Jung Hae In et Goo Kyo Hwan embarquent pour un voyage au bout de l’enfer dans l’une des meilleures séries coréennes produites par Netflix.
Véritable électrochoc, D.P. a connu un succès global immédiat lors de sa sortie sur Netflix le 27 août 2021. Il faut dire que le scénariste et réalisateur Han Jun Hee, connu pour avoir dirigé le film Coin Locker Girl, n’y va pas par quatre chemins pour dépeindre le quotidien des jeunes hommes Coréens plongés pendant plus d’un an et demi dans l’épreuve du service militaire obligatoire. Le résultat, c’est un drama puissant et poignant qui, au-delà de la critique d’une institution, dénonce courageusement toute une culture de persécution.
Inspiré d’un webtoon publié en 2015 par Kim Bo Tong, D.P., ou Deserter Pursuit, suit le parcours du soldat An Jun Ho (Jung Hae In), qui vient d’intégrer l’armée pour effectuer son service militaire. A peine arrivé dans son unité, il se retrouve embauché par le lieutenant Park Beom Gu (Kim Sung Kyun) au sein de l’unité D.P., chargée de capturer les déserteurs.
Aidé du caporal Han Ho Yeol (Goo Kyo Hwan), Jun Ho va faire face lors de ses missions à des situations douloureuses, parfois tragiques, qui mettent en lumière le profond mal-être des jeunes appelés au sein de l’armée. Il n’est cependant guère aidé dans sa tâche par l’arrivée du capitaine Im Ji Seob (Son Seok Koo) qui semble plus préoccupé par son avancement que par les états d’âme de ses subordonnés.
Une chose est certaine : dès sa sortie, D.P. sera parvenu à provoquer de vives réactions de toutes parts, qui plus est pour des motifs variés. Pendant que la série devenait immédiatement tendance sur les réseaux sociaux coréens, les spectateurs occidentaux découvraient avec effarement les traitements réservés aux jeunes soldats coréens par leurs supérieurs. Parallèlement, l’enseigne de supérettes 7-Eleven déclarait vouloir intenter un procès à la production pour une scène montrant l’un de ses patrons en train de persécuter son jeune employé tout en le forçant à vendre des produits périmés. Même les médias nord-coréens auront apporté leur contribution au débat, profitant de l’engouement autour de la série pour fustiger la cruauté de l’armée sud-coréenne.
Face à ce coup de projecteur négatif porté à grande échelle sur l’institution, le Ministère de la Défense Nationale sud-coréen a seulement jugé bon de minimiser la chose, en prétendant que le drama se contentait de compiler les cas les plus extrêmes des quinze dernières années pour jouer la carte du sensationnalisme. Il semble pourtant que de nombreux jeunes hommes coréens aient largement reconnu leur propre expérience à travers les situations humiliantes vécues par les protagonistes du drama.
De manière habile, D.P. nous projette dès le début dans le feu de l’action, c’est-à-dire dans le stress du fameux entraînement de cinq semaines, réputé comme particulièrement éprouvant, qui précède le détachement de chaque soldat coréen dans sa future unité. On pourrait alors croire qu’il s’agit du moment le plus pénible enduré par notre héros et ses camarades durant les longs mois qui les séparent de la vie civile. La vérité n’est peut-être pas si simple.
Entre moqueries constantes, harcèlement moral et sexuel, et parfois même torture physique, D.P. dépeint en effet un climat de violence quotidienne où les brimades s’accumulent non pas sur le terrain, mais derrière les portes closes de la caserne. Et ce, dans l’indifférence générale.
La sécheresse du montage et la brutalité statique de certains plans (Jun Ho filmé de face en gros plan pendant qu’il reçoit stoïquement une claque à chacune de ses paroles) mettent l’emphase sur le caractère implacable de cette violence et sur le sentiment d’emprisonnement vécu par les victimes.
A ce titre, le réalisateur de cinéma Han Jun Hee, qui est aussi le scénariste de la série, montre qu’il a parfaitement saisi les possibilités offertes par le format de la série télévisée. Avec six épisodes seulement, D.P. repose sur une structure narrative compacte qui privilégie l’efficacité tout en s’attardant sur chaque personnage, afin de faire ressentir au spectateur l’injustice de la situation sans jamais lui donner envie de détourner les yeux.
