TRIBUNE – « Si bon nombre de professionnels ont compris qu’ils devaient miser sur l’avis de leurs clients pour attirer et convaincre durablement, tous ne jouent pas exactement le jeu de l’évaluation authentique » déplore ce directeur marketing et des ventes d’une entreprise.
CONSOMMATION – Leur nombre est en constante augmentation tout comme leur popularité. Et pour cause. Les avis clients en ligne se sont convertis en véritables atouts stratégiques des marques et de leurs établissements physiques. Sous forme d’étoiles, de notes, de commentaires et même de vidéos, ils jouent désormais un rôle déterminant dans les décisions des consommateurs. Avant le déplacement vers un établissement, une décision entre deux articles ou même lors d’un achat impulsif, le réflexe de la recherche en ligne est incontournable. Rien qu’en France, plus de 75 % d’acheteurs affirment qu’ils consultent activement les avis clients pour obtenir des informations sur une entreprise qui les intéresse¹.
Si bon nombre de professionnels ont compris qu’ils devaient miser sur l’avis de leurs clients pour attirer et convaincre durablement, tous ne jouent pas exactement le jeu de l’évaluation authentique. Malheureusement, certains décident d’avoir recours à des pratiques trompeuses pour attirer de futurs clients. Pire, des entreprises vont même jusqu’à ternir l’image de leurs concurrents pour leur ravir des clients. Comment ? En achetant de faux avis. Rien que sur l’année 2020, Amazon a déclaré en avoir supprimé plus de 200 millions disséminés à travers sa marketplace². Alors, les faux avis représentent-ils un aimant à clients pour les entreprises ou, au contraire, piège qui conduit plus assurément au bad buzz ? Après tout, les professionnels sont en droit de connaître les actions qui leur permettent d’accumuler des avis convaincants le plus rapidement possible. Les avis clients en ligne représentant le premier critère de choix d’une entreprise pour la majorité des Français selon un rapport IFOP dédié à leurs décisions d’achat, peut-on les tromper pour mieux les convaincre ?
Acheter des faux avis en ligne est officiellement considéré comme une pratique commerciale trompeuse aux yeux de la loi française. N’en déplaise aux professionnels qui préféreraient investir dans une communication mensongère plutôt que de se préoccuper de l’expérience réelle proposée à leurs clients. Après tout, l’idée est bien de mettre en valeur une entreprise ou d’écorner l’image d’un concurrent par le biais d’une communication qui ne reflète aucunement la réalité du terrain. Alors même que la publication d’avis en ligne, contrairement à la pratique publicitaire, se veut authentique et libre. Acheter un faux avis revient donc à faire de la publication mensongère pour une société qui ne mérite aucune éloge. C’est une pratique qui induit les consommateurs en erreur et qui mène, à coup sûr, à l’insatisfaction client.
Et c’est pour cette raison que cette pratique est sévèrement punie par la loi française. Si une entreprise est prise en flagrant délit d’achat et de publication de faux avis, elle encourt une amende de 300 000 euros et une peine allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement pour son dirigeant ou sa dirigeante. Créé en 2016 et appliqué en 2018, c’est l’article L. 111–7–2 du Code de la Consommation qui pose un cadre légal autour de la publication d’avis en ligne. Il oblige tous les gestionnaires d’avis à communiquer les procédures de contrôle de la fiabilité des retours publiés ainsi que les raisons pouvant motiver le refus d’une publication aux consommateurs. Autrement dit, toute entreprise se doit d’informer son audience quant aux mesures prises contre la publicité mensongère.
De plus, la norme AFNOR NF Service Avis en ligne vient compléter ce cadre légal français. De la collecte à la restitution en passant par la modération, cette norme régit le traitement des retours clients affichés sur les pages des marques depuis 2014. Elle a donc été appliquée avant l’article du Code de la Consommation. Depuis 2018, une norme internationale, intitulée NF ISO 20488, est également en vigueur. Elle vise expressément à fiabiliser les avis en ligne.
