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Sortie ce mercredi sur Netflix, sa fable écolo avait semé la zizanie au Festival de Cannes. Nous en avions profité pour sonder son étrange personnalité.
Temps de lecture : 7 min
Sa voix est douce, à l’image de son regard bienveillant et de son allure juvénile, tandis que sur l’intérieur de son poignet droit sont tatoués les mots « femme et fils ». Bong Joon-ho, réalisateur superstar du cinéma coréen avec Park Chan-wook, ressemble à une antithèse vivante de ses films imbibés de colère, de violence et d’angoisses intimes ou contemporaines. Même The Host, Snowpiercer et Okja, ses œuvres les plus conciliables avec un large public, charrient leur lot de plans-chocs et de thèmes inconfortables, et l’on n’est pas près d’oublier les éclairs sanguins de ses thrillers Memories of Murder (qui ressort en salle le 5 juillet) ou Mother (une mère castratrice cherchant à prouver l’innocence de son fils accusé de meurtre).
Un peu bêtement, on craint de croiser un cinéaste taiseux et torturé, comme son confrère Park, mais, face à nous, Bong Joon-ho, solaire et serein, évoque davantage un jeune Spielberg volubile auquel Tarantino l’avait comparé : « De tous les réalisateurs de ces vingt dernières années, il a quelque chose du Spielberg des années 70 », avait dit le réalisateur de Reservoir Dogs en 2013. La comparaison, qui a depuis fait le tour des gazettes et a catalogué un peu trop rapidement Bong comme « le Spielberg coréen », fait cependant plaisir à notre interlocuteur : « Je suis évidemment extrêmement honoré. J’adore particulièrement ses films des années 1970 et 2000. Mais, quand je revois ses plans si aiguisés, je me dis que je suis quand même encore très loin de lui. Faire un Rencontres du 3e type, ce serait mon rêve. On m’a déjà proposé des scénarios à base d’extraterrestres, dont Premier Contact, mais je n’ai pas pour habitude de tourner des films que je n’ai pas moi-même écrits. Il faudra donc que l’idée vienne de moi. »
Disponible dès aujourd’hui pour les abonnés de Netflix dans 190 pays, Okja est le sixième long-métrage d’un cinéaste trempant régulièrement ses intrigues dans l’encre du militantisme écolo. Après le monstre marin nourri aux déchets toxiques de The Host et la boulette scientifique aboutissant à une nouvelle glaciation dans Snowpiercer, voici le super-cochon élevé aux hormones par une multinationale américaine cachant de sales méthodes derrière une façade bio friendly. Magnifiquement poétique et miyazakien dans sa partie coréenne, Okja bascule dans un rythme plus frénétique et polémique lorsque son héroïne, la jeune Mija, part à New York pour sauver sa truie fétiche des griffes du méchant consortium.

Depuis l’annonce de sa sélection en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, cette fable tragi-comique suscite une intense polémique auprès des exploitants de salles, ulcérés que le film soit exclusivement réservé aux abonnés à la plateforme de streaming. La bronca s’est poursuivie ces derniers jours : dans le cadre du Festival SoFilm Summercamp, sept projections uniques et gratuites étaient prévues, entre ce 28 juin et le 6 juillet à Paris, Bordeaux et Nantes, par des salles « rebelles » désireuses avant tout d’offrir aux cinéphiles l’opportunité ponctuelle de vivre l’expérience sur grand écran. Soumises à des pressions corporatistes, deux d’entre elles, le Max Linder et le Forum des images à Paris, ont finalement déprogrammé Okja, suscitant à leur tour l’ire des spectateurs et d’une partie des distributeurs « pro-Netflix », persuadés que le géant du streaming est une chance pour le cinéma plutôt qu’une menace.
« Je ne savais pas qu’il existait, en France en 2017, une censure politique visant un festival qui est là pour promouvoir les œuvres et les artistes », se désole Manuel Chiche, patron du distributeur The Jokers et proche de Bong Joon-ho. Lequel, à Cannes, semblait dépassé par l’ampleur de la polémique : « Quand James Cameron a fait Avatar en 3D, des gens ont pensé que le cinéma se porterait très mal à cause de ça et, finalement, les choses se sont tassées », nous expliquait-il. « Il y aura toujours de la place pour les films en streaming et ceux qu’on verra en salle. C’est juste une nouvelle façon de faire le cinéma et de le voir, elle s’additionne aux autres et ne se substitue pas à elles. Mon chef opérateur, Darius Khondji, et moi-même avons tourné Okja comme si on faisait un film destiné à la salle parce qu’on se dit que, si un film est beau à regarder sur grand écran, il le sera forcément sur un iPad. » Et Bong d’ajouter que seul Netflix a consenti à lui accorder les 50 millions de dollars nécessaires pour faire Okja, tout comme une liberté créative totale, quand d’autres grands studios posaient comme condition préalable la suppression des scènes les plus glauques du script.