La série devient plus captivante tandis que se succèdent les cas de conscience à l’égard des soldats qui ont tous déserté pour des raisons très personnelles. Parallèlement, la tension monte inexorablement à l’intérieur du camp où certains camarades de Jun Ho et Ho Yeol vivent également un enfer.  
Dans ce contexte, l’émotion nous étreint à chaque fois que défile le générique d’ouverture de la série sur la chanson Crazy de Kevin Oh et Primary, qui dépeint en accéléré la vie de ces anonymes depuis le berceau jusqu’au moment où ils intègrent l’armée sous le regard à la fois triste et confiant de leur mère et de leur père.
D.P. n’est pas la première œuvre à dénoncer les mauvais traitements infligés dans l’armée. Cependant, on reste frappé par le fait que cette violence reste déconnectée de tout apprentissage, à l’inverse du chef-d’œuvre Full Metal Jacket (Stanley Kubrick) où les Marines malmenés par leur hiérarchie sont sur le point de partir au front.
Si le drama se veut bien une critique de l’institution militaire, il laisse toutefois entendre que le phénomène pourrait trouver son explication dans la culture sociétale du pays. Dès les premières images, D.P. met en effet en perspective les souffrances des appelés avec la cascade de violence verbale qui s’abat au quotidien sur An Jun Ho. De la cliente désagréable au patron exploiteur en passant par le sergent méprisant, les insultes fusent à jet continu à destination de Jun Ho qui, dans sa vie civile comme dans à l’armée, tente pourtant d’accomplir consciencieusement la tâche qui lui est confiée.
Le réalisateur montre également comment la soif de persécution se transmet de bourreau en victime dans la hiérarchie militaire comme dans la hiérarchie confucianiste, dans une logique d’éternel recommencement, avec pour seul principe que le moins fort doit encaisser les coups sans rien dire. La force de D.P. est à ce titre de porter son message en restant centré sur l’humain, c’est à dire sans s’égarer dans l’idéologie.
Pour autant, D.P. n’essaie pas de choquer pour choquer. Le propos est sombre, mais pas plombant. Le duo improbable formé par Jung Hae In et Goo Kyo Hwan contribue notamment à apporter humour et profondeur à l’ensemble.
Plutôt connu pour ses rôles romantiques, notamment dans Something In The Rain et One Spring Night, Jung Hae In capture instantanément l’attention avec son regard à la fois perçant et candide, exprimant parfaitement les contradictions de ce personnage dont le calme olympien laisse parfois entrevoir une colère sourde.
Le charismatique Goo Kyo Hwan, révélé au cinéma dans le film Maggie et vu récemment dans Kingdom: Ashin of the North, apporte quant à lui une ironie mordante à son personnage, qui dissimule une certaine clairvoyance derrière ses airs de trouble-fête nonchalant.
La dimension très humaine de D.P. doit aussi beaucoup à Kim Sung Kyun, vu dans The Fiery Priest, qui incarne le chef protecteur de nos deux héros. Dans le rôle du supérieur ambivalent de ce dernier, Son Seok Koo retrouve pour la deuxième fois Han Jun Hee après le film Hit And Run Squad en 2019.
On reste également marqué par la prestation de Cho Hyun Cheol (The Lies Within) dans le rôle de Cho Suk Bong, ainsi que par les soldats croisés au détour des épisodes, joués par Kim Dong Young (Run On), Lee Jun Young (Imitation), Choi Joon Young (Tune In For Love) ou encore Go Kyung Pyo (Private Lives) dans un rôle surprenant.
Enfin, comment ne pas mentionner Shin Seung Ho (Moment Of 18), glaçant dans le rôle du commandant sadique Hwang Jang Soo.
L’ensemble est porté par une bande originale brillante produite par le génial Primary, remplie de titres planants et émouvants interprétés par Kevin Oh, HAN, Kriz ou encore OHHYUK.
Au vu des controverses suscitées par cette série choc, il apparaît évident que les plateformes en général, et Netflix en particulier, offrent aux créateurs coréens l’opportunité d’aborder certains sujets avec davantage de liberté que sur les chaînes TV nationales, sans craindre de déprogrammation injuste comme ce fut le cas sur SBS avec Joseon Exorcist au début 2021.
Espérons que les séries de la qualité de D.P. continueront de fleurir en grand nombre dans les années à venir.
Caroline Leroy
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