"Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin", la philosophie de l’open source et le logiciel libre sont deux mouvements distincts mais s’érigent sur les mêmes bases d’une intelligence collective, de la liberté, du partage et de la contribution.
Les principes du libre et de l’open source sont revenus sous le feu des projecteurs depuis le Salon Open Source Expérience, les 9 et 10 novembre derniers, avec l’engagement fort de la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, en faveur de l’intégration de logiciels libres dans l’administration publique. Cette initiative est à saluer, l’open source est sans nulle doute le choix qui doit être privilégié au sein la fonction publique mais aussi dans les entreprises privées.
Au début des années 80, la philosophie du libre est incarnée par son précurseur, Richard Stallman, qui milite pour la création de logiciels aux codes libres, ouverts et modifiables par tous ses utilisateurs. À cette époque, le “free software” induit la double idée d’un logiciel à la fois libre et gratuit. L’ “open source” fait son apparition en 1998 pour s’émanciper de la notion de gratuité, tout en conservant l’esprit d’un code ouvert. L’objectif est d’attirer les investissements dans des logiciels libres mais qui pourraient s’avérer économiquement viables. L’open source se détache alors de la philosophie du libre strictement gratuit pour se tourner vers de nouvelles méthodes de développement et de diffusion. Toutefois, libre ne veut pas dire sans règle, un code ne peut pas être open source sans cocher les cases définies par une licence. Délivrée par l’OSI, l’ASF, la FSF, ou d’autres certifications, une licence “open source” doit attester que le code est explicitement libre, et que les utilisateurs peuvent l’utiliser, le modifier et le partager sans verser de « droits d’auteurs ». L’éditeur garde ses droits mais fait savoir qu’il laisse volontairement ses lignes de codes en libre accès, contrairement à un logiciel privé totalement verrouillé, que seul le propriétaire peut faire évoluer .
Élément fondamental du paysage numérique mondial, les créations ouvertes ont déjà fait leurs preuves avec des figures de proue comme Linux, VLC, Libre Office ou Modzilla Firefox, et continuent d’attirer de plus en plus les développeurs, les professionnels de l’industrie et désormais le secteur public. Selon une étude du Teknowlogy Group pour le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL), “le marché français de l’open source est le plus important en termes de volume par rapport aux autres grands pays européens”, avec notamment +8,6% de créations de solutions libres entre 2019 et 2020. L’étude prévoit, en France, une croissance annuelle de 8,8% (entre 2019 et 2023) pour atteindre près de 7,3 milliards d’euros en 2023. Cependant, l’open source ne représente que 11% du marché des services informatiques du pays actuellement, les solutions privées sont donc encore beaucoup plus utilisées. Visiblement les mentalités changent, on le voit avec les dernières annonces du gouvernement sur l’intégration de l’open source dans la fonction publique. Une bonne résolution qui pourra peut-être inspirer les entreprises privées, il faut en tout cas l’espérer !
Guidées par la volonté de retrouver une souveraineté sur leurs outils numériques, de faire des économies à long terme en optant pour des solutions moins coûteuses, ou tout simplement par conviction politique (éviter par exemple des éditeurs de logiciels qui ne sont pas fiscalisées en France, etc…), des collectivités territoriales ont déjà entamé cette mutation vers des logiciels issus de l’open source. Néanmoins, ce changement n’est pas si aisé. L'enquête réalisée par Numerama, intitulée “ Pourquoi les administrations ont-elles tant de mal à passer au logiciel libre à grande échelle ?” énumère de nombreuses difficultés, notamment des coûts immédiats comme la formation des fonctionnaires sur les nouveaux outils, le manque de productivité pendant la période d’adaptation, ou encore le passage éventuel par des prestataires externes pour effectuer les transitions techniques. Parmi les autres obstacles à surmonter, on trouve également des problématiques d’incompatibilité lorsque des administrations qui n’ont pas fait les mêmes choix (logiciels libres ou logiciels propriétaires), doivent collaborer.
Ce manque de “communs numériques” et d’une ligne directrice entre toutes les administrations publiques, est clairement le chantier auquel veut s’attaquer la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique. À l’occasion de la première édition de l’Open Source Expérience, Amélie de Montchalin a déroulé un plan d’action pour valoriser le choix du logiciel libre qui signifie une meilleure qualité de service, d’une transparence plus démocratique, et d’une plus grande maîtrise technique des outils utilisés par les administrations françaises. Pour bénéficier de tous les avantages du libre et de l’open source, tout en surmontant les freins de son intégration, la Ministre a notamment évoqué une enveloppe de 30 millions d’euros du plan de relance pour aider financièrement les collectivités territoriales à migrer vers des solutions libres. D’autres mesures vont être prises dans le but de favoriser les “communs numériques” comme le lancement du site code.gouv.fr qui va répertorier tous les codes et les bibliothèques publiés par des administrations. Concernant le manque de compétences open source dans le public, Amélie de Montchalin prévoit d’accélérer le recrutement de développeurs attirés par la conception de logiciels libres. Elle a notamment annoncé un accord avec l’école CentraleSupélec qui pourra missionner des élèves ingénieurs afin de contribuer à la conception de logiciels libres dédiés à la fonction publique. Il a aussi été question de redynamiser le réseau Blue Hats afin de se rapprocher de développeurs qui pourraient voir dans l’intégration de l’open source, un défi attrayant.
