DMP : ces annonceurs qui ont préféré faire marche arrière Problèmes de volume de données, absence de vision ou structure inadéquate… Créer une data management platform n’est pas de tout repos. Et certains annonceurs s’y sont cassés les dents.
Le sujet est à la mode depuis plusieurs années. Un annonceur à la pointe de la technologie se doit de posséder sa propre DMP pour gérer sa data, au risque d'être "has been". C'est du moins le discours relayé par les experts, conférenciers et médias spécialisés… A l'heure du bilan, le verdict est pourtant moins évident.
D'un côté, les tables-ronde à l'EBG, l'Udecam, l'IAB etc. au cours desquelles tous les annonceurs qui s'y sont mis expliquent à quel point l'expérience est une réussite. De l'autre : une réalité moins reluisante, avec des projets restés en stand-by quand ils ne sont pas carrément abandonnés. Difficile pour autant de trouver des annonceurs prêts à témoigner de leurs difficultés sur le sujet. C'est bien simple, le JDN n'en a convaincu aucun. "Assumer ce genre d'échec revient à reconnaître que le comité exécutif ou le CDO s'est complètement planté", pointe Xavier Cardon. Si le directeur associé de l'agence data Sutter Mills comprend le mutisme des marques, il a tout de même accepté de partager les retours d'expérience d'annonceurs qui n'auraient pas dû y aller.
Premier exemple avec cet annonceur du secteur de la grande conso qui, en 2014, a voulu être capable de développer une relation directe avec les consommateurs. Une relation jusque-là gérée par des intermédiaires retailers et e-commerçants. "Problème, les marques de ce type ont un pouvoir d'attraction faible et ont du mal à attirer des visiteurs sur leurs espaces digitaux. En conséquence, cet annonceur avait très peu de volume de données à exploiter, et encore moins de données loguées", témoigne Xavier Cardon.
Pour Adobe, un segment d'audience de moins de 100 000 cookies n'a aucune valeur
Intervenu en pompier, Sutter Mills explique être passé après une société de conseil dotée d'une très bonne connaissance théorique de la DMP mais plutôt novice en ce qui concerne les problématiques média. Une société qui encourageait à la création de segments d'audience… avec 1 000 cookies et, cerise sur le gâteau, des créations spécifiques à chaque segment. Une hérésie quand on sait qu'un acteur comme Adobe explique qu'un segment d'audience qui comporte moins de 100 000 cookies n'a aucune valeur au sein de sa solution.
"Ce prestataire était incapable d'expliquer l'évolution des CPM et ne comprenait pas pourquoi il n'arrivait pas à baisser le coût de contact et augmenter le nombre de visites. Ce qui était pourtant logique vu le peu data qu'il détenait", s'étonne Xavier Cardon. Finalement, le projet a discrètement été abandonné. Coût du four : près de 1,2 million d'euros sur deux ans (300 000 euros de techno et 300 000 euros de conseil par an).
Le manque de data est le principal frein à ce type de projets. Un client de l'agence de data marketing fifty-five a connu le même désagrément. Moins téméraire que l'annonceur précédent, il avait décidé de tester gratuitement un dispositif pendant plus d'un an. "Nous étions chargés de définir des tactiques de communication mais n'arrivions à cibler que quelques centaines de milliers d'internautes. La faute à une base de données clients beaucoup trop maigre", se rappelle Pierre Harand, directeur général de fifty-five France.
Le sujet de la DMP pose un autre problème : celui de l'organisation technologique et humaine. Se lancer dans un projet aussi coûteux et impactant implique d'avoir les ressources nécessaires et d'être prêt à embrasser le changement. Une contrainte expérimentée par un client du conseil en big data Converteo qui avait 15 outils CRM différents… dans 15 pays. Un véritable casse-tête pour nourrir la DMP. "C'est indispensable de créer un référentiel unique et de procéder à la fusion de ses bases de données avant de se lancer sur un tel sujet", diagnostique Thomas Faivre-Duboz, directeur associé chez Converteo.
Même son de cloche du côté de Sutter Mills : un annonceur s'était lancé en 2015 avec une société de conseil dotée d'une vision très théorique du sujet sans avoir réalisé au préalable un audit du volume de données à sa disposition. "Ce projet manquait clairement de vision stratégique. Tout était parti d'une direction locale qui essayait d'exister et d'innover", explique Xavier Cardon. Finalement, la structure a été abandonnée au moment où le projet a été lancé au niveau monde. "La DMP, ce n'est pas qu'un socle technologique, il faut en connaitre la finalité", juge Xavier Cardon.
Lorsque le ROI de la DMP se trouve du côté de l'achat média, les annonceurs ont une alternative plus flexible (et moins coûteuse) au lancement d'un projet en interne : se reposer sur des technologies tierces. "C'est particulièrement vrai pour les annonceurs qui ont un petit budget et travaillent essentiellement avec Google et Facebook", confirme Thomas Faivre-Duboz. C'est le cas d'un de ses clients qui après un an de POC (proof of concept) s'est résolu à revenir aux solutions que lui proposaient les acteurs du marché. Il faut dire que Google et Facebook possèdent une data incomparable au moment de proposer à leurs clients de faire du reciblage, du prédictif et du croisement de bases de données. Même si au final cela revient à leur déléguer un sujet très stratégique. Sutter Mills et fifty-five ont eux aussi été confrontés à cette situation. "On a dit à un acteur du secteur des commodities que l'on pouvait déjà faire plein de choses avec son socle technologique existant", témoigne Xavier Cardon. 
"Après l'excitation des débuts, on est entré dans une nouvelle phase de l'histoire de la DMP"
"Après l'excitation des débuts, on est entré dans une nouvelle phase de l'histoire de la DMP. Certains annonceurs sont déçus et essaient de corriger le tir", poursuit Thomas Faivre-Duboz. D'autres continuent quant à eux d'investir mêmes si les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. "C'est dur d'en faire le deuil mais c'est important d'être lucide", estime Xavier Cardon.
Le bilan est néanmoins généralement positif, avec une majorité d'annonceurs qui ont réussi à avancer sur le sujet. "La data et son traitement restent un sujet fondamental. Même si tout n'est pas parfait, il vaut mieux éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain", estime Thomas Faivre-Duboz. C'est d'autant plus vrai que l'arrivée, en mai prochain, du règlement sur la protection des données imposera à tous les annonceurs d'être au point sur le sujet.
Le JDN organise à Paris un événement destiné aux professionnels de l'adtech et du martech pour répondre aux questions posées par le sujet du traitement de la data. Comment le marché de la DMP se structure-t-il, deux ans après la naissance des premiers projets. Où en est-on sur le sujet du CRM onboarding, le passage du offline au online ? Quelles contraintes va poser l'arrivée du règlement général sur la protection des données en mai 2018 ?
C'est notamment pour répondre à ces questions que le JDN organise l'événement "Personnalisation & DMP". Celui-ci se tiendra le 15 novembre 2017 à Paris.
S'inscrire : le site de l'événement "Personnalisation & DMP"

Le sujet est à la mode depuis plusieurs années. Un annonceur à la pointe de la technologie se doit de posséder sa propre DMP pour gérer sa data, au risque d'être "has been". C'est du moins le discours relayé par les experts, conférenciers et…
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