Par Jean AIME
Juriste d’affaires | Certifié Professionnel Conformité | Certifié Strategy@HEC Paris
La fonction conformité réglementaire est devenue de nos jours une fonction essentielle, et parfois obligatoire, dans l’organigramme des entreprises évoluant dans des secteurs d’activités vitaux pour l’économie et présentant, dans le même temps, un niveau élevé d’exposition à des risques tels que le risque de crédit, la délinquance financière, le terrorisme, les risques environnementaux, etc. Au premier plan, sont concernés, le secteur bancaire et financier, le secteur de l’assurance et celui de l’industrie du pétrole et du gaz.
La conformité réglementaire renvoie au respect par l’entreprise des normes auxquelles elle est soumise. Dans la pratique, la fonction conformité est celle qui est responsable de l’identification, de l’évaluation, de la détection et de la gestion des risques d’inobservance des obligations qu’imposent les lois et règlements à l’entreprise. Elle implique une cartographie des risques régulièrement mise à jour, ainsi que la mise en place de diverses procédures et d’outils de gestion des risques de non-conformité.
Par ailleurs, il convient de souligner que le périmètre d’intervention de la fonction conformité s’étend généralement, au-delà de la réglementation, aux règles ou codes de conduite (éthique, déontologie, etc.).
Si nous prenons l’exemple, plus spécifiquement du secteur bancaire, dans l’espace UMOA, il existe une circulaire n°05/2017/CB/C de la Commission Bancaire, entrée en vigueur le 02 juillet 2018, qui régit la forme d’organisation et les modalités gestion de la conformité au sein des établissements de crédit et compagnies financières des Etats membres. Cette circulaire peut être considérée comme une grande avancée pour le métier et le secteur bancaire de l’UMOA, en ce qu’elle rend obligatoire la mise en place d’une fonction conformité, précise les missions assignées à la fonction, de même que les dispositions à prendre par les organes de gouvernance pour assurer l’effectivité de ses prescriptions. Elle institue également l’obligation d’assurer l’indépendance de la fonction conformité vis-à-vis des services ou directions qu’elle contrôle et celle de la doter en ressources humaines suffisantes et qualifiées, même si certaines missions peuvent être déléguées à d’autres services ou externalisées, tout en restant sous la supervision du Responsable conformité.
Cette avancée de la réglementation bancaire par rapport aux obligations de conformité s’explique par le besoin accru de présenter, tant au niveau communautaire qu’au niveau mondial, des garanties sérieuses et optimales de sécurité financière et de protection de la clientèle, gages de stabilité du système bancaire et de la confiance des épargnants. Au-delà de ces considérations, la non-conformité ou une conformité insatisfaisante aux standards internationaux du GAFI (Groupe d’Action Financière) peut conduire à une mauvaise évaluation du dispositif communautaire, assortie de sanctions pays. Ces sanctions peuvent aller de la mise sous surveillance renforcée des pays ou zones à haut risque à l’appel à des actions qui renvoie à des contre-mesures qui seront mise en œuvre contre les pays sous sanctions, dans le but de préverser le système bancaire et financier international. Ces contre-mesures peuvent aller de la réduction à la cessation des transactions avec les pays classés pays « à haut risque ».
A l’échelle de l’entreprise, la fonction conformité, au-delà de sa mission qui est de prévenir, détecter, atténuer voire éliminer les risques de non-conformité, permet de prévenir d’éventuels sanctions administratives, amendes et/ou contentieux avec les clients et les fournisseurs, etc. Il convient de souligner, à ce niveau, que le risque le plus élevé pour l’entreprise présentant un niveau de conformité insatisfaisant, c’est le risque de réputation qui peut avoir de graves incidences sur la pérennité de l’activité, puisqu’il peut affecter considérablement la confiance des clients et menacer par conséquent le maintien et le développement du portefeuille client, de même que les relations avec les partenaires et fournisseurs.
Au-delà des nombreux avantages qu’elle procure à l’entreprise « compliant », la conformité a un coût : celui lié au recrutement d’un personnel qualifié en charge de cette fonction et à l’acquisition parfois d’un logiciel de monitoring. En outre, elle peut parfois être perçue comme un frein au business, surtout par les commerciaux, d’autant plus que dans le cadre du dispositif de conformité, l’entrée en relation avec les clients présentant un risque élevé peut être assujettie à des procédures de validation ou alors interdite. De même, les procédures de conformité peuvent impliquer des restrictions voire des interdictions par rapport aux relations d’affaires impliquant des produits ou catégories d’activités à risque élevé voire très élevé.
Malgré le coût qu’elle peut induire pour l’entreprise, la fonction conformité présente des avantages bien supérieurs. En effet, la conformité réglementaire est avant tout un important moyen d’atténuer, de prévenir, d’éliminer ou de gérer les risques de non-conformité de l’activité qui peuvent avoir pour conséquence des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires, une perte financière, une atteinte à la réputation (voir définition du Comité de Bâle I et de la circulaire n°05/2017 de la Commission Bancaire de l’UMOA). Ces risques, s’ils ne sont pas correctement identifiés et pris en charge à travers un dispositif de conformité efficace et régulièrement tenu à jour, peuvent avoir de lourdes conséquences sur la solidité financière et la bonne réputation de l’entreprise, et par conséquent menacer sa survie.
Ainsi, l’intérêt des grands groupes est devenu accru pour la conformité réglementaire, en ce qu’elle permet de bien prendre en charge des questions hautement préjudiciables à leur réussite, dans la durée, telles que la fraude, la corruption, les situations de conflits d’intérêt, les risques de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme et de prolifération des armes, et les obligations de protection de la vie privée et des données.
Au-delà de la conformité aux obligations réglementaires et des aspects relatifs à la prévention des risques cités plus haut, la conformité est devenue un facteur de compétitivité. En effet, beaucoup de grands groupes exigent désormais, pour pouvoir travailler avec eux, de présenter des garanties de conformité, au moins, au niveau des standards internationaux. Cela les préserve eux-mêmes des risques auxquels ils peuvent s’exposer en travaillant avec d’autres entreprises, fournisseurs ou sous-traitants.
Sous un autre angle, la conformité permet aux entreprises de gagner et de maintenir la confiance de la clientèle par rapport à la conformité aux normes qui doit entourer les services ou produits qu’elles proposent et aussi par rapport au respect de leur vie privée et à la protection de leurs données. Cette clientèle est de plus en plus sensibilisée sur ces questions qui peuvent facilement déboucher sur des réclamations voire des contentieux. De plus, avec l’avènement des réseaux sociaux et leur influence sur les habitudes de consommation, la célérité avec laquelle ils peuvent fortement impacter la réputation, la marque ou l’image de marque, la conformité est le premier rempart pour la sauvegarde de l’image positive de l’entreprise.
Pour conclure, nous retiendrons que la mise en place d’une fonction conformité fait aujourd’hui partie des meilleures pratiques d’entreprises. Une entreprise qui souhaite sauvegarder sa performance ou son leadership devra adopter une culture et une démarche de conformité réglementaire dans ses priorités. La conformité a certes un coût, mais c’est le coût pour préserver sa performance commerciale contre les risques de sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires, de perte financière et d’atteinte à la réputation qui peuvent compromettre son succès voire sa pérennité.
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Merci beaucoup Mr Jean.
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Bonne continuation.








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