En France, l’open source et le libre commencent donc tout juste à s'immiscer dans le secteur public, avec des avantages indéniables sur le long terme : économie de licence, maîtrise, transparence, etc…Mais qu’en est-il des entreprises privées ? Pourquoi feraient-elles la démarche de passer à l’open source ?
Selon l’étude Illuminas pour RedHat en 2021, les principaux avantages de l’open source d’après les responsables informatique interrogés sont : des logiciels de meilleure qualité (35%), plus innovants (33%) et plus sécurisés (30%). Toujours selon cette étude, 64% de ceux qui ont déjà fait le premier pas vers les logiciels libres trouvent une modernisation de leur système d’information.
Cependant, des obstacles sont aussi perçus, identiques à ceux observés par les acteurs du public : assistance trop faible (42%), manque de compatibilité (38%), ou manque de compétences internes (35%) qui oblige l’intervention de tiers et donc des frais supplémentaires à engager.
Malgré ces quelques freins, la transition numérique qui ne cesse de s’accélérer poussent les entreprises à s’intéresser aux logiciels open source. Alternative à des logiciels propriétaires très cloisonnés, le logiciel libre ou open source offre une liberté d’exécution et la possibilité de réutiliser une même solution pour l’adapter à plusieurs domaines ou chaînes de production. L’open source permet également une flexibilité qui constitue un sérieux atout dans un monde fluctuant où la résilience n’est plus une option pour perdurer. Avec un écosystème dynamique, une communauté active en soutien et un large éventail de briques disponibles déjà conçues, le choix de l’open source est synonyme d’un coût raisonnable, d’une réparabilité facilitée et d’une personnalisation poussée.
En résumé, passer de la licence propriétaire à l’open source est un excellent pari sur le long terme. De nos jours, pour une administration ou une entreprise, investir dans son système d’information est stratégique. Les outils IT, du logiciel métier au site internet, en passant par les moyens de communication, sont les squelettes qui structurent une organisation et doivent être sélectionnés de manière judicieuse. Il est évident qu’aucun établissement ne peut échapper à une certaine dépendance vis-vis des nouvelles technologies, en revanche le choix de l'open source est un bon moyen d’acquérir une forme de liberté, en ne se laissant plus enfermer dans les carcans imposés par une société éditrice. L'open source ouvre toutes les portes en grand, on peut changer de prestataire à tout moment, développer en interne, partager (voir cofinancer) ses développements avec d'autres utilisateurs ayant les mêmes besoins… il n’y a plus de barrières !
En outre, chaque entreprise, chaque collectivité territoriale ou même association a des besoins spécifiques et aucun logiciel clef en main ne peut y répondre totalement, d’autant que ces besoins ne sont pas figés dans le temps, ils évoluent constamment. En optant pour l'open source, tout un chacun peut adapter et personnaliser un logiciel pour en faire du sur-mesure.
D'un point de vue financier, l'open source, de par son modèle économique, garantit le prix juste. Si un éditeur se rémunère via des licences, avec souvent l’ambition de devenir une licorne, un intégrateur ou développeur de solutions open source se rémunèrent sur de la prestation, et uniquement quand celle-ci est nécessaire.
L’open source est un vaste champ des possibles qui transcende le domaine informatique, il s’agit finalement d’un état d’esprit de partage et de diffusion de l’information, dans l’idée de ne pas refaire ce qui a déjà été fait, de se servir de l’existant pour progresser et aller toujours plus loin. Ce modèle est complètement en phase avec les préoccupations du moment sur l’impact environnemental du numérique. Faire le choix de l’open source est donc un premier pas vers ce qu’on appelle « le numérique responsable ». Dans cette logique, on pourrait se demander si l’open source ne devrait pas devenir une norme, une démarche valorisée par un label officiel sur le pourcentage d'utilisation de l' open source dans une activité : il s’agirait d’un levier efficace afin de canaliser un secteur du numérique qui se développe tout azimut, et le libérer de l’hégémonie de seulement quelques entreprises mastodontes aux pouvoirs presque illimités.
Auteur : Cédric Sibaud, Directeur associé OpenStudio, éditeur du cms open source thelia
Les principes du libre et de l’open source sont revenus sous le feu des projecteurs depuis le Salon Open Source Expérience, les 9 et 10 novembre derniers, avec l’engagement fort de la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de…
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