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Lucy Mirando (Tilda Swinton), symbole des dérives de l’industrie agro-alimentaire brocardée dans Okja. © Netflix

Le dernier tiers d’Okja s’avère effectivement plus glauque lorsqu’il montre frontalement le traitement inhumain réservé aux bêtes par la Mirando Corporation. L’oppression des forts sur les faibles est un thème récurrent dans la filmographie de Bong Joon-ho, enclin aussi à brocarder « les dérives du capitalisme qui, dans Okja, sont responsables de la dégradation des relations entre l’homme et le monde animal ». La violence d’un système, ce fils d’une institutrice et d’un designer graphique (décédé juste avant la projection cannoise d’Okja – « C’est mon premier film qu’il ne verra pas ») l’a bien connue dès l’enfance : « La dictature militaire était toujours au pouvoir en Corée quand j’étais au lycée. La démocratie n’a été instaurée qu’en 1993 et mes amis et moi avons vraiment vécu ces bouleversements politiques. Les manifestations à la fac réprimées violemment, les gaz lacrymogènes, je les ai vécus. La violence m’angoisse parce que je l’ai vécue depuis l’enfance à l’école, où les professeurs battaient traditionnellement leurs élèves. »
N’allez pas croire pour autant que son diplôme en sociologie a nourri sa fibre politique : « Je ne connais absolument rien à la sociologie. À la fac, j’ai passé mon temps dans les ciné-clubs et les cinémathèques, je me suis beaucoup amusé ! » Le 7e art, Bong Joon-ho l’a surtout connu… à la télévision (tiens !), où les visions de Psychose et Le Salaire de la peur, à l’adolescence, vont le traumatiser à jamais. Sa mère, obsédée par l’hygiène, lui défend d’aller dans les cinémas, qu’elle prétend truffés de bactéries à cause de l’obscurité des salles. Plus tard, elle refusera (et refuse toujours) de voir Mother, où elle a l’impression que son fils a réglé des comptes avec elle. Le cinéaste nie farouchement. La psychanalyse raffolerait certainement du patient Bong… De son passé traumatique, ce grand garçon de 47 ans aurait conservé une discrète mélancolie : « Il a une face plus sombre, on sent en lui parfois des accès de déprime et un besoin de solitude, d’évasion, comme s’il ne voulait pas faire subir à ses proches ces moments d’introspection », confie Manuel Chiche, qui le connaît vraiment depuis Snowpiercer (le transperceneige).

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Memories of Murder (2004) : considéré comme le chef d’oeuvre de Bong Joon Ho, ce thriller sur la traque d’un serial killer ressortira en salles le 5 juillet prochain, dnas une version restaurée.

« Mais, la plupart du temps, c’est un homme jovial et iconoclaste, poursuit Chiche. Il aime répondre à des mails par des messages enregistrés ou des vidéos où il mime ses émotions. Et il adore faire des blagues, comme le soir de l’avant-première parisienne du thriller marin Sea Fog-Les Clandestins (produit par Bong Joon-ho et distribué chez nous en 2015 par Chiche, NDLR) où je reçois soudain un appel de Bong, pensant qu’il était en Corée. Il était en fait juste derrière moi, accompagné de Darius Khondji (futur chef opérateur d’Okja, NDLR), qu’il m’a présenté. » Les trois hommes improviseront une virée bien arrosée au mezcal, au cours de laquelle naît l’idée d’une restauration numérique de Memories of Murder.
« J’ai dit à Bong ce soir-là que j’adorerais ressortir en salle ce film, qui est pour moi son sommet et n’était sorti qu’en version 35 mm. Contre cette promesse, il s’est engagé de son côté à travailler sur la création d’une version numérique du film avec son chef opérateur coréen. Ça aurait pu rester une conversation entre deux types éméchés, mais Bong a tenu parole et voilà : on ressort Memories en salle. En plus d’être un grand artiste, c’est quelqu’un d’extrêmement droit et fidèle. Un homme d’honneur. » Et un cinéaste coutumier des ruptures de ton, capable de passer, dans un même film, d’ambiances pastorales lumineuses dans la campagne coréenne à l’horreur étouffante d’un abattoir aux allures de camp d’extermination. Épuisé par une promotion marathon du film entre l’Europe et les États-Unis, mais aussi par tout le ramdam cannois, Bong Joon-ho vient tout juste de regagner ses pénates à Séoul. Fini les coproductions internationales à la Snowpiercer et Okja : son prochain film, Parasite, sera « un petit budget 100 % coréen et se déroulera au sein d’une famille très étrange, avec du sexe, de la violence, ce sera fou ». Bong aux deux visages…
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