FIni le bleu, place au noir. Pour sa première prise de parole stratégique, Daniel Grieder, qui a quitté l’an dernier Tommy Hilfiger pour prendre la direction d’Hugo Boss en juin 2021, a opté pour un costume deux boutons noir sur une chemise blanche au col italien. ” Tommy est plus casual. Boss c’est l’excellence du formel.Ces derniers mois, j’ai ouvert mon armoire remplie de pièces Tommy Hilfiger à mes fils et mes amis. Maintenant j’ai un vestiaire complet en Hugo Boss”, souriait le dirigeant dans un échange digital avec la presse.
Le dirigeant suisse-allemand, qui a passé plus de 20 ans à la direction de Tommy Hilfiger et dans le groupe PVH, a officiellement rejoint le géant allemand de l’habillement en juin dernier. Parti du groupe américain à l’été 2020, Daniel Grieder a pu observer ces derniers mois l’impact de la pandémie sur le monde de la mode.
“Je dois dire que le monde est passé dans le digital. Cela a simplement commencé par toutes les réunions via les applications de réunions en ligne. Et les entreprises qui n’avaient pas déjà des bases digitales ont souffert dès le début plus que celles qui étaient déjà équipées. Je pense que spécifiquement dans la mode, si vous n’aviez pas déjà une configuration digitale permettant par exemple la création digitale des collections vous étiez vraiment en difficulté. Nous l’avions fait il y a des années avec Tommy Hilfiger et Hugo Boss s’était aussi équipé. Je pense que c’est un gros avantage face aux concurrents. Et enfin je crois enfin que la mode a changé en profondeur. Les gens sont allés vers des produits plus confortables, plus casual avec des matériaux plus agréables. Cette tendance est présente. Mais nous ne pensons pas que le formel est fini. En fait nous voyons que pour le travail ou les évènements, les gens font toujours un effort sur leur tenue. Mais dans l’ensemble, le vestiaire se fait plus casual”.
Des observations que le CEO a intégrées dans la nouvelle stratégie de Hugo Boss, présentée via une conférence digitale le 4 août. Car Daniel Grieder ne s’est pas pas limité à détailler les différences entre les costumes Tommy Hilfiger et Hugo Boss. Il a surtout analysé la situation et les opportunités pour le groupe allemand, se lançant dans une analogie sportive en cette année olympique. Il estime ainsi que pour Hugo Boss ” tout est déjà là. Il n’y a pas besoin de créer une nouvelle histoire. Nous devons débloquer le potentiel. Pour moi ceci est un come-back. C’est comme un athlète qui a été champion olympique. Vous pouvez avoir eu un moment difficile. Mais vous revenez pour reprendre une position de leader. Pour réaliser notre potentiel, nous devons toucher un plus jeune consommateur, nous devons améliorer la pertinence de nos marques, nous devons optimiser notre réseau de distribution. Nous avons à investir dans l’offre pour l’optimiser”.
Et le groupe allemand, qui avait vu ses ventes retomber sous la barre des 2 milliards d’euros en 2020 et son résultat opérationnel plonger dans le rouge de 236 millions, a affiché ses ambitions: passer la barre des 4 milliards d’euros de vente à la fin de son exercice 2025. Un chiffre d’affaires qui devra être accompagné d’un résultat opérationnel autour des 480 millions. “Nous voulons doubler notre chiffre d’affaires par rapport à 2020 en 2025 et passer les 5 milliards ensuite. Nous allons aussi retrouver un niveau de profitabilité autour des 12% de marge opérationnelle. Et pour cela nos opportunités ne sont pas sur une seule région, un seul canal de vente ou seulement le masculin pour une marque. Nous pouvons grandir avec toutes nos marques, via tous les canaux et dans toutes les régions. C’est un potentiel incroyable dont nous disposons. Et pour cela le consommateur doit être au centre de tout. Le consommateur doit être plus qu’un consommateur. Il doit devenir notre fan. Nous avons besoin de fans”, a martelé le nouveau CEO.
Alors que la direction table pour l’exercice 2021 sur des ventes d’au moins 2,5 milliards d’euros après un deuxième trimestre encourageant, il lui faudra tout de même engranger 1,5 milliard d’euros supplémentaires en quatre ans. Dans le détail, le groupe vise fin 2025 les 2,6 milliards chez Boss Homme, les 400 millions d’euros chez Boss Femme et les 800 millions avec Hugo, soit deux fois plus qu’en 2019. Le groupe parie aussi sur les licences qui pesaient 80 millions d’euros et devraient atteindre plus de 200 millions dans quatre ans et demi. Dans cette perspective, le groupe allemand table sur une progression de tous ses marchés, mais voit surtout l’Asie accélérer passant de 15% à 20% des ventes alors que la région EMEA verra son poids reculer à 55% de l’activité globale, contre près de 63% en 2019. La zone Amériques devrait conserver 20% de l’activité et 5% du chiffre d’affaires sera apporté par les licences. Le groupe entend aussi atteindre une part d’activité en ligne de 25% à 30%, alors qu’en 2019, ses ventes en direct en digital ne pesaient que 6% du total de ses ventes.
