La jeunesse coréenne lutte pour trouver sa place dans cette aventure entrepreneuriale pleine d’émotions. Critique de la série Itaewon Class, disponible sur Netflix.
Diffusé sur JTBC début 2020 et visible sur Netflix, Itaewon Class a rencontré un joli succès dans son pays comme à l’international. Il faut dire que le drama nous embarque dans une quête de réussite épique et captivante sur fond de lutte des classes, à la faveur d’un récit abordant intelligemment le thème des discriminations, tout en restant centré sur ses personnages. Si le scénario s’égare un peu dans le dernier acte, cette success-story séoulite n’en demeure pas moins pleine de charme et de sentiment. Et l’on reste marqué par la force de conviction de son héros incarné par Park Seo Joon, formidable.
Fils d’un chef cuisinier, Park Saeroyi (Park Seo Joon) est incarcéré pour avoir tabassé Jang Geun Won (Ahn Bo Hyun), un ancien camarade de classe. Responsable de la mort de son père, celui-ci est aussi le fils de Jang Dae Hee (Yoo Jae Myung), PDG du puissant groupe de restauration Jangga. A sa sortie de prison, Saeroyi décide de fonder un restaurant, DanBam, dans le quartier d’Itaewon à Séoul. Son but ? Réussir et prendre sa revanche sur le groupe Jangga en le battant sur son propre terrain. Alors que son commerce peine à décoller, il attire l’attention de Jo Yi Seo (Kim Da Mi), une jeune fille populaire sur les réseaux sociaux et qui décide de tout faire pour l’aider à atteindre son rêve.
Itaewon Class est la première série TV produite par Showbox, le célèbre distributeur de films coréens. L’entreprise est un succès : de 4,98 % d’audience au premier épisode, Itaewon Class atteint le score de 16,54 % en fin de parcours. Avec son casting emmené par le très bon Park Seo Joon (What’s Wrong With Secretary Kim?), le drama a également trouvé son public dans le monde entier sur Netflix.
Comme souvent dans les dramas coréens, l’action débute par une affaire d’injustice et d’oppression des plus faibles par les puissants. Au lycée, Saeroyi se révolte contre la manière dont Geun Won traite l’un de leurs camarades de classe et lui met son poing dans la figure. Sommé de s’excuser, il refuse de courber l’échine devant le père de Geun Won, une décision qui marque le début d’un enchaînement d’événements catastrophiques.
Itaewon Class aurait pu s’enfermer dans un classicisme excessif, avec ses premiers épisodes consacrés aux drames passés justifiant la soif de vengeance de son héros – un procédé abondamment utilisé dans les k-dramas. Mais le scénariste Jo Gwang Jin, qui adapte son propre webtoon, sait exactement où il veut en venir avec cette introduction. En quelques scènes se dessinent les thèmes principaux du drama : dans Itaewon Class, il est question de garder la tête haute face aux discriminations sociales, de ne pas céder sur ses principes et de vivre librement, selon ses propres choix.
En orchestrant la lutte business sur dix ans entre DanBam, le restaurant de Saeroyi, et son opposant Jangga, Itaewon Class parle de cette jeunesse coréenne qui doit parfois lutter contre ses aînés pour s’accomplir, de cette jeunesse qui doute. L’aventure s’avère palpitante de bout en bout. Servi par la réalisation sobre de Kim Sung Yoon (Love In The Moonlight), le drama joue sur un découpage rythmé sans être frénétique, qui sait s’attarder sur les moments signifiants dans le cheminement de son héros.
Saeroyi n’est pas riche, mais il n’est pas pauvre non plus, puisqu’il réussit à fonder son entreprise. Son parcours est semé d’embûches : il doit se faire une place en tant qu’outsider dans un milieu où les connexions font la loi. Il lui faut construire son projet d’entreprise, aussi bien sur le plan du métier que des finances, de l’immobilier ou encore du marketing. Pour ce faire, Saeroyi s’entoure d’un petit groupe de jeunes gens qui partagent avec lui, pour diverses raisons, le sentiment d’avoir été marginalisés.
Saeroyi aura-t-il la passion nécessaire pour faire aboutir son projet ? Les liens humains qui se nouent autour de lui feront-ils la différence ? Le combat oppose deux philosophies d’entreprise, l’une valorisant le respect des employés et l’acceptation de leur singularité, l’autre prônant un système ultra hiérarchisé et dictatorial à l’ancienne.
La force du scénario est de maintenir son cap jusqu’au bout, à l’image de Saeroyi qui a établi un plan sur quinze ans. Sa quête est le fil rouge du drama, mais une place est accordée au développement de chaque personnage. De Yi Seo, la manager au caractère antisocial, à Geun Soo (Kim Dong Hee), le fils illégitime de Jang Dae Hee, en passant par Soo Ah (Kwon Na Ra), une orpheline aidée par le père de Saeroyi mais passée du côté de Jangga, les protagonistes sont tous confrontés à la nécessité de choisir la voie qu’ils vont suivre et la personne qu’ils vont devenir.
