliquer la même problématique à la nationalité.
Ensuite, est-ce qu’on doit implanter des contrats plus officiels pour les travailleurs ? La promesse de la Gig Economy est de donner sa chance à tout le monde, mais on voit que les plateformes, les contrats, les prix sont largement défavorables aux employés qui subissent toutes les modifications sans aucune possibilité de contestation. Dans le même temps, les travailleurs ne peuvent pas protester collectivement contre des options implémentées sans leur consentement. Dans la plupart des cas, les plateformes mettent leurs travailleurs devant le fait accompli.
Est-ce que les gouvernements doivent légiférer sur la Gig Economy ? C’est sans doute la question la plus importante. Une possibilité est que les plateformes obligent les clients à respecter les lois de leur pays d’origine plutôt que de se baser sur l’opacité du web. Il est évident que les droits des travailleurs sont moins efficaces dans les pays pauvres et un respect de ces droits selon les pays riches pourrait changer la donne.
Est-ce que les gouvernements doivent limiter le monopole des plateformes de la Gig Economy ? Les plateformes de la Gig Economy deviennent de plus en plus puissantes et ce monopole pénalise à la fois les clients et les travailleurs. Le meilleur exemple est lorsqu’Elance a racheté Odesk pour devenir Upwork. En l’espace de quelques mois, la qualité des clients et les prix ont baissé en sanctionnant énormément les travailleurs. On a également le verrouillage des données. Si un travailleur a d’excellentes notes sur une plateforme, alors il doit pouvoir exporter ses données sous un format ouvert pour les utiliser sur une autre plateforme afin de ne pas recommencer à partir de zéro.
Le gouvernement pourrait financer les plateformes pour qu’elles créent des fonds collectifs sur l’assurance maladie ou d’autres protections pour les travailleurs. On a également un besoin urgent de forums ou de groupes de discussion pour permettre aux travailleurs de faire entendre collectivement leurs voix. Aujourd’hui, le rapport de force est clairement en défaveur des travailleurs et la précarité va augmentant en appauvrissant encore plus les pays pauvres si on ne fait rien.
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Houssen Moshinaly

Rédacteur en chef d’Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.
Blogueur et essayiste, j’ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd’hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J’ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.
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La Gig Economy n’est que le reflet de notre société mondialisée: le nivellement par le bas, le profit sur les bas salaires, la destruction de l’économie, des acquis sociaux, voulu par un capitalisme jamais repus…
[…] pensons à une main-d’œuvre décentralisée, dépourvue de contacts humains réguliers et de travail continu. Pourtant, cette perspective contraste avec les représentations optimistes qu’on peut avoir […]Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *







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