Pour atteindre ces objectifs, l’ambition d’enrôler nombre de nouveaux clients apparaît en effet centrale. Mais comment l’équipe d’Hugo Boss compte-t-elle procéder? En appliquant “Claim5”, sa stratégie construite sur cinq piliers. Daniel Grieder a détaillé, dans sa présentation digitale, ces cinq axes.
Le dirigeant a en premier lieu mis en avant sa volonté de construire les marques Hugo et Boss. Élément des plus significatifs, Boss bénéficie d’un logo retravaillé qui sera appliqué sur les vêtements disponibles en décembre prochain. Au-delà du logo, le groupe entend donner de nouveaux arguments à ses marques, avec des campagnes, des actions digitales, une connexion avec les jeunes générations. Chez Tommy Hilfiger, Daniel Grieder avait notamment su donner un attrait fort à la marque en développant des relations avec des artistes mais aussi avec des sportifs comme le champion de F1 Lewis Hamilton. Un savoir-faire qu’il pourrait exploiter également chez Hugo Boss. “Je ne compte pas faire la même chose qu’avec Tommy. Je ne tente jamais de réaliser une copie de ce qui a déjà été fait. Nous essayons de créer des collaborations de différentes manières dans différents domaines pour Hugo et Boss. Je ne peux pas les détailler encore mais ce sera forcément différent de ce que nous faisions avec Tommy. Ce sera bien plus que des collaborations dans la mode, cela concernera d’autres industries”. Dans sa présentation, le dirigeant a en effet revalorisé les potentiels des deux labels pour générer des collaborations de l’art au sport en passant par la musique ou encore les boissons et d’autres marques de mode.
Concrètement, le groupe a revu le discours marketing de chaque marque pour séduire un client plus jeune sans, dans le cas de Boss, se déconnecter de ses clients historiques. Un travail autour du mot Boss est engagé avec la volonté de “donner une nouvelle définition au Boss”. La marque veut exploiter l’idée que le terme ne s’applique plus seulement à un dirigeant d’entreprise mais à tous les hommes et femmes qui veulent décider la direction à donner à leur vie… Une façon aussi d’apporter la touche lifestyle à la marque. Côté Hugo, le label va jouer sur la phonétique. Le Hu-go devenant “You Go”. Les campagnes autour de ce jeu de mot devraient se montrer engageantes, spécifiquement en digital.
Hausse des investissements dans le marketing et le digital
Et le groupe entend clairement accélérer dans ce domaine en libérant 100 millions d’euros supplémentaires pour son budget marketing. Yves Muller, directeur financier du groupe, précisant que le budget marketing passe de 6% à 8% du chiffre d’affaires. D’autant que les dirigeants présentent le groupe comme une plateforme de développement pour Hugo, Boss… mais aussi potentiellement pour des acquisitions. “Nous voyons qu’il y a des opportunités d’acquisition actuellement sur le marché mais pour les deux prochaines années nous sommes focalisés sur le développement de Hugo et Boss”, a toutefois tenu à ajouter Daniel Grieder.
Le deuxième point de la stratégie est baptisé Product is king. La marque Boss, longtemps acteur majeur du formel, entend se positionner clairement comme un acteur du lifestyle. “Nous sommes une marque lifestyle 24/7” ont assené à de multiples reprises les dirigeants de la société lors de la présentation. Et l’offre s’étoffe ainsi de tenues formelles plus décontractées mais aussi de casual wear, comme dans la collection pre-fall portée par Akikuma, Jihoon Jim et Céline Denefleh.
Surtout, chez l’Homme Boss, l’offre va de nouveau se construire en couleurs. La marque, qui avait abandonné sa segmentation avec les Boss Black, Orange et Green va de nouveau employer celle-ci. ” Je ne suis pas inquiet d’une confusion pour les consommateurs. D’abord nous avons deux marques Hugo et Boss. Mais ensuite je vois Boss Black, Boss Green et Boss Orange comme une opportunité d’étendre notre présence. Si vous avez le formel, le casual ou l’athleisure et que vous mélangez l’ensemble, c’est au final beaucoup plus confus pour le client. Et en ce qui concerne les points de vente, vous pouvez avoir beaucoup plus de magasins et de revendeurs, chacun spécialiste d’un segment ou être présent à plusieurs niveaux d’un grand magasin. Nous allons être précis pour donner à chacun un réel ADN tout en gardant l’esprit Boss”.
Hugo va de son côté travailler encore plus avant une offre mêlant pièces contemporary et propositions plus commerciales pour toucher les consommateurs les plus jeunes.
