weerapat1003 – stock.adobe.com
Si le numérique fait partie intégrante de nos vies, il ne reste pas sans conséquences pour l’environnement. En effet, à l’heure où le numérique est responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit l’équivalent du secteur de l’aviation, de nouvelles priorités se dessinent : allier le numérique avec l’environnement.
Le 6ème rapport du GIEC fournit de nouvelles estimations quant à la possibilité que le réchauffement planétaire excède 1,5°C au cours des prochaines décennies et fait valoir qu’à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre, la limitation du réchauffement aux alentours de 1,5°C,ou même 2°C sera hors de portée.
Pour rester sous le seuil des +2°C en accord avec les estimations du GIEC, il faut diviser notre empreinte par 2 à l’échelle mondiale et par 6 à l’échelle de la France d’ici 2050, comme le stipule l’Accord de Paris. De nombreux acteurs et solutions permettent d’identifier les premières actions à mettre en place pour limiter l’impact.
Le numérique est aujourd’hui synonyme de développement économique. Pourtant, si sa contribution à l’émission de GES et à la raréfaction des ressources primaires est moins visible que celle d’autres secteurs d’activité, elle n’en est pas moins réelle. En effet, la consommation énergétique liée aux usages et aux équipements numériques est estimée en hausse de 9 % par an par le Shift Project. Il ne sera possible de la stabiliser qu’en adoptant un principe de « sobriété numérique ».
Lorsque l’on parle de Green IT ou d’éco-conception de services numériques, on y associe souvent la notion de sobriété numérique. Cette terminologie désigne une démarche qui consiste à concevoir des outils et des services numériques moins impactants pour la planète et à en modérer ses usages du quotidien.
Aujourd’hui, nous souffrons d’une boulimie numérique/digitale, dont le principal symptôme est la réception incessante des notifications de nos réseaux sociaux et autres applications toujours actives en tâche de fond. Nos usages des services numériques sont en constante augmentation avec un nombre d’équipements numériques moyens des Français en forte hausse.
Smartphone, tablettes, montres connectées, télévision, ordinateurs, Box TV… Ces équipements qui nous accompagnent dans notre quotidien, nous font entrer dans un comportement complètement compulsif et instinctif qui nous rend dépendant : “Pratiquement tous les Français de plus de 12 ans sont désormais des utilisateurs du numérique. Cela explique le taux d’équipement par personne relativement faible.
Si on retire les jeunes de moins de 15 ans et les seniors de plus de 70 ans, le taux d’équipements monte à 15 appareils par utilisateur, selon l’étude iNUM du collectif GreenIT.fr.
Par les principes de sobriété numérique, on veut rendre l’usage des objets connectés et des services numériques plus raisonné et modéré.
Par exemple, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir des notifications sur sa montre connectée, son ordinateur portable et son smartphone en même temps. Il est tout à fait possible d’aller chercher l’information quand on la souhaite sans même avoir quelconque notification. Il n’est pas nécessaire de multiplier les supports informatiques.
Ainsi, en appliquant une démarche de sobriété numérique dans notre quotidien, nous pourrions ramener notre consommation d’énergie à un niveau de 1,5 % de croissance par an.
L’éco-conception matérielle, c’est la réduction de l’empreinte environnementale des outils numériques “physiques” dont nous disposons. Cela concerne les ordinateurs, les téléphones, les imprimantes ou même les disques durs …
Cette réduction d’empreinte environnementale, concerne deux volets :
La phase de fabrication est à l’origine de la majorité des impacts environnementaux avec plus de 80 % des émissions de GES. C’est plus de 800 kg de matières qui sont extraites de la croûte terrestre pour fabriquer un ordinateur, selon l’ADEME. Ces terres rares, dont les caractéristiques ont permis l’émergence des nouvelles technologies, ont une concentration extrêmement faible : quelques grammes par tonne de terre, expliquant la quantité de minerai nécessaire à la production d’un ordinateur.
L’objectif de l’écoconception matérielle est donc d’allonger la durée de vie d’un produit afin de réduire son impact environnemental. Cela passe par toutes les étapes du cycle de vie du produit :
L’éco-conception de services numériques quant à elle consiste à trouver un équilibre entre le niveau de performance et la quantité de ressources nécessaires. C’est une approche globale, itérative et multicritères.
En effet, c’est une manière d’intégrer le pilotage et l’optimisation de la ressource utilisée par le service numérique développé. En d’autres termes, c’est une démarche d’efficience et de frugalité : on cherche à réduire le gras numérique et non à créer du gras “bio”.
Qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service, ils suivent un cycle de vie allant de la conception à la fin de vie. L’éco-conception est une discipline complexe qui nécessite un effort et une attention de tous les participants au projet et ce durant tout le cycle de vie.
Être un bon élève en termes d’éco-conception ne veut pas dire se limiter en termes d’expérience utilisateur ou rendre son innovation peu attrayante. C’est plutôt une prise de conscience et des leviers d’actions simples à mettre en place comme bien définir le besoin utilisateur pour ne pas surproduire, supprimer les fonctionnalités inutilisées, optimiser son code ou limiter les requêtes inutiles…
Pour accompagner les entreprises, il existe des référentiels tel que le Guide des bonnes pratiques de la DNUM. Il s’agit d’un outil pour accompagner les organisations dans la mise en œuvre de leur démarche et de leur plan d’action pour un numérique plus responsable.
