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Deux femmes, Pascale Habis et Zeina Raphaël, se sont donné pour mission – car c’en est une – de documenter, recenser, référencer et valoriser les métiers d’art et d’artisanat à travers des hommes et des femmes, des techniques, des vocations, des savoir-faire à transmettre et un héritage à préserver. À partir du 4 novembre, L’« Orient-Le Jour » vous proposera une série de portraits de ces artisans que l’initiative « The Ready Hand » s’emploie à répertorier.
OLJ / Par Carla HENOUD, le 28 octobre 2022 à 00h00
Zeina Raphaël et Pascale Habis derrière The Ready Hand. Photo Tarek Moukaddem
Même si elles préfèrent parler au nom de The Ready Hand, ce projet colossal qui les anime, Pascale Habis et Zeina Raphaël en sont les deux forces, les deux énergies dans l’ombre. Comme de petites fourmis curieuses, méticuleuses et patientes, elles rajoutent tous les jours leur grain de sable pour que soit montée cette plateforme indispensable au référencement de tous les artisans encore actifs au Liban. L’idée est de les sortir de l’ombre, de les mettre dans la lumière afin de provoquer des opportunités de travail. De les aider à continuer d’exister et de leur donner l’envie de transmettre ces gestes ancestraux hérités de leurs aïeux ou fruits d’une vocation. Plus de 350 artisans, rencontrés un à un aux quatre coins du Liban, sont partagés sur le compte Instagram @thereadyhand. Photo Tarek Moukaddem
« On se connaît depuis longtemps », confie Zeina Raphaël. « L’idée a germé séparément chez chacune de nous, mais de façon très complémentaire. C’est par le plus pur des hasards que nous avons partagé nos idées avant d’aboutir, comme une évidence, à un projet commun. » Pour Pascale Habis, la double explosion du 4 août 2020, qui a dévasté une partie de sa maison, une vieille demeure située à Gemmayzé, a immédiatement mis en évidence les manques : « En entamant les réparations, j’ai découvert le baghdadi, ces lattes de bois utilisées autrefois pour habiller les cloisons et les plafonds, et rencontré Khalil Tarazi », le seul artisan encore capable, pensait-elle, de le faire. « C’est là que j’ai ressenti la nécessité de produire un ouvrage qui parle des savoir-faire des artisans du Liban », confie Pascale, diplômée en communication et arts, directrice artistique et graphiste de formation, et auteure du beau livre de cuisine Beirut Cooks, paru en 2014.
Zeina Raphaël, qui a fondé en 2019 sa propre agence de designers de meubles et d’objets design, Almaz Collectible Design, « trouvai(t) dommage que beaucoup de nos talentueux designers, à la renommée internationale, produisent à l’étranger, en France et en Italie notamment. N’y avait-il pas un savoir-faire de qualité au Liban ? » L’idée d’une base de données s’impose alors à elle. Lorsque les deux femmes se rencontrent, elles se sentent immédiatement complémentaires et réalisent très vite l’absence de livres, de documentation ou de données sur les métiers artisanaux au Liban et se lancent, en plein Covid-19, dans cette belle aventure, plus précisément en février 2021.Sur leur page Instagram, des artisans et des métiers ancestraux. Photo Tarek Moukaddem
À la recherche de l’artisan
Entièrement concentrées et dédiées à ce projet, une base de données, d’abord, un ouvrage, ensuite, elles contactent des amis architectes et designers qui leur confient précieusement leur artisan et partagent avec elles leurs expériences. Elles souhaitent avant tout comprendre le marché, le secteur, faire l’état des lieux. Petit à petit, et un peu de bouche-à-oreille, une première liste élémentaire prend forme qui ne cesse de s’allonger. « Aujourd’hui, ce sont souvent eux qui ont recours à nous, ce qui nous fait très plaisir ! » Dès qu’elles le peuvent, à partir du mois de mai 2021, Pascale et Zeina partent à la rencontre d’artisans « oubliés de l’État, sans aucun support ni structure ». Zeina postera spontanément la première rencontre sur son compte Instagram, un fabricant de chaises en osier caché dans les souks de Zouk. « En quelques minutes, j’ai reçu huit commentaires de personnes qui demandaient son contact, ce qui nous a fait réaliser l’impact de cet outil formidable qu’est Instagram, et nous a aussitôt donné l’idée de créer une plateforme dédiée à The Ready Hand ».
