Dans un précédent billet (Sobre & Utile, le numérique prépare sa révolution touristique), le constat était fait d’une nécessaire révolution des stratégies numériques, afin que les OGD tendent vers un numérique moins impactant et plus utile. Cet article prend la suite et liste un certain nombre de recommandations pour un numérique plus sobre.  
Si l’on s’en tient à l’adage “Abondance de biens ne nuit pas”, il vaut mieux en avoir plus que nécessaire. Pourtant cette abondance nous questionne à l’heure de la rationalisation des moyens humains et financiers, à l’heure de la nécessaire et imposée sobriété énergétique. 
Notre sujet est bien là, le numérique nécessite des moyens financiers, humains et matériels. Et comme toute activité anthropique, il émet des gaz à effet de serre. 
Mais alors comment engager cette bascule, plus ou moins radicale, et penser l’activité numérique des OGD ainsi que leurs écosystèmes digitaux avec plus d’efficience ? 
Tout ce qui est fabriqué par l’homme émet des gaz à effet de serre. La raison est simple, toute production nécessite de l’énergie et cette dernière sera plus ou moins impactante selon son origine fossile, nucléaire ou renouvelable.  
Le numérique n’est pas un nuage virtuel flottant dans l’atmosphère, il nécessite de lourdes infrastructures pour fonctionner. 79% de l’impact carbone du numérique français est la conséquence de la fabrication des terminaux, de l’infrastructure réseau ou encore des data-centers. Les vingt pour cents restants sont répartis entre la distribution et l’utilisation du numérique. 
Mais alors, de quelle marge de manœuvre disposent réellement les OGD pour réduire leur impact carbone numérique ? 
Pour essayer d’y voir plus clair, prenons l’exemple concret d’une publication sur Instagram d’une destination touristique et essayons de décortiquer ses différents postes d’émissions de CO2.  
Première étape, la production. Cette publication a nécessité de la création et un tournage a donc été organisé. Une équipe, et pourquoi pas de figurants, se sont déplacés. Ce trajet a émis du CO2, en quantité plus ou moins importante selon le type de transport emprunté. Ensuite, le matériel utilisé (boitiers, objectifs, cartes mémoires et disques durs) a aussi son propre bilan carbone.  
L’équipe a dû déjeuner, se loger, peut-être même faire des activités. Tout cela participe aussi à l’impact CO2 de notre publication Instagram.  
Bien sûr, il est nécessaire de pondérer chacun de ces postes d’émissions et de les diviser par l’ensemble des livrables. On dispose alors du premier socle de l’impact carbone de notre publication Instagram. 
Deuxième étape: le travail du community manager, qui via ses actions quotidiennes aura aussi son propre impact. On peut imaginer qu’un ODG réalise le bilan carbone de sa structure et calcule ainsi l’impact CO2 journalier de ses collaborateurs. Reste à ramener le temps passer par notre community manager à la création, la publication et l’analyse du post Instagram pour calculer sa part dans l’impact carbone de ce dernier.
Troisième étape, la part directe du numérique. Se pose tout d’abord la question du format. S’agit-il de vidéo ou de photo ? En effet, l’impact de la vidéo sera nettement plus important. La résolution de la vidéo joue aussi énormément puisqu’entre un format 4k et 720px, l’impact ne sera pas le même. Ensuite la consommation du contenu par les utilisateurs. Tout d’abord, le nombre de personnes qui voient cette publication. Ensuite, quelle est la part du visionnage entre des connexions mobiles ou via le wifi ? Là encore, l’impact carbone ne sera pas le même. Enfin, le stockage de ce contenu sur les serveurs de Meta comptera dans le bilan carbone de la publication. 
En résumé, l’impact carbone de notre publication Instagram se répartira de cette façon : 
La mesure précise des émissions de carbone de chacune de ces phases est fastidieuse et imparfaite. Pourtant, la solution à l’ensemble de ces impacts tient un mot : efficience.  
Appliquée à la production, une approche efficiente nous invite tout d’abord à se poser la question du recyclage de contenu. Quand écologique rime avec économique. La question des droits de diffusion et de leur durée est ici cruciale. Le choix du prestataire (localisation, engagements, …) et l’organisation du tournage doivent être pensés afin de limiter les émissions de CO2. 
Pour les autres maillons de la chaîne, une approche efficiente prendra en compte le temps passé par le community manager et l’attention portée à la diffusion. Cela en limitant le poids du contenu et en affinant son ciblage afin de toucher les bonnes personnes et ainsi éviter les affichages de message inutiles. Même si la consultation du contenu est très dépendante des audiences touchées, on pourra par exemple poster la publication à une heure où les audiences ont plus de chances d’être à leur domicile, connectée à leur réseau wifi.   
Essayons à présent de lister un certain nombre de lignes directrices, applicables aux écosystèmes numériques des OGD, autour des 4 axes suivants : briques techniques, production des contenus, intégration des contenus et diffusion des contenus. 