Reste que face aux défis actuels de sourcing et de logistique, dont les coûts augmentent, pourrait se poser la question d’une évolution des prix qui fragiliserait la stratégie du groupe.”Nous n’avons pas dans notre stratégie de changer nos prix. En revanche, nous avons fait le choix de toucher à nos marges afin d’investir plus dans notre produit. Et nous voulons devenir la marque avec la meilleure proposition qualité-prix. Si vous regardez nos marges nous sommes passés de 65% à 62% puis 60%, juste pour être capable d’apporter plus de qualité dans nos vêtements. Dans cette approche, il y a déjà l’anticipation de l’impact de tous les problèmes de supplychain que l’on voit autour du monde. Donc non je ne compte pas changer notre architecture de prix. En ce qui concerne la situation de tensions actuelles, en 30 ans dans le monde de la mode, j’ai vu un bon nombre de crises. D’une manière ou d’une autre nous avons toujours trouvé des solutions pour les affronter. Cependant si je dois faire un état des lieux, dans le futur je crois qu’il y aura plus de production des Amériques pour les Amériques, de production en Europe pour l’Europe et plus de production en Asie pour l’Asie. C’est probablement une chose qui pourra changer et à laquelle nous nous adapterons”.
En troisième lieu, le groupe veut considérablement se digitaliser. Ce ne sont pas seulement ses ventes qui doivent atteindre 25% à 30% de digital, c’est toute son architecture et son organisation. “Les investissements digitaux ne sont pas seulement dans les ventes et le showroom digital. Cela concerne aussi le design, le produit, le marketing et la logistique. Cela concerne toute l’organisation car le futur sera digital et data-driven”, a expliqué le CEO. Et pour cela le groupe annonce apporter 150 millions de plus à son budget d’investissements dans le digital. Cela concerne des recrutements et des développements internes. Le groupe veut créer un écosystème d’entreprises partenaires et va notamment déployer dans les prochains mois un nouveau campus lié à l’innovation à Porto au Portugal, qui viendra renforcer les équipes déjà présentes à son siège allemand.
Recomposition du réseau de magasins
Des développements qui doivent renforcer sa volonté de développer son omnicanalité. Le groupe entend apporter des expériences “sans coutures” à ses clients que ce soit dans son réseau retail, chez ses revendeurs ou en digital. Un volet digital qui passera avant tout par des solutions sur mobile. Concernant le réseau de magasins, il devrait connaître quelques ajustements, le plan de route tablant sur un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros. Si le périmètre semble amené à évoluer, le groupe a décidé d’investir 500 millions d’euros sur les prochaines années pour rénover son parc. Quelque 80% des magasins en propre devrait être revus aux nouveaux concepts d’Hugo et de Boss dans les trois prochaines années.
“Nous allons optimiser notre portfolio de magasins, cela signifie que nous allons relocaliser certains magasins, en fermer et en ouvrir. Nous croyons dans le retail, mais aussi dans le wholesale et dans le digital, explique le CEO. En fait, nous croyons dans l’omnicanal. Ce que nous travaillons, c’est l’efficience des magasins, donc il y a du travail sur ce point et nous renégocions par exemple nos loyers. Nous essayons de donner une meilleure productivité aux magasins. En fait, nous étendons notre présence via le wholesale, ce qui intègre aussi les franchisés. Au total, vous aurez plus de mètres carrés de magasins Hugo Boss”.
Enfin, le dernier pilier du projet Claim 5 du groupe allemand se nomme Organize for Growth. Celui-ci aborde plusieurs points. Il concerne la structuration de ses équipes afin de générer la croissance escomptée dans les différentes régions. C’est aussi la capacité des équipes à appréhender le fait de pouvoir imaginer et créer 90% des produits avec des outils digitaux et réduire de 30% le temps de mise sur le marché. Étrangement, alors qu’il s’agit de l’un des thèmes forts pour les marques du luxe accessible, l’écoresponsabilité ne constitue pas un pilier de la stratégie d’Hugo Boss. Pour le groupe elle est intégrée dans son organisation pour une croissance optimale. Celle-ci vise ainsi un passage à 80% de produits inscrits dans un business circulaire à l’horizon 2030. “Vous ne pouvez pas devenir en un claquement de doigt 100% écoresponsable et circulaire, justifie Daniel Grieder. Nous avons déjà plus de 40% de nos propositions pour le Printemps-été 2022 qui intègrent des matières écoresponsables. En fait, chaque jour nous tentons de faire mieux et chaque saison nous aurons plus de produits circulaires dans nos collections. Nous allons passer un grand nombre de sujets en digital. Cela peut prendre du temps mais cela va aussi aider sur le sujet de l’écoresponsabilité. Le showroom digital par exemple signifie que nous n’avons plus à produire tous les samples, nous avons moins de vols en avion pour les équipes, nous produisons moins de déchets. Nous ajoutons une approche circulaire à notre business model. Ce ne sont pas des choses qui débuteront en 2030, il y a beaucoup de sujets en cours qui aboutiront d’ici là”.
Si le groupe valide ses plans et maintient un rythme de croissance de 6% par an, le géant allemand pourrait alors avoir dépassé la barre des 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2030.
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