Sortir de l’ombre les artisans, les mettre dans la lumière et crééer des opportunités de travail. Photo Tarek Moukaddem
Depuis, dans un rythme quotidien, « 6 jours sur 7, sans exception », elles partagent leurs découvertes, des artisans extraordinaires, des individus chargés de belles histoires et d’un précieux savoir-faire, sur leur page Instagram @thereadyhand. La page se fait belle, elles soignent les images et les vidéos, ont recours de temps en temps au photographe du livre, Tarek Moukaddem. Elle s’étoffe, séduit et intéresse à ce jour plus de 8 000 abonnés. Sans ménager aucun effort, en appelant et en visitant chacun, un par un, dans un road trip exténuant parfois, elles sillonnent le pays du Nord au Sud. « Nous avons rencontré chacun de ces artisans, nous les avons questionnés, les avons vus travailler. Les journées sont longues, fatigantes mais très gratifiantes lorsque nous apprenons que cela génère du travail à ces artisans oubliés ou dans l’ombre. » Outre l’aspect humain et sentimental, « en mettant toute la lumière sur les artisans, dans cette recherche et cet archivage en profondeur, on nous dit souvent que nous accomplissons le travail d’un ministère, à deux… La plus récente base de données concernant les artisans du Liban a été constituée en 2000 par le ministère des Affaires sociales… ». Une mission qui aurait pu être impossible, et pourtant, elles l’ont entamé, conscientes de l’ampleur du travail à effectuer. Noms, numéros de téléphone, adresses des artisans sont répertoriés pour une future base de données. Photo Tarek Moukaddem
4 projets indépendants
Noms, numéros de téléphone, adresses sont conservés et répertoriés pour constituer la base de données qui, plus tard, donnera naissance à un site internet et à une application mobile qui permettra de géolocaliser et visualiser tous ces artisans où que l’on soit sur le territoire ou à l’étranger. Complétée et mise à jour au quotidien, elle comporte aujourd’hui plus de 350 artisans, rencontrés un à un aux quatre coins du Liban. Ce chantier prend en parallèle la forme la forme d’un livre en deux volumes qui documentera tous les métiers d’art et artisanaux que le Liban a connu et connaît encore.
Répertorier tous les artisans encore actifs au Liban. Photo Tarek Moukaddem
« L’idée est de parler des professions, de raconter des anecdotes, et de donner envie à tous de lire ce qui constitue notre patrimoine immatériel qui est en danger. » En gestation, le livre prendra sans doute deux ans avant d’être publié. « Le livre, précise Pascale Habis, ne sera pas une retranscription de ce que nous postons sur notre page Instagram. Il ne s’agit pas là de reparler des artisans et d’en faire des portraits ou partager un carnet d’adresses qui sera vite obsolète, mais plutôt de documenter ces métiers, leurs particularités au Liban, les différents matériaux utilisés. » Un bel outil de travail et une documentation riche mise en page par Sana Asseh (One over Studio), avec les textes de Maria Abunnasr, docteure en histoire, et des images signées Tarek Moukaddem, Johanne Issa et Yves Atallah. Enfin, et sans doute pour boucler la boucle et utiliser tous les médias et langages possibles, un documentaire est en préparation, signé Danielle Rizkallah, qui vient d’etre classée deuxième realisatrice la plus primée en 2022, selon le Director Annual Rankings 2022 de D&AD, association globale pour l’excellence en pub et design, pour sa superbe campagne de prévention contre le cancer du sein baptisée « The Bread Test » #Khabazté.Sortir de l’ombre les artisans, les mettre dans la lumière et crééer des opportunités de travail. Photo Tarek Moukaddem
Soutenu par la Fondation Philippe Jabre, la Fondation Robert Matta, quelques amis et par les initiatrices de ce projet elles-mêmes, The Ready Hand, à travers ces quatre projets, a de belles perspectives de développer de plus importants projets à l’avenir. « Mais chaque chose en son temps. Il faut d’abord bâtir les fondations », disent-elles. Ainsi, Zeina Raphaël et Pascale Habis, en faisant avec The Ready Hand du beau et du bon, et de l’utile surtout, auront à leur tour tissé, et (presque) de leurs propres mains, un réseau suffisamment efficace qui, à l’échelle nationale, donnera à ces artisans la visibilité qu’ils méritent et surtout une nouvelle jeunesse, à perpétuité.
The Ready Hand: Preserving Lebanon’s old crafts
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Bravo Zeina et Pascale : documenter, valoriser, transmettre des savoirs faire anciens ; un patrimoine essentiel, mais fragile !
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