LE CERCLE/POINT DE VUE – Après s’être imposé dans l’e-commerce, Amazon veut passer à la vitesse supérieure et débarque dans la vente physique.
Par Frank Rosenthal (expert en marketing du commerce)
Amazon vient de réaliser avec l’achat de Whole Foods Market la plus grosse acquisition de son histoire. A l’heure des analyses, il est utile de revenir quelques jours en arrière, à Chicago, où se tenait le plus grand Salon mondial dédié à l’e-commerce : Irce. Amazon était omniprésent dans les conversations et a de plus été sacré Internet Retailer of the Year . Son ascension pose beaucoup de questions, Irce a fourni des réponses.
Dans sa conférence inaugurale, Amazon a enchaîné les chiffres sur le marché américain : sa croissance contribue pour plus de deux tiers à celle de l’e-commerce et pour 25 % à la progression de l’ensemble du commerce américain. Pour le Top 500 des e-commerçants américains, la croissance annuelle est de 15,5 %. Sans Amazon, elle passe à 11,7 % ! Sa croissance annuelle (24,64 milliards de dollars) dépasse le chiffre d’affaires global en ligne de Walmart (15,92 milliards). Dès 2017, Amazon devrait détrôner Macy’s et devenir – selon les analystes de Cowen & Co. – le leader global du textile.
Pour les seules requêtes des internautes sur les produits, Amazon domine avec 59 % contre 20 % à Google ! Tout sauf le fait du hasard : Amazon investit beaucoup pour doper sa croissance avec 490 millions de dollars par an en référencement payant, un record, selon Merckle. Amazon est aussi l’application de shopping la plus installée sur les smartphones ou tablettes pour 57 % des Américains !
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Pour 99 dollars par an ou 10,99 dollars par mois (contre 49 euros par an en France), Amazon Prime permet des livraisons illimitées et rapides en un à deux jours, du stockage de photos, du streaming, et propose des réductions et des services exclusifs Amazon (Prime Now, Pantry, Dash…).
Et prime recrute très fort. En avril 2017, il compte 80 millions d’abonnés, selon le cabinet Consumer Intelligence Research Partners, alors qu’en juin 2015 ils étaient déjà 44 millions. 64 % des foyers américains sont déjà abonnés à Prime et ils achètent ! 48 % de ces abonnés font au moins un achat par semaine selon Internet Retailer. Prime jouera donc un rôle essentiel dans les projets Whole Foods. Avec la lingerie, et bientôt la pharmacie, Amazon justifie de nouveau son surnom de « The Everything Store » (le magasin où l’on trouve tout).
Au-delà, Amazon arrive dans le commerce physique. D’abord avec le rachat cash de Whole Foods Market avec des synergies à développer, mais aussi avec la création ex nihilo d’Amazon Books, qui a ouvert sa septième librairie à New York en mai.
La visite du magasin de Chicago montre qu’au-delà d’une simple librairie (les livres sont classés selon les avis des clients) et d’un café intégré, on a aussi affaire à un « showroom » des technologies Amazon (comme Echo et Alexa) avec beaucoup de démonstrations. Enfin, l’internationalisation se poursuit avec des clients qui viennent de 180 pays, selon Kantar.
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Au final, comment expliquer le succès d’Amazon ? Le groupe colle parfaitement aux attentes des acheteurs en ligne, qui sont simplicité, prix et largeur de choix, selon Slice Intelligence. Avec Prime, il contourne l’abandon de panier pratiqué par 59 % des clients, qui, selon comScore, le pratiquent lorsque des frais de livraison apparaissent. Faciliter les motivations et limiter les freins, une recette de commerce simple et efficace !
La poussée d’Amazon est forte et tous azimuts, mais, en 2017, Credit Suisse prévoit simultanément 8.640 fermetures de magasin, soit 40 % de plus que lors de la crise de 2008 ! Il y a bien deux vitesses, ceux qui suivent le rythme Amazon et les autres !
Frank Rosenthal est expert en marketing du commerce
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