Et plus récemment, l’Union Européenne s’est également mise à condamner toute publication d’avis ne représentant pas une expérience client véritablement vécue à travers sa directive n°2019 / 2161 dite Omnibus. Rendue applicable le 28 mai 2022, elle spécifie que ses États membres doivent fixer, dans leur droit national, une amende dissuasive maximale à un niveau correspondant à au moins 4 % du chiffre d’affaires annuel du professionnel pour ce type d’infractions.
La guerre à l’usage de faux est engagée par l’État français et plus largement au niveau européen. Un avis doit être une représentation sincère de l’expérience client vécue, sans quoi il fera l’objet de sanctions légales. Et ce ne sont pas les seules sanctions auxquelles s’exposent les entreprises malintentionnées.
Plutôt passifs face aux premières vagues massives de faux avis, les géants du web entendent désormais faire front pour démontrer qu’ils n’ont qu’un objectif : proposer des résultats pertinents à leurs utilisateurs ainsi qu’une expérience utile.
Si Amazon affiche de nombreux avis depuis des années, les internautes s’en méfient. Et pour cause. De nombreux professionnels achètent de faux avis et, pire, incitent également leurs vrais clients à ne publier que des avis positifs contre rémunération. Ces pratiques douteuses sont tellement répandues qu’elles sont désormais connues de tous. À tel point que les internautes préfèrent lire des dizaines voire des centaines d’avis avant de faire confiance à Amazon ou, pire, ne plus lire les avis que la marketplace affiche.
Pour redorer son image et afficher des avis plus fiables, Amazon se lance désormais sur le terrain judiciaire. En février 2022, la plateforme a annoncé porter plainte contre les entreprises AppSally et Rebatest. Pourquoi exactement ? Le géant américain leur reproche d’encourager la publication de faux avis en jouant un rôle d’intermédiaire entre les vendeurs de sa marketplace et des utilisateurs complices. Et le géant créé par Jeff Bezos va plus loin pour rétablir la confiance avec les consommateurs. Amazon dépense désormais 700 millions de dollars par an dans le monde en ressources humaines et technologiques pour prévenir et détecter toute tentative de fraudes ou de manipulations commerciales.
Google n’est pas en reste. Dans son règlement relatif aux contenus ajoutés par les utilisateurs dans Maps, Google communique très clairement sur la publication de faux avis. Et ce depuis déjà quelques années. Le groupe insiste sur le fait que cette pratique est interdite et précise noir sur blanc qu’un commentaire ne « doit pas servir à manipuler les notes d’un lieu ». Plus concrètement, toute contribution ne respectant pas les règles établies pour Google Maps et Google Business, et étant « susceptible d’induire en erreur les autres utilisateurs » est supprimée sans notification préalable à l’établissement concerné. De même, Google se réserve le droit de supprimer tout profil dès qu’il est identifié par ses algorithmes comme diffuseur massif d’avis suspects. La sanction est lourde lorsque l’on sait que les Google Business Profiles représentent le moyen le plus efficace de faire apparaître une enseigne parmi les premiers résultats sur le moteur de recherche le plus plébiscité au monde et l’application Maps. D’autant plus qu’un Français sur deux affirme que les avis en ligne représentent le premier critère de choix d’une entreprise et que dans trois cas sur quatre, ce sont les avis Google qui sont invoqués.
Autre figure de l’avis en ligne, dédiée au secteur touristique, TripAdvisor s’engage également contre les témoignages trompeurs. La plateforme a même publié un rapport³ où elle dévoile ses actions chiffrées face aux faux avis :
Les professionnels ayant recours à l’achat de faux avis positifs se trompent de combat. Qu’ils ternissent l’image de leurs concurrents ou qu’ils s’adjugent une image positive fictive, ils oublient le caractère éphémère de leur démarche trompeuse. Leur mauvais service comme l’expérience supérieure de leurs concurrents finiront par prendre le dessus. Plutôt que de payer des faux avis pour diffuser une image de marque factice et annonciatrice d’insatisfaction certaine, au risque de lourdes sanctions rappelons-le, ces professionnels pourraient proposer une offre plus convaincante en écoutant leurs clients insatisfaits.
