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Jacques Cofard
19 octobre 2022
Paris, France — Les industriels du médicament sont vent debout contre le PLFSS 2023. Alors que l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 (PLFSS 2023) doit commencer en séance publique le jeudi 20 octobre prochain, les entreprises du médicament (Leem) ont fait savoir leur « très vive inquiétude » face aux premières mesures proposées pour réguler en 2023 la dépense inhérente aux médicaments en évoquant « un PLFSS 2023 totalement déconnecté des besoins de la population française en médicaments ».
Des mesures qui ne tiennent pas compte de l’inflation et mettent en danger l’innovation, la reconstruction de la souveraineté industrielle française et l’accès aux traitements, selon les intervenants.
« Les entreprises du médicament dénoncent un projet qui étouffe le secteur et menace l’accès aux médicaments », indique le Leem.
D’après l’article 29 du PLFSS, le montant de l’enveloppe dévolue aux dépenses afférentes aux médicaments remboursés est fixée à 24, 6 milliards d’euros pour 2023 et si ce montant était dépassé, alors les industriels se verraient contraints de verser une contribution. Or, la dépense réelle en 2022 devrait être de 26, 4 milliards d’euros, s’insurge le Leem.
Ce budget est « très éloigné des engagements du CSSIS (conseil stratégique des industries de santé) 2021 », a déclaré Thierry Hulot, Président du Leem, lors d’une conférence de presse.
 « En gros, il y a deux milliards d’écart entre la demande en médicaments remboursés par nos concitoyens et l’enveloppe budgétaire allouée. En confisquant toute croissance, ce PLFSS ne permet pas de répondre aux quatre enjeux majeurs que nous avons à relever : l’innovation, la reconstruction de notre souveraineté industrielle, l’inflation et la garantie de l’accès à l’ensemble des traitements ».
Karine Pinon, directrice générale du Laboratoire X.O, abonde : « Ce PLFSS ne tient pas compte du contexte inflationniste puisqu’il prévoit une baisse de prix de 800 millions d’euros. Les PME françaises du médicament sont en danger. Nous sommes pris en étau entre une augmentation des coûts de fabrication et un prix qui ne peut pas être adapté. La marge diminue mécaniquement et parfois n’est plus économiquement viable. Et pourtant ces PME françaises sont responsables de 35 % de la production des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (antihypertenseurs, antidiabétiques, produits d’urgence…). De ce fait, de nombreux produits risquent de ne plus être produit en France, mettant en danger notre indépendance sanitaire. »
Audrey Derveloy, nommée présidente de Sanofi France en aout dernier, pense, elle aussi, que ce PLFSS 2023 peut mettre en péril la position de la France au sein du secteur pharmaceutique européen : « La souveraineté industrielle de la France s’éloigne. Entre 1998 et 2008, la France occupait la première place dans les industries du médicament, maintenant elle est 4e. La France consacre 24 milliards d’euros aux médicaments alors que l’Allemagne propose une enveloppe de 44 milliards. Le médicament représentait 14% de l’Ondam il y a 10 ans, il ne compte plus que pour moins de 10%. »
« Avons-nous déjà oublié les leçons de la crise sanitaire ? Où est passée notre ambition de souveraineté sanitaire et industrielle ? », s’interroge Philippe de Pougnadoresse, Directeur Général France d’Ipsen « L’Inde et la Chine produisent 60 % du paracétamol mondial, 90 % de la pénicilline et 50 % de l’ibuprofène. Que se passera-t-il si les relations avec la Chine se détériorent ? ». Le PLFSS 23 « confiscatoire » est une douche froide en décalage total avec les projets de relocalisation, souligne-t-il.
« Nous devions mettre le paquet sur les innovations, mais le PLFSS 2023 est en décalage avec la vision inspirante du président Macron », note pour sa part Philippe de Pougnadoresse. De son côté, Corinne Blachier Poisson, général manager d’Amgen France, regrette que les médicaments innovants, tel que le stipule l’article 30 du PLFSS, soit soumis à un mécanisme forfaitaire.
Et en effet, « lorsque le prix demandé […] d’une spécialité […] concernant les médicaments de thérapie innovante […] est supérieur à un seuil fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, le coût de ce traitement est fixé par convention.
Pour la manager d’Amgen, « notre pays devient moins attractif pour les investisseurs. Les médicaments de thérapie innovante dans le PLFSS ont un nouveau cadre de remboursement qui prévoit un contrat de performance avec lequel nous sommes d’accord, mais met en place un mécanisme de paiement forfaitaire auquel nous nous opposons. Les associations de patients ont alerté sur le manque de disponibilité des nouveaux traitements contre la migraine et contre le cancer du poumon. Nous demandons d’adapter le budget du médicament. »
Lors de son intervention, Thierry Hulot a noté les inflexions récentes [du gouvernement] sur « certains articles particulièrement absurdes du PLFSS. »
Et en effet, depuis la conférence de presse, le gouvernement a annoncé que l’appel d’offres sur les médicaments en 2023 inscrit dans l’article 30, qui devait instituer un nouveau mode de régulation des dépenses de médicaments, allait être retiré.
Dans l’article prévu et qui avait suscité une noire colère des syndicats, les médicaments qui étaient référencés par le ministère suite à avis de la HAS pouvaient, à ce titre, être remboursés, alors que les médicaments comparables qui n’étaient pas sélectionnés pouvaient être exclus de la prise en charge .
Le 17 octobre, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont été informées par le ministère de la Santé qu’un amendement allait être déposé cette semaine pour supprimer ce référencement des médicaments.
Pour les industriels du médicament, ce système d’appel d’offres risquait d’inciter les laboratoires à délocaliser la production de médicaments génériques et pour les syndicats de pharmaciens d’officine, il augmentait le risque de pénuries de médicaments en limitant les sources d’approvisionnement. Par ailleurs, le dispositif d’appel d’offres aurait entrainé la disparition des remises génériques qui constituent une part importante du chiffre d’affaires des pharmacies, selon les experts.
« Nous constatons que le gouvernement a compris le danger de certaines mesures élaborées, en chambre sans aucune concertation par son administration, mais le sujet de fond reste entier tant qu’aucune réponse n’est apportée quant au montant de l’enveloppe allouée aux médicaments », a conclu Thierry Hulot.
La voix des industriels du médicament sera-t-elle entendue par les parlementaires ? Il faudra attendre jeudi prochain pour le savoir.
 
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le PLFSS 2023 va-t-il mettre en danger l’accès aux médicaments ? – Medscape – 19 oct 2022.
Jacques Cofard n’a pas de lien d’intérêt en rapport avec le sujet.
Traitement….

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