C’est à travers cette grille de lecture que sont abordés, au fil des histoires individuelles, différentes formes d’oppression sociale, telles que le racisme, la transphobie ou la discrimination par la naissance. D’une telle ambition, on pouvait craindre d’assister à un catalogue de cas visant à nous asséner un discours militant. Il n’en est rien. Itaewon Class se concentre sur les émotions des personnages et les liens humains, ce qui donne d’autant plus de force à toutes ces expériences douloureuses, qui forment autant de petites histoires émouvantes dans la grande histoire.
Itaewon Class doit en partie son identité à son décor. Celles et ceux qui ont déjà voyagé à Séoul auront forcément fait un détour par ce quartier foisonnant de restaurants et de bars en tous genres, et dont la vie nocturne mérite d’être expérimentée au moins une fois dans une vie. Avec sa population cosmopolite et son ambiance festive, Itaewon symbolise les aspirations de ces jeunes gens qui rêvent de nouveaux horizons et leur volonté d’être acceptés tels qu’ils sont.
On regrettera seulement que le dernier acte s’égare dans une péripétie inutile, occasionnant un virage temporaire assez malvenu vers le thriller. Le dernier épisode, qui s’étale sur près de 1h30, offre cependant des moments forts permettant à la série de remplir son contrat vis-à-vis du spectateur qui s’est passionné pour l’affrontement personnel de Park Saeroyi et sa bande avec le clan Jangga.
Park Seo Joon trouve avec Itaewon Class un rôle à la mesure de son talent, peut-être son meilleur à ce jour. Connu surtout pour ses romances (What’s Wrong With Secretary Kim?, Hwarang), malgré quelques détours par le thriller au cinéma (Midnight Runners), il s’impose avec naturel dans le registre dramatique grâce à un jeu qui a gagné en finesse avec les années.
Avec sa droiture morale et sa maladresse dans les relations humaines, Saeroyi est un personnages très incarné, du genre qui laisse une empreinte après le visionnage de la série. Il faut dire que le réalisateur Kim Sung Yoon, soutenu par le superbe travail du chef opérateur, sait filmer le regard et saisir la force tranquille de son acteur principal.
Itaewon Class révèle également la jeune actrice Kim Da Mi (The Witch: Part 1. The Subversion), qui fait une jolie composition dans le rôle de Yi Seo. Elle imprime à cette jeune fille qui peine parfois à comprendre les émotions des autres un ton et une sensibilité bien à elle, ne serait-ce qu’avec cette pointe de cynisme qui étincelle dans ses yeux.
Cette sensibilité vient contrebalancer les regards de femme fatale d’Oh Soo Ah, interprétée par Kwon Na Ra (Royal Secret Agent), qui relève honorablement la tâche d’interpréter l’un des personnages les plus difficiles à apprécier de la série. Soo Ah ne se définit pas uniquement par son triangle amoureux avec Saeroyi et Yi Seo, mais aussi par sa relation d’emprise avec Jang Dae Hee. Elle participe d’ailleurs à nuancer ce méchant interprété par Yoo Jae Myung (Stranger), excellent en père tyrannique et incarnation de la pire facette du capitalisme, celle qui écrase les plus faibles.
On retiendra aussi Ahn Bo Hyun (Kairos), parfait en minable qui arrive presque à nous émouvoir par sa relation toxique avec son père, Kim Dong Hee (Extracurricular), qui joue la carte de l’ambiguïté, Lee Joo Young (Times), qui convainc par un jeu ultrasensible, et Ryu Kyung Soo (Lovestruck in the City), dont le personnage force la sympathie avec ses idées un peu conservatrices.
Cerise sur le gâteau, Itaewon Class nous gratifie d’une pelletée de caméos sympathiques, à commencer par celle de Son Hyun Joo (The Good Detective), très émouvant dans le rôle du père de Saeroyi, mais aussi de Yoon Park (Search) en client exécrable, Seo Eun Soo (Missing: The Other Side) en candidate pour un poste de serveuse, Park Bo Gum (Record Of Youth) en jeune chef et bien sûr l’animateur TV Hong Suk Cheon, figure incontournable d’Itaewon boycotté du showbiz à cause de son homosexualité (son restaurant à Itaewon, que j’ai eu l’occasion de tester, a malheureusement fermé ses portes cette année).
Un dernier mot sur la bande son d’Itaewon Class, l’une des plus marquantes de l’année, qui nous gâte avec des titres rock galvanisants interprétés par Woosung (You Make Me Back), Gaho (Start Over) ou encore The Vane (No Break), et par de merveilleuses ballades émotionnelles chantées par Kim Feel (Someday, The Boy), Lee Chan Sol (Still Fighting It), Sondia (Our Souls At Night) ou encore V de BTS (Sweet Night).
Elodie Leroy
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