Avec les security tokens, les cryptos feront bientôt leur entrée en bourse En digitalisant les actifs financiers, ces jetons permettent de réaliser des transactions quasi-instantanées. Ils intéressent à la fois les exchanges crypto et les financiers.
Dans le monde des tokens (ou jetons) il y a trois grandes familles : les tokens de paiement, les utility tokens et les security tokens. Les premiers, sont, comme leur nom l'indique, utilisés comme des moyens de paiement, les seconds donnent accès à un service ou un droit de vote tandis que les troisièmes s'apparentent à une représentation digitale d'un actif jusqu'ici disponible en version papier ou électronique. Dans la famille des security tokens, il y a deux fratries (vous suivez ?) : les "nouveaux" security tokens qui servent à créer des services financiers décentralisés (par exemple Dharma Protocol qui permet à n'importe qui d'émettre de la dette sans recourir à un tiers) et les securities existants (titres financiers) qui sont tokenisés et enregistrés sur une blockchain. 
Mais pourquoi transformer des actions ou autres obligations en jetons ? Il y a plusieurs avantages. Tout d'abord, la "tokenisation" permet de diminuer les frais de commission grâce à des coûts techniques réduits. Et l'utilisation de smart contracts (des programmes autonomes qui exécutent automatiquement des actions validées au préalable par les parties prenantes) permet de réduire le coût de gestion des actifs (processus de distribution, de collecte…). Et qui dit moins d'intermédiaires, dit plus de rapidité d'exécution des transactions. Autres avantages : l'accès à une base d'investisseurs plus large et la libre exposition au marché. "Avec les security tokens, les détenteurs d'actifs commercialiseront avec quiconque est connecté à Internet, à condition de respecter les réglementations", résume l'investisseur Anthony Popliano dans un post Medium.
"Avec les security tokens, les détenteurs d'actifs commercialiseront avec quiconque est connecté à Internet"
Les "security tokens existants" ont donc un fort potentiel… et peuvent rapporter gros. Rien que la capitalisation globale des marchés d'actions équivaut à 79 000 milliards de dollars, selon la Banque Mondiale. De plus, le monde des crypto et le monde financier commencent à se rencontrer. "La bulle crypto en décembre-janvier a fait basculer beaucoup de choses. Les acteurs traditionnels, et notamment les financiers, ont  compris que la crypto était un sujet sérieux. Beaucoup se sont dits : 'on ne va pas laisser ça aux autres'", souligne Clément Jeanneau, cofondateur du cabinet spécialisé Blockchain Partner et d'ICO Mentor, société spécialisée dans l'accompagnement de projets d'ICO. Certains fonds d'investissement et family offices ont commencé à investir dans les crypto mais sans provoquer un raz-de marée. "Les security tokens sont une nouvelle possibilité pour les acteurs traditionnels de s'intéresser aux crypto-monnaies", estime Clément Jeanneau.
Les opérateurs boursiers sont les mieux partis pour être les premiers institutionnels à faire coexister la monnaie fiat (euros, dollars…) et les crypto sous la forme de security tokens. Ces acteurs partent avec de bonnes fondations. "Ils ont la compliance, une taille suffisante et une base d'utilisateurs déjà établie", argue Arnaud Masset, analyste au sein du groupe bancaire Swissquote. "C'est très intéressant pour les actifs peu liquides comme l'immobilier et les objets d'art car cela permet d'afficher la valeur de manière continue et d'apporter de la liquidité. Sans compter, qu'il n'est pas possible de falsifier quoi que ce soit", complète-t-il. 
La plus grande bourse suisse basée à Zurich, Six Swiss Exchange, lancera sa plateforme de security tokens au premier semestre 2019. Baptisée SIX Digital Exchange, elle fournira un "environnement sécurisé pour émettre et échanger des actifs digitaux et permettre la tokenisation de securities existants. Tout cela dans un environnement agile", est-il écrit sur le site. "Cela va donner un grand coup de pied dans le business du trading", note Arnaud Masset. Cette annonce helvète surprend peu, tant la Suisse est un des pays les plus crypto-friendly au monde, avec tout un écosystème dans le canton de Zoug, surnommé "la Crypto Valley". 
"Le seul problème des banques aujourd'hui est la régulation. Si l'activité des security tokens devient légal, elles iront"
L'autre pays européen pro-blockchain, Malte, part aussi à l'assaut des security tokens. La bourse maltaise, Malta Stock Exchange (MSX), s'est associée au Chinois Binance, l'exchange n°1 mondial en volume échangé quotidiennement, pour lancer une plateforme de trading de security tokens (la date de lancement n'est pas communiquée). L'opérateur boursier a également scellé le même partenariat avec le n°2 mondial, aussi chinois, OKEx.
Aux Etats-Unis, pas de grosses annonces du côté du Nasdaq ou d'autres bourses américaines. Mais la réglementation s'y prête davantage qu'en Europe car la SEC (Securities and exchange commission), le gendarme financier US, considère que la majorité des tokens sont des security tokens. L'Intercontinental Exchange (ICE), maison-mère du New York Stock Exchange (NYSE), a quant à elle annoncé le lancement en novembre prochain de Bakkt, une plateforme d'échanges de crypto-monnaies (à part le bitcoin, aucun autre nom d'actif n'a été révélé pour l'instant). Proposer des security tokens pourrait être une suite logique.
Et les banques dans tout ça ? Pour le moment, elles sont majoritairement très frileuses sur le sujet des crypto. Seule Goldman Sachs a annoncé l'ouverture d'un trading desk bitcoin et Morgan Stanley a de son côté prévu de proposer à ses clients des swaps (produits financiers dérivés) basés sur le bitcoin. En Suisse, à part Swissquote qui permet de faire du trading de crypto, rien à l'horizon. Mais la situation pourrait bouger. "Aucune banque suisse ne prendra le risque de ne pas aller sur de nouveaux marchés. Le seul problème des banques aujourd'hui est la régulation. Si ça devient légal, elles iront", soutient Arnaud Masset. Pour l'heure, l'Europe n'a toujours pas statué sur la définition ni la classification des tokens.
Ces premiers mouvements dans le monde traditionnel sont en partie poussés par les acteurs de la blockchain et des crypto, en particulier les exchanges, qui se positionnent aussi sur ce marché. Leur principal avantage ? Maîtriser la technologie. Cependant, pour faire du trading de security tokens, il faudra le statut de broker-dealer, puisque la SEC les considère comme des titres financiers. Un statut que ne possèdent pas encore les gros exchanges. "Nous voulons être le lieu compliant où vous pouvez commencer à trader ces tokens qui sont classifiés comme des securities", a déclaré le CEO de Coinbase, Brian Amstrong, au dernier TechCrunch Disrupt à San Francisco. Pour remédier à cette situation, certains rachètent des brokers et récupèrent leur agrément. C'est le cas de Coinbase qui a acquis en juin 2018 Keystone Capital Corp (broker), Digital Wealth (conseil en investissement) et Venovate (broker), tous approuvées par la SEC. "Cela leur permet de ne pas attendre que la réglementation évolue. Et elle ne va probablement pas évoluer avant un certain temps", estime Clément Jeanneau. L'exchange US aux 20 millions d'utilisateurs dans le monde attend encore le feu vert du régulateur américain pour opérer sous les licences de ses brokers, qui devraient arriver en fin d'année, d'après le COO de Coinbase, Asiff Hirji.
"Coinbase veut être le lieu compliant où vous pouvez commencer à trader ces tokens classifiés comme des securities"
Son concurrent Circle a quant à lui racheté l'exchange Poloniex début 2018, qui permet d'échanger une soixantaine de crypto-monnaies. Mais ce dernier n'avait pas de statut de broker-dealer. L'Américain a donc demandé une licence spécifique à la SEC pour développer une activité de security tokens. "Dans le futur, nous pensons que pour la plupart des actions, des fonds proposeront des crypto tokens au lieu de contrats en papier", avait déclaré il y a quelques mois au JDN Jérémy Allaire, CEO de Circle.
Huobi, un exchange chinois, a quant à lui investi dans la plateforme de security tokens OpenFinance Network et dans SharesPost, un spécialiste de l'investissement dans les securities "traditionnels". Contacté, un porte-parole d'Huobi n'a pas souhaité nous en dire plus sur les projets de la société mais assure qu'elle investit beaucoup dans ce domaine : "Les security tokens seront un bon complément au modèle de financement crypto actuel qui n'est pas régulé. Nous avons besoin de plateformes de trading de securities (comme le Nasdaq ou les détenteurs de licence ATS, Alternative trading system) pour échanger les security tokens. Parce que comme les régulateurs disent : les security tokens peuvent seulement être échangés sur des exchanges régulés. Mais pour le moment, la priorité est d'encourager la création de plus de security tokens et d'encourager les securities existants à se tokeniser", estime Bonna Zhu, chief blockchain analyst chez Huobi. La fratrie des security tokens n'est pas encore au complet.

Dans le monde des tokens (ou jetons) il y a trois grandes familles : les tokens de paiement, les utility tokens et les security tokens. Les premiers, sont, comme leur nom l'indique, utilisés comme des moyens de paiement, les seconds donnent accès…
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