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À compter du 1er janvier 2022, les nouveaux entrants sur le marché du travail auraient dû cotiser à un nouveau système universel de retraite par points et par répartition. Il n’en sera rien car cette réforme a été ajournée et la mise en place d’une version fortement amendée ou sa suspension définitive devrait dépendre, selon toute vraisemblance, de l’issue des scrutins des élections présidentielle et législatives de mai et juin 2022.
Pourtant, ce projet phare de réforme porté par Emmanuel Macron, président de la République nouvellement élu en 2017, s’annonçait initialement sous de bons auspices. Les Français paraissaient mûrs et plutôt séduits par l’universalité [1] qui réunit simplicité et égalité. Le projet avait été discuté avec un certain succès en s’appuyant sur des principes de démocratie participative (consultation citoyenne en ligne et jury citoyen). Bien que techniquement complexe à mettre en place, il avait politiquement résisté aux multiples pressions, syndicales (grèves et manifestations notamment dans le secteur des transports) puis politiques, en étant adopté en première lecture le 5 mars 2020, donc sans débat à l’Assemblée nationale (grâce au recours de l’article 49.3 par le Premier ministre, Édouard Philippe). Après un passage prévu au Sénat, une adoption définitive de la loi par l’Assemblée nationale et donc sa promulgation étaient envisageables avant la fin de l’année 2020.
Il aura suffi que la pandémie de Covid-19 mette en péril la vie d’un nombre suffisant de citoyens et exige un confinement drastique de la population pour que le président Macron annonce dès le 16 mars 2020 la suspension de la réforme des retraites.
Ce chapitre revient sur les heurs et malheurs de cette réforme [Masson et Touzé, 2021]. La première section explique son principal contenu (nouveau système et modes de transition) après avoir rappelé l’architecture du système actuel. La deuxième section synthétise les principaux arguments du débat critique. Enfin, la troisième section donne quelques éléments de mise en perspective sur l’avenir possible de la réforme.
Le système de retraite français repose sur une multitude de régimes qui couvrent les travailleurs selon leur statut professionnel et dont les modes de financement et les règles de calcul du montant des pensions sont tout aussi disparates. Les quarante-deux régimes couvrent ainsi trois grandes catégories de travailleurs :
– les salariés du secteur privé : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) verse une pension de base financée à l’aide de cotisations prélevées sur la part de salaire sous le plafond de la Sécurité sociale (soit 40 000 euros bruts annuels) et l’Agirc-Arrco verse une pension complémentaire financée à l’aide de cotisations prélevées sur l’intégralité du salaire jusqu’à huit plafonds ;
– les fonctionnaires et assimilés : les régimes de la fonction publique d’État (FPE), des militaires, des administrations locales, de la fonction publique hospitalière et des entreprises publiques (SNCF, RATP, etc.) ;
– les non-salariés : les régimes des professions libérales, des artisans, des commerçants ou encore des exploitants agricoles.
Les régimes se distinguent par leur mode de financement :
– des régimes paritaires par répartition : des cotisations salariales et patronales sont prélevées sur les salaires bruts des travailleurs du privé (Cnav et Agirc-Arrco) pour financer les pensions courantes des retraités. Ils s’appuient parfois sur un fonds de réserve afin d’ajuster progressivement l’équilibre financier au vieillissement démographique ;
– des régimes d’employeur : ils sont principalement financés par une contribution d’équilibre de l’employeur ; c’est le cas des régimes spéciaux et des régimes des fonctionnaires ;
– des régimes par capitalisation : les cotisations versées sont investies dans des actifs financiers et non financiers ; les revenus du capital et la vente d’actifs permettent de financer les pensions versées. Ce mode de financement est ultra-minoritaire. On y trouve certaines pensions des non-salariés ainsi que, pour les fonctionnaires, le Régime additionnel de la fonction publique (RAFP) qui prélève des cotisations sur la prime, c’est-à-dire la part de la rémunération hors traitement indiciaire qui n’ouvre pas de droits à la retraite.
Un régime de solidarité (Fonds de solidarité vieillesse, FSV) complète l’édifice. Il permet de financer, entre autres, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ex-minimum vieillesse), le minimum contributif (garantie d’une pension minimum proportionnelle à la durée validée de cotisation) et les périodes non travaillées assimilées à des périodes cotisées (chômage, arrêts de travail, service civique, apprentissage, stage au titre de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi).
À la liquidation, possible dès l’âge de 62 ans (sauf exception), le calcul des pensions repose sur deux mécanismes :
– les prestations définies : la pension versée est établie à partir d’une formule qui applique un taux de remplacement sur un salaire de référence (CNAV : 50 % d’un salaire moyen brut calculé sur vingt-cinq meilleures années d’activité, FPE : 75 % du traitement indiciaire des six derniers mois d’activité) et la pension est pleine pour une durée de référence donnée (jusqu’à quarante-trois années pour les générations nées après 1973) au-delà ou en deçà de laquelle des majorations ou minorations s’appliquent ;
– les cotisations définies (Agirc-Arrco, certains régimes de non-salariés, RAFP) : les cotisations versées s’accumulent pour former un stock de points (ou un capital en euros pour un régime en capitalisation) ; ce stock de points ou ce capital est converti en rente au passage à la retraite.
En 2017, le slogan de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron « Un euro cotisé offre les mêmes droits quel que soit le statut » pose les bases de la réforme des retraites. Cette dernière s’inspire fortement de la proposition de Bozio et Piketty [2008] et vise à changer profondément les vieilles institutions françaises, à l’architecture plutôt complexe en particulier pour ceux qui ont cotisé dans plusieurs régimes. La réforme souhaite ainsi répondre à une attente citoyenne d’une plus grande égalité et d’une plus grande clarté sur la façon d’obtenir des droits à la retraite.
À l’issue des élections et de la formation d’un gouvernement sous l’autorité d’Édouard Philippe, Jean-Paul Delevoye, personnalité politique familière de la représentation économique et sociale, est nommé haut-commissaire à la réforme des retraites en septembre 2017.
La réforme votée en mars 2020 repose sur une loi ordinaire qui fixe le cadre général de la nouvelle structure et les dispositifs de transition entre le système actuel et le système universel de retraite ainsi qu’une loi organique d’équilibre financier par tranches de cinq ans à partir de 2027.
Le nouveau système est par points et par répartition : chaque euro cotisé rapporte donc des points qui s’accumulent progressivement sur un compte personnel de carrière. Au moment de la retraite, la valeur liquidative du point permet de convertir le capital accumulé en rente viagère. Le référentiel temporel pour calculer la retraite est modifié : un critère d’âge de liquidation remplace celui de durée de cotisation. En fonction d’un âge de référence universel (âge d’équilibre), fixé indépendamment de la pénibilité du poste occupé et susceptible d’augmenter pour chaque génération, la pension finale peut alors être majorée ou réduite.
La « justice » repose principalement sur une logique actuarielle : chaque euro cotisé procure les mêmes droits — principe certes trop général qui ne tient pas compte des cotisations patronales, des différences d’espérance de vie ou des droits dérivés (pension de réversion) et autres éléments de solidarité. La redistribution sociale se trouve toutefois renforcée grâce à l’adoption d’un minimum contributif plus généreux dont l’universalité doit permettre de garantir un objectif pour 2025 d’une pension minimale égale à 85 % du SMIC net pour une carrière complète cotisée. Cette pension minimum, non spécifique à un système par points, contribue à réduire les inégalités entre retraités.
Le système a aussi pour vocation d’être « super universel » puisque prévu pour absorber tous les régimes existants. Le système est censé ainsi couvrir les assurés jusqu’à trois plafonds de la Sécurité sociale ou trois PASS (soit 120 000 euros bruts annuels), assurant la très grande partie des retraites publiques — et donc des pensions des retraités en France. Le système universel atteindrait alors une taille exceptionnelle en comparaison des comptes notionnels suédois qui sont complétés par de nombreux régimes complémentaires d’entreprise pour une large part de la population.
Par ailleurs, la pension de réversion est calculée de façon à maintenir le niveau de vie de la personne veuve en garantissant 70 % de la pension totale du couple avant le décès.
La loi prévoit une longue et complexe période de transition :
– à partir du 1er janvier 2022 : les nouveaux entrants sur le marché du travail adhèrent au Système universel de retraite ;
– à partir de 2025 :
• les générations nées à partir de 1975 cotisent au Système universel de retraite (SUR) : chaque euro cotisé rapporte des points ; la valeur liquidative après application d’un éventuel bonus/malus dépend d’un âge d’équilibre. Pour ces générations, la pension finale est la somme de la « pension ancien système », proratisée de la durée dans l’ancien système, et de la « pension nouveau système » : les droits acquis dans l’ancien système ne sont pas convertis en points et sont liquidés selon les anciennes formules ;
• les générations nées avant 1975 n’adhèrent pas au nouveau système et liquideront les pensions selon les règles de calcul actuellement en vigueur. Toutefois, elles pouvaient se voir appliquer le même principe d’âge pivot conduisant à une pension réduite ou augmentée en fonction de l’âge de liquidation. Cet aspect a conduit la CFDT à retirer son soutien à la réforme. Une conférence sur l’équilibre et le financement des retraites devait proposer des solutions alternatives en avril 2020 mais ses travaux ont également été ajournés.
Les arguments [2] avancés par les opposants au système universel sont multiples et n’expriment en rien un front commun :
– un premier argument milite pour un retour contrôlé à la retraite à 60 ans dans le cadre d’un régime à prestations définies. L’idée est que les classes modestes, aux espérances de vie plus courtes, puissent jouir à part entière du « bel âge de la vie » du senior encore robuste (avant 75 ans), c’est-à-dire d’un droit collectif et social aux activités libres et épanouissantes après les contraintes du travail rémunéré ;
– un autre s’élève contre la logique d’individualisation inhérente au système universel contributif, où les droits sont attachés non plus au contrat de travail mais à la personne. Chacun sera alors prisonnier de son compte personnel de carrière, dont la révolution numérique facilitera le suivi. Les plus lésés seront les carrières hachées, les temps partiels, fréquents chez les femmes, qui ne seraient guère compensés par les « éléments de solidarité » introduits dans le projet de réforme : les inégalités de pensions reproduiraient, voire amplifieraient les inégalités de carrière ;
– une autre idée voudrait au contraire que l’on diffère toute réforme systémique pour se livrer d’abord à une réforme « paramétrique » qui repousserait l’âge de la retraite ou allongerait la durée d’activité. L’objectif premier serait d’assurer l’équilibre financier du système ou même de diminuer, par rapport à la richesse nationale, un poids des retraites qui grève le coût du travail et menace l’attractivité économique de notre pays ;
– une autre critique concerne l’universalité. L’instauration initiale de trois à quatre grands régimes (pour les salariés du public, les salariés du privé, les indépendants selon qu’ils possèdent ou non leur outil de travail) éviterait des transitions complexes. La convergence se ferait progressivement au cours du temps, de façon paramétrique, un peu comme cela a été le cas pour l’Agirc-Arrco, qui a résulté de la fusion de multiples régimes à points.
D’autres arguments de divergence sont apparus au sein même des promoteurs de l’universalité :
– une universalité jusqu’à trois plafonds de Sécurité sociale serait excessive. Le nouveau système devrait se limiter à un PASS, ce qui permettrait de le compléter par des régimes complémentaires professionnels — en adoptant ainsi, par parenthèse, une architecture assez proche de celle du système suédois où les comptes notionnels remplacent toutefois les comptes à points ;
– l’adjonction d’un âge d’équilibre uniforme détruirait l’objectif d’équité actuarielle du système universel proposé, à savoir une valeur liquidative des points qui dépend d’une mesure objective de l’espérance de vie à la retraite, espérance qui peut être très variable selon les individus ; 
– le système universel contributif proposé serait trop rigide : des règles communes pour les droits conjugaux, familiaux ou de réversion sont certes salutaires, mais l’imposition des mêmes taux de cotisation pour tous, ou encore celle d’un âge d’équilibre uniforme sont des mesures qui feraient fi des spécificités professionnelles notamment pour les indépendants ;
– si un système universel a le mérite d’être effectivement plus contrôlable, promouvoir une justice sociale nécessiterait de s’éloigner de la logique actuarielle, et donc du système contributif à points. Au-delà, la transparence et la maniabilité d’un système universel permettraient de lui conférer la vocation essentielle, dans un cadre à prestations définies, d’introduire plus de justice sociale en réduisant sensiblement les inégalités des pensions par rapport à celles observées entre revenus d’activité et en intégrant les différences catégorielles d’espérance de vie.
Le second semestre de l’année 2020 a été marqué par des prises de position contrastées de l’exécutif. Tout d’abord, le Premier ministre Jean Castex, tout fraîchement nommé, s’est engagé, le 17 juillet 2020, devant les partenaires sociaux à reporter la réforme, à adopter une « nouvelle méthode » de concertation tout en distinguant le « caractère structurel » de la réforme de son « volet financier ». Le contexte d’un déconfinement réussi a favorisé la prise de parole. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État aux Retraites et à la Santé au travail, a notamment déclaré le 31 août 2020 : « Je suis là pour faire cette transformation du système de retraite, donc oui, elle se fera avant la fin du quinquennat. »
Le retour de la crise sanitaire à partir de l’automne 2020 a temporisé les réactions des membres du gouvernement. Se sont ensuivies principalement des discussions sur le calendrier. Pour le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, la réforme des retraites est urgente : il « faut regarder quand et comment nous pouvons [l’]engager » (14 décembre) car « les faits sont têtus, vous ne pouvez avoir un régime des retraites qui reste déficitaire pendant des décennies jusqu’en 2045, sinon ce sont les retraites de nos enfants […] que vous mettez en péril ». Pour la ministre du Travail, Élisabeth Borne, au contraire, « la priorité absolue, c’est de sortir de la crise sanitaire, économique, sociale, de protéger les emplois » (29 novembre 2020). Quant à Richard Ferrand, président LREM de l’Assemblée nationale, il déclarait prudemment le 13 décembre 2020 sur France 3 que le système universel de retraite était une « excellente première réforme de deuxième quinquennat ».
Le début de l’année 2021 a fait l’objet de peu de communications gouvernementales sur le sujet en raison d’une priorité politique donnée au traitement sanitaire et économique de la crise de la Covid-19 et l’application du principe du « quoi qu’il en coûte » [3]. Toutefois, la déclaration du président Macron, le 3 juin 2021, a relancé le débat : ce dernier a laissé entendre que des avancées pourraient avoir lieu d’ici 2022 mais que la réforme systémique « ne pourra pas être reprise en l’état ». Cette formulation a fait réagir l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, pour qui « il faudra travailler plus longtemps », ce qui fait aussi ressurgir l’idée d’une simple réforme paramétrique de hausse progressive de l’âge minimum à 64 ans. Quoi qu’il en soit, le texte adopté par le Parlement en mars 2020 ne sera jamais promulgué dans sa version actuelle.
Pour réformer le système de retraite, il est important de revenir aux fondamentaux et de s’assigner deux objectifs clairs : 1) maintenir le niveau de vie à la retraite pour la pension contributive — il reste alors à identifier des référentiels cibles de revenu de cycle de vie, et donc de taux de remplacement adéquat, ainsi que de durée de cotisation et d’âge de liquidation « justes » et acceptables ; 2) garantir un niveau de vie minimal au titre de la solidarité.
Par ailleurs, rendre le taux de remplacement décroissant avec le revenu permettrait de tenir compte des inégalités d’espérance de vie et de faciliter ainsi des départs précoces à la retraite pour les travailleurs à bas salaire dont l’espérance de vie est souvent plus courte.
Enfin, un système de retraite doit pouvoir être à l’équilibre financier sur un horizon suffisamment long pour être crédible en termes de garantie de droits à la retraite. Les réformes passées (nivellement des droits à pension, hausses des taux de cotisation, de la durée d’activité requise et de l’âge minimal) ont amélioré la soutenabilité financière. Mais elles semblent insuffisantes et certaines ont des effets procycliques (telle l’indexation des pensions sur les prix plutôt que sur les salaires sous Édouard Balladur en 1993). L’adoption d’une règle d’or conjointe à la création d’une structure de gouvernance en charge de faire des propositions limiterait les stratégies de procrastination qui conduisent à traiter les problèmes financiers dans l’urgence plutôt qu’à les anticiper. Toutefois, un tel dispositif devrait être complété par des garanties constitutionnelles afin de limiter les craintes injustifiées des pensionnés.
Une réforme des retraites ne doit pas interdire la possibilité que les choix de carrière dépendent de droits à la retraite spécifiques attachés à certains métiers et qui contribuent à leur attractivité. Un individu peut ainsi accepter d’entrer dans la fonction publique à un niveau de salaire plus faible, en raison des perspectives de rémunération à l’ancienneté et d’une couverture retraite plus avantageuse. Un système plus juste n’est pas nécessairement un système identique pour tous.
Au-delà de l’approche comptable, il y a aussi une logique à ce que le financement par répartition se préoccupe de la productivité et de l’employabilité des travailleurs (en particulier celle des jeunes et des seniors), et donc de l’investissement dans l’outil productif, la R&D ainsi que le capital humain. La problématique du vieillissement ne s’arrête pas au partage de la valeur ajoutée entre les générations à travers le système de retraite par répartition, mais pose aussi la question de l’affectation de l’épargne nationale dans le système productif à long terme [Masson et Touzé, 2019]. Le Fonds de réserves des retraites (FRR), l’épargne retraite (loi Pacte) ainsi que l’assurance vie devraient être davantage mobilisés au service de la croissance et donc investis dans l’économie.
Au-delà du débat habituel sur le choix du système de retraite, la réforme portée par le président Macron a échoué en raison d’une crise sociale et sanitaire inédite qui a rendu plus difficile l’acceptation sociale d’une réforme « très ambitieuse, extrêmement complexe et du coup porteuse d’inquiétude » (Macron, 3 juin 2021). Cette crise a des conséquences inégalitaires intra- et intergénérationnelles dont on perçoit encore mal l’impact. Au niveau des retraites par répartition, la crise invite à revenir à l’objectif d’un « juste » partage des ressources entre les actifs et les retraités.
L’impact de chocs brutaux possibles qui se répètent (crise financière de 2008, Covid-19) devrait être envisagé. Il faudrait concevoir, en cas de telles circonstances exceptionnelles, des mécanismes solidaires qui garantissent que l’effort d’ajustement soit partagé entre générations. Outre la constitution à cet effet de réserves dédiées, cet effort ne devrait pas être supporté seulement par les actifs (comme dans les régimes à prestations définies), ni seulement par les retraités (selon une logique de cotisations définies). Un principe de type Musgrave — le ratio de la pension moyenne au salaire moyen net des cotisations serait maintenu à peu près constant — introduirait ici un entre-deux salutaire. La leçon plus générale est de faire comprendre aux actifs que les droits à la retraite en répartition sont des droits acquis, pour eux mais aussi pour les retraités, et à ces derniers que ces droits acquis sont néanmoins contingents, fonction de la capacité à payer des générations suivantes — de leur nombre, de leur taux d’emploi et de leur degré de qualification — , mais aussi de leur volonté à payer, notamment dans des circonstances exceptionnelles comme la crise sanitaire actuelle.  
[1] Par exemple, le 4 avril 2019, le sondage réalisé par l’Institut Elabe estimait que deux tiers des Français étaient « favorables à la création d’un système universel de retraite par points pour les salariés du public, les salariés du privé et les indépendants ». 
[2] Nous ne donnerons ici qu’une idée de la nature des désaccords sur le bien-fondé de cette réforme sans référencer les diverses positions émises par les experts, les responsables politiques et syndicaux, les économistes et les chercheurs d’autres sciences sociales. 
[3] D’après le Conseil d’orientation des retraites [2021], le déficit du système de retraite aurait atteint 18 milliards en 2020 et le poids des dépenses 14,7 % du PIB. Le conseil prévoit un retour progressif vers 14 %, le niveau observé avant la crise sanitaire. 
Repères bibliographiques
Bozio A. et Piketty T., Pour un nouveau système de retraite. Des comptes individuels de cotisations financés par répartition, Éditions Rue d’Ulm, Paris, 2008.
Conseil d’orientation des retraites (COR), Évolutions et perspectives des retraites en France, rapport annuel, juin 2021.
Masson A. et Touzé V., « Vieillissement et épargne des ménages. Comment favoriser une meilleure accumulation du capital ? », Revue de l’OFCE, n° 161, 2019. 
Masson A. et Touzé V., « Heurs et malheurs du système universel de retraite », Policy Brief de l’OFCE, n° 83, janvier 2021.  
 
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