Les retours d’expérience de clients mécontents représentent une source d’inspiration intarissable. Mieux, ils permettent d’améliorer l’offre commerciale et l’expérience client en continu. Car si une entreprise s’intéresse au ressenti de ses clients insatisfaits, elle peut identifier les causes de leur mécontentement. Elle peut déceler des tendances d’insatisfaction et mettre en place les actions correctives qui vont booster la satisfaction, et par extension, la recommandation client. En d’autres termes, tout professionnel écoutant ses clients peut améliorer l’expérience proposée puis sa réputation en agissant selon les tendances identifiées.
Bien sûr, à force d’efforts, les avis négatifs finissent par se tarir. Reste qu’il est essentiel de poursuivre les efforts en les identifiant puis en les étudiant pour éviter toute vague de mécontentement. En d’autres termes, pour éviter tout bad buzz nuisible à l’image de marque et au chiffre d’affaires. Le moindre consommateur déçu peut générer un effet boule de neige et transformer son insatisfaction en crise de communication certaine pour les marques. Aussi, tout l’enjeu réside dans la capacité des entreprises à savoir écouter, agir puis piloter leur satisfaction client à long terme.
Comme les avis négatifs, les vrais avis positifs jouent un rôle décisif dans les décisions d’achat des Français. Aujourd’hui, les enseignes doivent afficher une note d’avis clients supérieure à 4 / 5 pour inspirer confiance à leurs prospects. Une note moyenne authentique bien sûr, qui doit être composée d’avis aussi positifs que négatifs mais, surtout, être associée à des avis datés de moins de trois mois pour être considérée comme fiable¹. C’est de cette manière que les entreprises peuvent développer une réputation positive et convaincante.
La collecte et la diffusion d’avis clients authentiques en ligne permettent donc de rassurer des prospects qualifiés, c’est-à-dire à proximité ou en quête d’une activité dans une zone géographique ciblée. L’autre avantage de ces deux actions est d’influencer la visibilité locale des enseignes à travers les services Google. En effet, une étude a prouvé que les avis clients représentent le deuxième facteur de référencement des établissements sur le Google Local Pack⁴. Pour rappel, le Local Pack est l’encadré présentant trois fiches établissement tout en haut des résultats de recherches locales.
Ainsi, travailler sa réputation en ligne permet à tout professionnel d’attirer plus facilement des consommateurs susceptibles d’acheter ses produits et services en établissement. C’est une formidable opportunité de prouver son sens de la relation client tout en inspirant confiance et en convainquant plus facilement. Toute entreprise peut demander spontanément des avis à ses clients via différents moyens de communication et à différents moments de l’expérience d’achat. En utilisant des solutions de visibilité locale, les professionnels peuvent même centraliser leurs actions et rentabiliser leur stratégie. D’autant plus qu’en gagnant du temps pour analyser les retours obtenus, il est possible de fidéliser sa clientèle.
En conclusion, l’achat d’avis en ligne constitue une infraction à la loi. C’est une pratique trompeuse qui peut servir une entreprise à court terme mais la desservir à long terme. Reste que les avis clients des enseignes doivent être envisagés comme un sujet prioritaire pour les entreprises. Mais ils doivent incarner une réelle pratique centrée autour du client, et non pas une campagne publicitaire.
¹ Rapport IFOP, L’influence des avis clients sur les décisions d’achat des Français, 2021
² Amazon, Amazon Sues ‘Fake Review Brokers’ Who Attempt to Profit From Generating Misleading and Fraudulent Reviews, 2022
³ Tripadvisor, Review Transparency Report, 2021
⁴ Whitespark, The 2021 Local Search Ranking Factors, 2021
À voir également sur Le HuffPost : Les GAFA passés sur le gril au Congrès américain
plus :
Inscrivez-vous aux newsletters du HuffPost et recevez par email les infos les plus importantes et une sélection de nos meilleurs articles
En vous inscrivant à ce service, vous acceptez que votre adresse mail soit utilisée par le Huffington Post, responsable de traitement, pour la gestion de votre inscription à la newsletter.
Conformément à la loi du 06/01/1978 modifiée et au Règlement européen n°2016/679/UE du 27/04/2016, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de modification, de portabilité, de suppression et d’opposition au traitement des informations vous concernant, que vous pouvez exercer auprès de dpo@groupelemonde.fr. Pour toute information complémentaire ou réclamation: CNIL