Avant tout, pour bien agir, il est important de s’informer. C’est pourquoi l’une des premières actions à mettre en place est de se documenter sur la sobriété numérique. En effet, pour mener une entreprise vers un numérique plus soutenable, il est primordial de sensibiliser tous les collaborateurs et les directions quant aux impacts environnementaux du numérique et les enjeux d’un numérique plus responsable.
Pour ce faire, il faut promouvoir les bonnes pratiques à l’échelle de chaque individu mais aussi celle à l’échelle de la stratégie de l’organisation. Cela peut prendre la forme de campagnes internes de sensibilisation pour un numérique plus responsable avec des conférences, des ateliers ou de la documentation… En parallèle, il faut acculturer les équipes sur le sujet à travers l’intégration des compétences (dans la GPEC, Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) autour du Numérique Responsable dans le plan de formation de l’organisation.
Les concepts de réparabilité et de reconditionnement sont à suivre en matière d’éco-conception matérielle. Ils permettent d’allonger la durée de vie des équipements permettant de réduire l’impact environnemental. Lorsqu’on sait que la fabrication des matériels est à elle-même responsable de la majeure partie de l’impact environnemental, il apparaît donc important de garder son matériel plus longtemps pour réduire les besoins de production.
Enfin, lutter contre l’obsolescence programmée est aussi une des solutions (à l’image de ce que propose l’association HOP).
Des acteurs émergent ainsi pour faciliter le déploiement des pratiques de reconditionnement à la fois pour les professionnels et les particuliers, comme Backmarket. Enfin, certains fabricants ont fait le choix de mettre la réparabilité et l’éthique au centre de leur business model. C’est le cas de la marque Fairphone.
L’éco conception des services numériques consiste à réduire la quantité de ressources nécessaires pour répondre à un besoin utilisateur. Un guide de 115 bonnes pratiques publié par le collectif GreenIT.fr existe d’ailleurs pour permettre de se lancer dans cette démarche. Qu’il s’agisse du code, du choix de l’hébergement, du nombre et de la capacité des serveurs, mais aussi de l’UX/UI du service, l’écoconception vise à enlever le superflu et se rapproche en cela des démarches Low-Tech.
Il faut aussi comprendre que cette démarche a pour but initial de réduire drastiquement la puissance informatique nécessaire à faire fonctionner le site ou l’application, ce qui permet de rallonger la durée de vie des terminaux utilisateurs et des serveurs. Petit plus : l’écoconception des sites doit permettre de les rendre plus rapides, un indispensable pour toute stratégie SEO.
Des outils comme GreenIT Analysis proposent de manière très simple et gratuite un bilan fiable de l’impact environnemental de la page d’un site web. Ce dernier a aussi pour avantage de communiquer les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour diminuer l’impact environnemental du site via une analyse complète du parcours utilisateur.
Enfin, il faut regarder les résultats sous un autre angle. Certaines pages de sites web (e-commerce, médias, etc.) peuvent avoir un impact important qui peut être amélioré, mais ne peut pas être réduit indéfiniment. A l’inverse, les pages vitrines, typiquement utilisées dans le cadre d’une activité de conseil ou de service, doivent avoir un impact rationnel. Cet outil peut donner la priorité à vos idées sans évidemment apporter toutes les solutions !
La sobriété numérique ne doit pas non plus être vue comme un frein à la notion de business. Elle pourrait, au contraire, être un vecteur d’économies ou de valeur ajoutée pour les entreprises.
D’une part, 68 % des salariés français jugent que leurs activités numériques professionnelles ont un impact sur l’environnement, et 74 % d’entre eux aimeraient que leur entreprise agisse plus pour l’environnement. D’autres part, 60 % des candidats attendent de leur futur employeur d’agir pour le climat, selon une étude Ipsos de 2021.
Ne pas intégrer les pratiques de la sobriété numérique (éco-concevoir ses services numériques, utiliser des appareils reconditionnés) pourrait devenir une menace dans la RH, lorsqu’on sait que le principal défi des entreprises est l’attractivité et la fidélisation des salariés.
Par ailleurs, les principes de la sobriété pourraient aussi favoriser d’autres enjeux business comme la réduction des coûts de déploiement ou de maintenance des équipements, voire offrir de meilleures perspectives en termes de scalabilité des services numériques.
De plus, le principe de sobriété peut favoriser d’autres enjeux commerciaux, tels que la réduction des coûts de production et d’exploitation des appareils, ou une meilleure perspective sur l’évolutivité des services numériques (réduction de la consommation d’énergie de l’équipement, allongement de la durée de vie, etc.).
L’éco-conception est avant tout une démarche d’arbitrage entre des objectifs parfois contradictoires : qualité, coûts, délais, sécurité, environnement. Les premiers pas de l’éco-conception sont souvent faciles et peu coûteux à mettre en œuvre. Ils peuvent coïncider avec des options de bon sens qui amènent une réduction des coûts : économies de matière (par allègement) ou d’énergie consommée, optimisation de la chaîne logistique (taux de remplissage des camions, chaîne du froid), moindres quantités de déchets à traiter.
De plus, elles permettent à l’entreprise de renvoyer une meilleure image et ainsi disposer d’un avantage concurrentiel vis-à-vis des autres entreprises du secteur. Pour ce faire, il existe plusieurs outils à disposition des organisations leur permettant d’adopter un numérique plus sobre.
Tous droits réservés, Copyright 2007 – 2023, TechTarget

Confidentialité
Paramètres des Cookies

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :