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Par : Luca Bertuzzi | EURACTIV.com | translated by Arthur Riffaud
09-11-2022
La plainte concernant les pratiques déloyales de Microsoft en matière de licences logicielles a été déposée auprès de la Commission européenne mercredi (9 novembre) par l’association professionnelle des fournisseurs de services d’infrastructure cloud en Europe (Cloud Infrastructure Service Providers in Europe, CISPE), qui comprend Amazon Web Services (AWS) d’Amazon, le français OVHcloud et l’italien Aruba. [Wachiwit/Shutterstock]Langues : English | Deutsch
Le reproche fait depuis longtemps à Microsoft d’avoir fixé des conditions inéquitables pour l’exécution de services logiciels, tels que Windows, sur l’infrastructure cloud de ses concurrents pourrait donner lieu à un examen des règles de concurrence par l’UE suite à une nouvelle plainte.
La plainte concernant les pratiques déloyales de Microsoft en matière de licences logicielles a été déposée auprès de la Commission européenne mercredi (9 novembre) par l’association professionnelle des fournisseurs de services d’infrastructure cloud en Europe (Cloud Infrastructure Service Providers in Europe, CISPE), qui comprend Amazon Web Services (AWS) d’Amazon, le français OVHcloud et l’italien Aruba.
L’organisation industrielle est également l’un des principaux moteurs de l’initiative Gaia-X, un projet européen d’infrastructure de données.
L’accusation ne date pas d’hier, puisque plusieurs clients de Microsoft dans l’UE se sont plaints dès 2019 du coût prohibitif du fonctionnement de Windows et des applications du pack Office sur des plateformes de cloud autres qu’Azure, telles que Google Cloud et AWS.
Bien que Microsoft ait reconnu la validité de ces réclamations, peu de changements pratiques ont suivi. Par conséquent, l’association CISPE a engagé la charge contre l’entreprise, en commanditant en octobre 2021 un rapport analysant les pratiques anticoncurrentielles présumées de Microsoft et d’Oracle.
Le CISPE soutient en particulier que la position dominante de Microsoft sur le marché adjacent des licences de logiciels a été utilisée pour conférer au géant américain un avantage concurrentiel sur le marché des infrastructures de cloud computing.
En d’autres termes, Microsoft est accusé de mettre les services cloud rivaux en difficulté en facturant un prix plus élevé pour les logiciels de productivité, en empêchant les accords « Bring Your Own License » (« apportez votre propre licence », BYOL), en imposant des pratiques de facturation déloyales, en apportant des modifications a posteriori aux conditions de licence et en combinant des produits pour en augmenter le coût.
« Tirant parti de sa position dominante dans le domaine des logiciels de productivité, Microsoft limite les choix et gonfle les coûts alors que les clients européens cherchent à passer au cloud, provoquant ainsi des distorsions dans l’économie numérique européenne », a déclaré Francisco Mingorance, secrétaire général du CISPE.
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La plainte a été déposée suite à la tentative de l’association professionnelle de faire entrer les licences logicielles dans le champ d’application de la loi sur les marchés numériques (DMA). Ce règlement européen récemment adopté introduira une série de règles à suivre et à ne pas suivre pour les acteurs qui dominent tellement un marché en ligne dit critique qu’ils seront considérés comme « contrôleurs d’accès ».
Le CISPE considère que Microsoft fait office de « contrôleur d’accès », mais les pressions exercées par l’association soutenue par AWS ont échoué et le champ d’application du DMA n’a pas été changé en ce sens. Le seul outil dont disposait encore l’organisation professionnelle était donc une plainte anticoncurrentielle formelle auprès de la Commission européenne.
Afin d’apaiser les inquiétudes concernant les règles de concurrence dans l’UE, le fournisseur de Windows a accepté de modifier ses conditions de licence en août afin de permettre à ses clients d’utiliser les services logiciels de Microsoft sur l’infrastructure cloud d’un tiers.
« Les changements de licence que nous avons introduits en octobre donnent aux clients et aux fournisseurs de services cloud du monde entier encore plus d’options pour exécuter et offrir nos logiciels dans le cloud. Nous restons engagés à répondre aux préoccupations valables en matière de licences et à soutenir un environnement concurrentiel où tous les fournisseurs peuvent prospérer », a déclaré un porte-parole de Microsoft à EURACTIV.
Le CISPE estime toutefois que ces modifications des conditions contractuelles n’ont fait que rajouter de nouvelles pratiques déloyales en étendant les pratiques d’auto-référencement à davantage de services, en ne s’occupant pas de la liaison technique de différents services et en introduisant des obligations de rapport complexes.
L’association professionnelle a présenté une liste de solutions potentielles, notamment la mise en place d’un cadre de contrôle vérifiable pour tester la mise en conformité avec les « Dix principes pour l’octroi de licences logicielles équitables », une initiative menée par le CISPE et l’association professionnelle française Cigref.
Il appartient maintenant au service de la concurrence de la Commission européenne d’évaluer le bien-fondé de la plainte et de décider si une enquête formelle doit être ouverte à ce sujet.
L’exécutif européen a infligé à Microsoft une amende de plus de 1,6 milliard d’euros au cours de la dernière décennie pour violation des règles de concurrence. La grande entreprise technologique est confrontée à cinq autres plaintes émanant de concurrents dans le domaine du cloud, dont OVHcloud et Aruba.
Les législateurs européens se sont mis d’accord jeudi (30 juin) pour doter l’Union européenne de nouveaux pouvoirs en vue de mieux contrôler les investissements étrangers et empêcher des entreprises subventionnées par leur État d’exercer une concurrence déloyale.
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