C’est principalement au niveau des sites web de destination que ça se passe. Tout d’abord, sur la question de l’éco-conception.
Ce doit être une démarche globale qui impacte tout le cycle de vie du site web, du tout début du projet jusqu’à sa fin de vie. La priorité absolue est d’avoir conscience que plus un site va être éco-conçu, moins il va polluer, mais également plus il va être rapide à charger et obtenir une meilleure optimisation SEO; les bénéfices sont donc multiples et justifient pleinement les contraintes. 
Parmi les concepts d’éco-conception qui doivent être prioritairement pris en compte :
Du côté de l’hébergement du site, la meilleure chose à faire est de s’orienter vers un hébergeur “vert” engagé dans une politique durable (alimentation électrique, refroidissement sans clim, politique d’achats matériels et cycles de vie…) Voici une liste d’hébergeurs engagés dans ce type de démarche : www.thegreenwebfoundation.org/directory
Enfin, en finir avec des cycles de vie de site internet de destination de 3-5 ans qui n’ont aucun sens. Privilégier les investissements durables qui permettent d’exploiter les sites sur 7-10 ans dans une logique d’amélioration continue, avec des rafraîchissements graphiques réguliers. Ca passe par le choix d’un socle technique adapté, d’une agence web capable de réaliser une telle démarche, mais aussi par une planification budgétaire et fonctionnelle sur la durée (ventilation des investissements sur la durée, les enrichissements fonctionnels arrivent au fil du temps)
Parfois déconsidérés, les contenus ont pourtant un rôle majeur dans la promotion touristique. Nous aurons l’occasion de revenir sur le fond des messages à porter et leur utilité au tourisme responsable, mais regardons déjà comment rendre leur production plus efficiente. 
Tout d’abord, le cycle de vie des contenus
Une fois ces réflexions engagées, place aux tournages. Qu’ils soient réalisés par les équipes de l’OGD ou par des prestataires, plusieurs éléments sont à prendre en compte. 
Tout d’abord, intégrer la notion de sobriété éditoriale qui prône la limitation du nombre de contenu à ce qui est réellement utile. En effet, une part considérable des pages d’un site web n’est jamais ou très rarement consultée. Alors à quoi bon les produire, les intégrer, les héberger ? Même chose sur les réseaux sociaux, une réflexion systématique sur l’utilité d’une publication s’impose. Pas sûr que l’argument de tenir coûte que coûte un rythme de publication réponde à cette notion d’utilité.    
L’optimisation des médias sur le site web est un autre point majeur : c’est du ressort de l’agence web de proposer un mécanisme de compression automatique optimal avec le meilleur compromis qualité / poids.  Du côté des réseaux sociaux, le choix des formats et leur optimisation sont tout aussi essentiels. Avant d’être mise en ligne, une vidéo doit être suffisamment compressée. Avec plus de 90% de connexions mobiles, les RS n’ont pas besoin de contenu vidéo en 4K. 
On peut simplifier ainsi la formule de calcul de la pollution numérique : émissions de CO2 par support x volume d’impressions. 
La pollution unitaire peut bien évidemment varier selon le type de support et les formats utilisés (elle ne sera pas la même entre une vidéo en story sur Instagram, un carrousel dans le fil d’actualité Facebook ou un lien sponsorisé sur Google). Ensuite, tout se joue sur le nombre d’affichages des messages. 
Une fois le travail sur l’optimisation des contenus effectué, c’est au niveau des ciblages publicitaires qu’il est possible d’agir. Et là, vous l’aurez deviné, le bon vieux matraquage bien bourrin n’a plus sa place. Place aux plans de campagne réellement pensés sur le parcours d’achat et aux taux de répétition réduits. Le bon message, à la bonne personne et au bon moment n’a jamais été autant d’actualité.   
Et pour analyser tout ça, nous pourrions par exemple croiser un CO2eqPM (émissions de CO2 pour mille impressions) avec le nombre bon vieux CPM (coût pour mille impressions).

Dans ce billet nous nous sommes concentrés sur la question du Green IT, mais le numérique responsable concerne aussi les sujets d’éthique, d’inclusivité, d’accessibilité. Et il est tout aussi important d’intégrer ces notions comme objectifs prioritaires de cette révolution numérique. 
Enfin, la pollution numérique d’un OGD dépasse rarement 1% de la pollution de son activité touristique. Un travail titanesque s’annonce pour rendre l’offre touristique encore plus responsable. Et le numérique doit apporter sa pierre à cet édifice : un numérique sobre et utile au tourisme responsable.
Etourisme.info : depuis 15 ans, votre blog suit la transformation du tourisme. L’association regroupe une Rédaction de 20 auteurs passionnés ainsi que des rédacteurs invités, tous bénévoles.
© 2021 – etourisme.info
Tous droits réservés
Réalisation ARTGO Média
 
Crédits & Mentions légales

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :